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TROISIÈME CHAPITRE : EXPOSER, SORTIR LES ŒUVRES DE L'ATELIER

Il m’est difficile d’expliquer précisément à quoi va ressembler l’exposition finale. Puisque je vais la composer comme je fais de la peinture ou du dessin. C’est-à-dire que je n’ai pas de plan précis et les choses seront constamment en mouvement jusqu’à ce que je m’épuise et que j’arrive au bout du temps que je peux y accorder. Toutefois, je peux tenter d'identifier les éléments que je souhaite réunir dans cette exposition.

Je veux la composer autour de trois ensembles d’éléments; soit un petit portrait que je compte dédoubler; des crabes parasites en argile; et une série de tableaux rouges suggérant des espaces urbains à la limite de l’abstraction. J’ai ensuite l’intention de lier ces éléments entre eux. Je prévois le faire en ajoutant des œuvres au corpus et en explorant différentes approches de mise en espace des œuvres bidimensionnelles.

Il y aura probablement des pièces qui seront installées au mur d’une manière plutôt classique. Toutefois, je souhaite essayer différentes façons d’installer les tableaux. Je songeais à les déposer au sol, ou tout simplement à les disposer à une hauteur autre que celle correspondant au niveau du regard. Puis, comme je l’ai fait dans les corpus précédents, je souhaite aussi associer des tableaux de grand format avec des petits formats, afin d’engendrer un jeu formel dans les rapports de proportion entre les œuvres. J’aimerais aussi explorer l'accumulation, et la superposition dans la mise en espace des tableaux, en créant des empilements dispersés dans l’espace.

Figure 16 : Maude Thibault-Morin. Le petit portrait. 2016. Gesso et crayon au plomb sur masonite, 150 cm x 180 cm.

L’exposition aura lieu à la galerie Le 36, à Québec. La salle d’exposition se trouve dans un ancien appartement. Considérant la configuration des lieux, le corpus de tableaux rouges m’a semblé être le plus adéquat pour s’insérer dans cet espace. Les murs et les divisions de la salle rejoignent bien les compositions géométriques des tableaux. Il s’agit aussi du corpus dans lequel je crois avoir le mieux réussi la tension entre la figuration et l’abstraction. Les tableaux dégagent une sensation de vide et de calme qui est pourtant habitée par l’intensité d’une couleur criarde. Cela touche les émotions paradoxales que je souhaite convier dans le monde fictif auquel je veux donner forme dans cette exposition.

Quand j’ai voulu poursuivre cette série de tableaux, j’ai réalisé deux toiles carrées reproduisant des espaces similaires. Sauf que celles-ci brisent l’uniformité chromatique des précédentes, car elles sont peintes à travers des teintes gris bleuté. Ces couleurs exposent une énergie et une temporalité différentes des tableaux rouges. Néanmoins, elles sont complémentaires et font ressortir l’intensité de l’une et de l’autre tout en accentuant la différence chromatique qui les unit. Ces deux tableaux gris feront probablement partie de l’exposition, puisqu’ils proposent une transition chromatique avec le reste des œuvres de l’exposition. Les éléments rouges seront les seuls à avoir une couleur aussi éclatante, le reste sera davantage dans des tons grisâtre et beige.

Ces tableaux vont construire un lieu mental, fictif, dans lequel je veux juxtaposer la présence d’un seul personnage. Ce protagoniste a émergé lorsque j’ai réalisé la série de portraits que j’avais accolés aux tableaux rouges. Étonnamment, j’avais retranché celui-ci

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puisque j’avais jugé qu’il brisait l’unité de la série. Toutefois, je le trouvais intéressant seul. Cette figure me semble être à la fois paisible et étrange. Le personnage de ce portrait me donnait l’impression d’être prisonnier dans une sorte de sommeil semi-conscient et cela m’a intriguée. Alors, dans le cadre de cette exposition, j’ai fait le choix d’en faire la seule figure humaine présentée dans le corpus.

Pour l’instant, j’ai simplement en ma possession ce petit portrait sur masonite qui mélange le dessin et la peinture, mais je songe éventuellement à répéter la même image de ce personnage pour d’autres œuvres du corpus. Ainsi, il y aura ce protagoniste et ses doubles qui seront mis en relation dans une juxtaposition avec les paysages urbains semi- abstraits.

Figure 17 : Maude Thibault-Morin. Le petit portrait. 2016. Gesso et crayon au plomb sur masonite, 150 cm x 180 cm.

Figure 18 : Maude Thibault-Morin. Les crabes. 2016. Argile.

Ensuite, à ce portrait et à la série de tableaux, je souhaite associer des crabes en argile. Par hasard, en début d’été, j’ai vu, accolés au petit portrait, les crabes d’argile que j’avais modelés pour accompagner le corpus des organes. Tout de suite, j’ai aperçu un fort potentiel narratif liant les deux objets. Je nomme ces créatures d’argile « crabes » à cause des pinces, mais en fait ils me font davantage penser à des insectes de type parasite qui s’infiltrent dans le corps, dans la tête, dans l’espace. Ainsi, je m’imagine que le crabe s’est incrusté dans le corps du personnage qui est, lui, emprisonné dans le rêve de ces espaces imaginaires.

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CONCLUSION

Avant de conclure, je voudrais mentionner que, étonnamment, ce qui semble sédimenter l’ensemble de ma production, c’est le principe de rupture. Il finit par infiltrer tous mes choix plastiques. C’est ce principe qui fait en sorte que je structure mon travail sous forme de différents corpus. C’est aussi à cause de cela que je ne crée jamais d'histoire réelle et lisible.

Durant la création de mes corpus, j’ai besoin de provoquer des interruptions pour prendre de la distance, pour me surprendre et explorer de nouvelles avenues. Jusqu’à maintenant, j’ai accumulé la production de matériel (œuvres) qui permet de composer les différents univers. Je vois la mise en espace de ces corpus de manière plutôt aléatoire. Je ne veux pas toujours reproduire la même installation avec les mêmes pièces. J’ai besoin de sentir que ces univers sont en constante mouvance et mutation. Au cours des derniers mois, j’ai revisité chaque corpus que j’avais entamé l’année précédente pour les enrichir et les faire progresser dans d’autres directions et j’ai l’impression que ceux-ci vont m’accompagner longtemps.

Aussi, il me semble important d’insister sur le fait que j’accorde à ma pratique en peinture et en dessin une dimension immersive, puisque je crois que ces médiums peuvent avoir le pouvoir d’occuper l’espace de manière à nous envelopper dans un univers à part. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de mettre en place un décor pour que l’on se sente absorbé par l’art. Je crois que l’on peut simplement créer un jeu de correspondances entre les éléments. On peut simplement leur faire occuper l’espace d’une certaine façon, moins conventionnelle. Puis, avec un peu d’imagination et de curiosité, il sera possible de se sentir bordé par le monde imaginaire qui nous entoure.

Pour conclure d’une manière plus officielle, je dirais que mon parcours à la maîtrise m’a permis de définir d’une manière introspective et intrinsèque à mon travail les principes qui caractérisent mon approche. Au cours de l’écriture de ce texte, j’ai aussi pu affirmer l’importance qu’occupaient la solitude, la rêverie, les sentiments et le rapport charnel à la matière dans mon processus de création. Si durant mes deux années de maîtrise j’ai créé principalement en dessin et en peinture, j’ai tout de même espéré explorer d’autres

médiums. J’ai d’ailleurs fait une incursion vers la performance. J’avais exécuté une performance très courte, dans laquelle j’avais simplement recréé un geste que j’avais illustré dans un dessin réalisé antérieurement. Je crois que j’aimerais éventuellement explorer davantage un rapport transitoire entre performance et dessin.

Figure 19 : Maude Thibault-Morin. Faire comme l’image. 2016. Performance, 1 min.

Figure 20 : Maude Thibault-Morin. Corpus : Les organes. 2016. Dessin au plomb sur papier, 150 cm x 175 cm.

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