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Les travaux empiriques sur le design des obligations convertibles

1.4 La structuration des émissions d’obligations convertibles

1.4.2 Les travaux empiriques sur le design des obligations convertibles

La plupart des travaux qui se rapportent au design des OC tentent de vérifier si la structuration des OC est cohérente avec les théories justifiant le recours aux OC. En effet, si les OC sont effectivement émises pour répondre aux problèmes liés au financement externe, alors on peut s’attendre à ce que leur construction puisse prendre en considération ces problèmes spécifiques des émetteurs. Cependant bon nombre de recherches se portent également sur l’impact de la part « action » contenue dans les OC sur la réaction du marché à l’annonce de leur émission. Ces travaux tentent de tester le modèle de Myers et Majluf (1984) basé sur l’asymétrie informationnelle. Afin d’éviter les redondances nous aborderons ces travaux dans la dernière partie de ce chapitre consacré à la réaction du marché aux émissions d’OC.

De façon générale, les travaux testant la relation entre les motivations des émetteurs et la structuration des OC ont montré que le design des OC dépend du type de problème que l’émetteur tente de résoudre. Lewis et al. (1998) analysent le design des OC afin de tester les motivations des émetteurs d’OC. Ils identifient des différences majeures entre les émetteurs en ce qui concerne la construction de leurs titres. Les résultats montrent que ces titres sont structurés de manière à maîtriser les coûts liés au financement externe et que cette structuration varie également en fonction du cycle économique de l’émetteur. Les résultats en accord avec l’hypothèse de Green (1984) indiquent que les OC sont structurées de manière à octroyer aux obligataires, lorsque la conversion a lieu, une part relativement importante du capital de l’émetteur lorsqu’il existe un risque élevé de substitution d’actifs. Ces résultats sont corroborés par ceux de Lewis et al. (1999) qui montrent que les émetteurs d’OC de type « dette » sont ceux qui présentent les caractéristiques des firmes qui sont enclines à exproprier leurs créanciers par la substitution d’actifs. En effet, comparés aux émetteurs d’obligations classiques, les émetteurs d’OC de type « dette » sont de petite taille, sont plus risqués mais disposent de plus d’opportunités de croissance. Sur le marché européen, Dutordoir et Van de Gucht (2009) montrent également que les OC sont structurées de façon à réduire les coûts spécifiques à l’émission de dettes classiques. A l’opposé des précédents résultats, Krishnaswami et Yaman (2008) ne trouvent aucune relation significative entre la probabilité de conversion des OC et les coûts d’agences subis par les émetteurs.

58 En ajoutant à la typologie des OC une troisième catégorie représentée par les émissions d’OC de type « couverture » (ou mixte), Lewis et al. (2003) indiquent que l’OC convient particulièrement aux entreprises confrontées à la fois aux difficultés liées à l’émission d’obligations classiques et d’actions. Ces résultats sont confirmés par ceux de André-Le Pogamp et El Badraoui (2013) qui montrent que la structuration des OC dépend des coûts de financement externes de l’émetteur. Ils montrent notamment que les émetteurs d’OC de type mixte tentent de réduire à la fois les coûts d’asymétrie informationnelle portant sur la valeur de leurs actifs ainsi que les coûts de faillite associés à l’émission de dettes. Les auteurs enregistrent pour ce type d’émetteur une réaction du marché plus forte négativement. Ces résultats contredisent ceux de Burlacu (2000) qui reportent sur le marché français à l’annonce, des rendements anormaux significativement positifs pour les émissions de type mixte. L’auteur explique ce résultat par le fait que la profitabilité des opportunités de croissance de ce type d’émetteur soit sujette à de plus fortes incertitudes comparées à celles portant sur ses actifs ; ce qui supporte le modèle de Myers et Majluf (1984) révisé16 qui prédit pour ce type d’émetteur une réaction positive.

Conformément à l’hypothèse de la collecte indirecte des fonds propres de Stein (1992), Krishnaswami et Yaman (2008) montrent que les entreprises émettent des OC de type « action » lorsqu’elles subissent des coûts importants de détresse financière ainsi que des coûts d’asymétrie informationnelle. Toujours en accord avec l’hypothèse de Stein (1992), Lewis et al. (1998) montrent également que les émetteurs qui disposent d’informations privées favorables sont susceptibles d’émettre des OC assorties de la clause de rachat anticipé, laquelle est encadrée le cas échéant par une période de protection relativement courte. Cependant, la limite de l’étude Lewis et al. (1998) est de ne considérer qu’une seule caractéristique de l’OC à la fois puisque les auteurs considèrent successivement le pourcentage d’augmentation du capital résultant de la conversion, la maturité et enfin le délai espéré jusqu’au rappel anticipé. Lewis et al. (1999) vont proposer une analyse beaucoup plus pertinente en utilisant la probabilité de conversion des OC comme indicateur du type d’OC émis. Ils montrent notamment que les émetteurs d’OC de type « action » disposent de plus d’opportunités de croissance que les émetteurs d’actions avant l’émission. De même, ces OC ont été émises en période de forte asymétrie informationnelle, ce qui supporte la théorie de Stein (1992).

16 Il s’agit du modèle de Cooney et Kalay (1993) qui prévoit contrairement au modèle de Myers et Majluf (1984), l’existence de projet à VAN négative.

59 D’autres études analysent également le lien entre d’autres caractéristiques de l’émission et les théories justifiant le recours aux OC. En lien avec l’hypothèse de financement séquentiel de Mayers (1998), Korkeamaki et Moore (2004) mettent en exergue la relation positive entre la date théorique d’exercice de l’option d’investissement et l’intensité des restrictions qui encadrent le rappel anticipé. Ces restrictions sont mesurées par le type de protection prévue par l'émetteur qui varie d'une absence totale de protection à une protection forte (absence de protection, soft call et/ou hard call). La date théorique d’exercice de l’option d’investissement est capturée par le délai au bout duquel les dépenses d’investissement atteignent le montant total initial de l’émission. D'autre part, ils analysent le lien entre la durée de ces restrictions et les opérations d'investissement. Les résultats confirment la théorie du recours aux obligations convertibles pour mettre en œuvre une stratégie de financement séquentiel puisque les activités d'investissement sont en relation positive aussi bien avec l'intensité des mesures restrictives que de la durée de ces dernières ce qui signifie que : plus tôt la firme a besoin de saisir ses opportunités de croissance moins forte sera l'intensité des restrictions qui encadrent le rappel anticipé (peu ou pas de mesures de protection) et si restriction il y a, plus courte sera sa durée.

Plusieurs études analysent par ailleurs l’impact de la demande des investisseurs pour les OC sur la construction de ces titres. Par exemple, Grundy et Verwijmeren (2016) testent l’hypothèse selon laquelle la présence des fonds d’arbitrage sur convertibles justifierait l’émission des OC assorties de la clause de protection des dividendes. Cette clause particulière permettrait aux arbitragistes de mettre en place facilement leur stratégie car le paiement des dividendes n’affecte pas la valeur de conversion des OC, ce qui ne nécessite donc aucun ajustement dans la stratégie. Pour cette raison, les fonds spécialisés d’arbitrages sur convertibles préfèrent des OC comportant cette clause de protection des dividendes. Cependant les résultats obtenus sont mitigés. D’une part les résultats de Grundy et Verwijmeren (2016) indiquent que contrairement aux émetteurs d’OC dépourvues de la clause de protection des dividendes, les émetteurs d’OC assorties de cette clause ont une politique de remboursement anticipé optimale au sens d’Ingersoll (1977)17. Toutefois l’inclusion de la clause de protection des dividendes n’a aucun lien avec l’implication des fonds d’arbitrage sur le marché des OC. De Jong et al. (2013) analysent également la relation entre la demande des investisseurs pour les OC et le design de ces dernières. Les résultats supportent que la demande des investisseurs pour les OC n’a qu’un impact mineur sur la structuration des OC. Plus précisément, ils identifient une relation

17 Ingersoll (1977) montre que lorsque les dirigeants poursuivent la maximisation de la valeur des actionnaires, il est optimal de rappeler les OC dès que leur valeur de conversion atteint leur valeur de remboursement.

60 cohérente entre différents indicateurs de la demande des investisseurs pour les OC et la durée de la protection contre le rappel anticipé. A l’opposé de ces travaux, Loncarski et al. (2009) montrent que la baisse de performance des fonds de couverture ces dernières années est due en partie par des changements opérés par les émetteurs dans la structuration de leurs émissions. En effet les entreprises émettent désormais des OC beaucoup moins attrayantes pour les fonds de couverture spécialisés en arbitrage sur convertibles (OC de type dette et moins sous-évaluées). Ce point de vue s’écarte de celui de plusieurs auteurs qui affirment que les émetteurs adaptent leur offre d’OC à la forte demande de certains investisseurs pour le financement hybride notamment les OC.

61 Tableau 1.2 : Travaux empiriques sur l’impact des coûts de financement sur la décision d’émettre des OC ainsi que leur structuration

OC comme

alternatives aux Travaux empiriques Résultats

Obligations classiques

Billingsley et Smith (1996) L’OC est perçue par les répondants comme de la dette obtenue à un coût relativement faible Lewis et al. (2003) Les entreprises subissant des coûts importants liés à l’émission de dettes classiques émettent

des OC de type « dette »

Lewis et al. (1998) L’OC est construite de façon à accorder aux obligataires une part importante du capital en présence d’un risque élevé de substitution d’actif

Lewis et al. (1999) Les entreprises les plus concernées par le phénomène de substitution d’actifs sont également celles qui émettent des OC de type « dette »

Dutordoir et Van de Gucht (2009) L’OC de type « dette » est préférée par les firmes connaissant des problèmes spécifiques à l’émission de dettes

Actions ordinaires

Pilcher (1955)

L’OC est perçue par les participants à différentes enquêtes qualitatives comme un moyen de collecter indirectement des fonds propres à moindre coût

Brigham (1966) Hoffmeister (1977)

Lewis et al. (2003) Les firmes rencontrant des difficultés à réaliser une augmentation de capital émettent des OC de type « action »

Ni aux obligations classiques ni à l’augmentation de

capital

Lewis et al. (2003) Les firmes subissant une asymétrie se reportant à leur niveau de risque émettent des OC de type « mixte »

André-Le Pogamp et El Badraoui (2013)

Les émetteurs subissant des coûts de financements importants liés à la fois à l’émission de dettes classiques et d’actions sont susceptibles d’émettre des OC de type mixte. Pour ces émetteurs, la réaction est plus forte négativement.

Dutordoir et al. (2014b) Les entreprises les plus exposés aux problèmes d’agence émettent des OC plutôt qu’un instrument traditionnel

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