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Travail du dimanche, selon la PCS et l'année

Cadres P. Intermédiaires Employés Ouvriers

Ces observations globales cachent d’autres résultats : la différence de répartition entre travail habituel et travail occasionnel.

Les employés demeurent la catégorie la plus touchée par le travail habituel : plus de 21% des employés travaillent le dimanche de manière habituelle. Entre 1984 et 2013, cette forme de travail dominical s’est très fortement accrue : +17 points en trente ans. Seulement 5% des employés travaillaient habituellement le dimanche en 1984. La progression des loisirs, l’augmentation des emplois dans les services aux particuliers et les transformations opérées dans le commerce et les services (extension des horaires d’ouverture des magasins ; multiplication des restaurants, des cinémas et autres lieux de loisirs) peuvent expliquer le fort développement du travail dominical pour la catégorie des employés. Puisque, comme le soulignent Laurent Lesnard et Thibaut de Saint Pol (2008, p.57) « le développement des services signifie qu’une partie des loisirs des uns devient du

travail pour d’autres ; par conséquent, un certain nombre d’actifs doit être au travail quand les autres n’y sont pas, afin de satisfaire leur besoin. »

Le travail habituel concerne ensuite à part égale les professions intermédiaires et les ouvriers (10,5%). Nous retrouvons dans ces résultats le concours de ces catégories socioprofessionnelles à la continuité de la vie sociale (chauffeurs, éducateurs) et de la permanence des soins (infirmiers, sages- femmes, etc.) En trente ans, la part du travail dominical habituel a augmenté de 8 points pour les professions intermédiaires et les ouvriers.

Enfin, les cadres sont la catégorie la moins exposée au travail habituel du dimanche : seulement 5,5% d’entre eux (alors qu’ils constituent la deuxième catégorie la plus touchée par le travail du dimanche dans son ensemble). Pour eux, la proportion du travail habituel a augmenté de seulement 4 points entre 1984 et 2013.

Le travail occasionnel du dimanche répond à une double logique (Algava, Vinck, 2012) ; comme le travail habituel, le travail occasionnel vise à assurer la continuité de vie sociale, de la permanence des soins et de la sécurité des biens et des personnes. Mais, le travail occasionnel est également pratiqué par les professions disposant d’une relative autonomie dans l’organisation de leurs horaires. Le cas des enseignants préparant leurs cours ou corrigeant leurs copies le dimanche constitue une bonne illustration de cette situation. Conformément à cette intuition, c’est la catégorie des cadres qui est la plus touchée par le travail dominical occasionnel : 23% d’entre travaillent occasionnellement le dimanche, contre 15% des employés et des professions intermédiaires et 11% des ouvriers. Une illustration de ce constat pourrait être l’exemple du cadre ramenant du travail à la maison et consacrant une partie de son week-end à ce travail supplémentaire : en 2013, presque 64% des cadres emportent du travail chez eux (dont presque 19% tous les jours) ; contre 34% des professions intermédiaires, 8% des employés et 3,5% des ouvriers.

Quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle, le travail dominical occasionnel a diminué entre 1984 et 2013, mais cette baisse a été contrebalancée par une hausse systématique du travail habituel. Ainsi, entre 1984 et 2013, le travail du dimanche a progressé pour toutes les catégories salariées (voir graphique n°5).

En ce qui concerne le travail du samedi, les employés sont à nouveau la catégorie la plus touchée : 55% d’entre eux travaillent ce jour-là. Viennent ensuite les ouvriers (48%), les professions intermédiaires (44%) et les cadres (42%). Comme pour le travail dominical, la répartition entre travail habituel et occasionnel change en fonction de la catégorie socioprofessionnelle : les employés travaillent majoritairement de façon habituelle le samedi (41% contre 14% de manière occasionnelle). Pour les autres catégories, c’est le travail occasionnel qui est le plus important : 26% des ouvriers travaillent occasionnellement le samedi (contre 22% habituellement) et 23% des professions intermédiaires travaillent occasionnellement (contre 21% habituellement). Les cadres sont les salariés qui travaillent le plus de manière occasionnelle (30% d’entre eux) et le moins de manière habituelle (12%).

Si le travail dominical a progressé pour toutes les catégories socioprofessionnelles, le travail du samedi a, quant à lui, connu des évolutions contrastées. C’est pour les ouvriers que cette modalité atypique a le plus progressé : +11,5 points en trente ans. Si en 1984 ils n’étaient que 36% à déclarer travailler le samedi, en 2013, ils sont presque 48% à le faire. Pour cette catégorie, le travail occasionnel, comme le travail habituel, ont tous deux augmenté.

Les employés ont également connu une légère progression du travail du samedi entre 1984 et 2013, mais d’à peine 2 points. Le changement intervenu pour cette catégorie, c’est le fort recul du travail occasionnel (-11 points) au profit du travail habituel (+13 points). En revanche, les cadres comme les professions intermédiaires travaillent moins souvent le samedi : entre 1984 et 2013, cette modalité a régressé de 8 points pour les cadres et de presque 5 points pour les professions intermédiaires.

Comme le laissent deviner ces résultats, les employés sont les travailleurs disposant le moins souvent de 48 heures consécutives de repos (77% d’entre eux en 2013). Ce sont également les salariés pour qui cette variable est revenue à son niveau de 1984, après avoir diminué jusqu’en 1998. Les ouvriers constituent la deuxième catégorie à disposer le moins souvent de deux jours consécutifs de repos (85%) et la seule catégorie à avoir vu cette modalité diminuer entre 1984 et 2013 : ils étaient plus de 87% à bénéficier de ce type de repos en 1984. Les professions intermédiaires et les cadres sont les deux catégories à disposer le plus souvent de 48 heures de repos (à 87 et 89%) et à avoir connu une hausse importante de cette variable : +9 points pour les professions intermédiaires et +8 points pour les cadres.

C . L a p r é v i s i b i l i t é e t l a m a î t r i s e d e s h o r a i r e s

Nous venons de le montrer : les salariés se distinguent les uns des autres par le nombre d’heures travaillées et par la localisation de ces heures à l’échelle de la journée et de la semaine. Les salariés se différencient également par le degré d’autonomie dont ils jouissent pour organiser leur temps de travail, mais aussi par le degré de prévisibilité et de régularité de leurs horaires. La maîtrise de son emploi du temps est une composante primordiale pour appréhender la qualité du temps de travail, dans un contexte où l’articulation des différentes temporalités est devenue un objectif prioritaire. Cependant, à défaut de maîtriser l’organisation de ses horaires, la régularité et la prévisibilité des

périodes travaillées constituent deux autres dimensions d’importance capitale. Or, ces trois composantes – maîtrise, régularité, prévisibilité – dépendent de la position du salarié sur le marché du travail.

La catégorie des cadres se caractérise par une autonomie temporelle forte, mais par des horaires relativement peu prévisibles et peu réguliers. Les professions intermédiaires sont dans une position intermédiaire : moins autonomes que les cadres, mais davantage que les employés et les ouvriers, ils ont des horaires un peu plus prévisibles mais un peu moins réguliers. La catégorie des employés cumulent faible autonomie temporelle, horaires peu prévisibles et peu réguliers. Enfin, les ouvriers sont les salariés ayant le moins de marges de manœuvre quant à leur organisation temporelle, mais disposant des horaires les plus réguliers.

a) La maîtrise du temps de travail

35% des cadres déterminent eux-mêmes leurs horaires, contre 11% des professions intermédiaires, 8% des employés et seulement 4% des ouvriers. Contrairement aux discours faisant état d’une plus grande liberté laissée aux salariés, nous observons que cette modalité a régressé pour toutes les catégories professionnelles entre 1991 et 2013. Et que cette baisse a été particulièrement forte chez les deux catégories les plus autonomes : -9 points chez les cadres et presque autant chez les professions intermédiaires (-8,6 points). En 1991, 44% des cadres et 20% des professions intermédiaires déterminaient librement leurs horaires de travail.

Parallèlement, les horaires déterminés par l’entreprise, sans possibilité de modification, ont progressé pour tous les salariés, excepté les cadres. Les ouvriers sont les plus concernés par ce mode de détermination des horaires (87% d’entre eux) ; viennent ensuite les employés (75%), les professions intermédiaires (62%) et les cadres (34%).

Enfin, être soumis à un contrôle de ses horaires de travail (horloge pointeuse, fiche horaire, encadrement) concerne une majorité d’ouvriers : 60,5% d’entre eux déclarent être contrôlés. Les professions intermédiaires et les employés ne sont concernés qu’à respectivement 45 et 47%. Enfin, les cadres sont les moins exposés à un contrôle de leurs horaires : seulement 25% d’entre eux. Néanmoins, ces derniers, tout comme les professions intermédiaires, ont vu leurs horaires de plus en plus contrôlés entre 1984 et 2013 : +5 points pour les cadres et +7 points pour les professions intermédiaires. Pour les employés et les ouvriers, cette modalité n’a pratiquement pas évolué sur la période.

b) La régularité et la prévisibilité des horaires de travail

À l’échelle de la semaine, les cadres connaissent des horaires de travail plus réguliers que les autres. En effet, en 2005, 92% d’entre eux travaillent le même nombre de jours chaque semaine, contre 88% des ouvriers, 85% des professions intermédiaires et 84% des employés. Entre 1984 et 2005, les cadres sont les seuls à connaître une progression de cette modalité. Les autres catégories travaillent de moins en moins le même nombre de jours chaque semaine. Par ailleurs, même si cette variable

n’apparaît que dans l’édition 2005, presque 76% des cadres travaillaient les mêmes horaires chaque semaine, contre 72% des professions intermédiaires, 71% des employés et 68% des ouvriers. Rappelons également que ce sont eux qui bénéficient le plus souvent d’un repos hebdomadaires de 48 heures consécutives.

Néanmoins, les horaires sont moins réguliers à l’échelle de la journée qu’à celle de la semaine ; et avoir les mêmes horaires chaque jour concerne moins de salariés que les mêmes horaires chaque semaine. Par ailleurs, si les cadres bénéficient d’une certaine régularité à l’échelle de la semaine, ce sont eux qui connaissent le plus de variations dans leurs horaires journaliers. En 2013, seulement 30% d’entre eux travaillent les mêmes horaires chaque jour, contre 53% des professions intermédiaires, 54% des employés et 60% des ouvriers.

Pour autant, même s’ils sont les plus exposés à la variabilité de leurs horaires quotidiens, les cadres ont vu leurs horaires devenir plus réguliers (tout comme les professions intermédiaires) : en 1991, ils n’étaient que 23% à travailler les mêmes horaires chaque jour (soit une progression de 7 points entre 1991 et 2013). Quant aux professions intermédiaires, seulement 45,5% d’entre eux travaillaient les mêmes horaires chaque jour (soit une augmentation de 7 points sur la période). En revanche, les horaires quotidiens sont devenus un peu moins réguliers pour les employés (-2,1 points) et pour les ouvriers (-3,1 points).

Rappelons également que cette variable construite à partir de deux autres questions et utilisée dans les publications de la DARES (voir encadré n°3) génère d’importantes différences avec la variable directement issue du questionnaire. En particulier, en 2013, la proportion de cadres concernés par les mêmes horaires chaque jour passe de 30% à 60%. Même s’ils demeurent la catégorie la moins régulière sur les horaires quotidiens, nous passons du simple au double en changeant de variable. De même, l’évolution constatée entre 1991 et 2013 est plus forte : + 11 points. Par ailleurs, en nous basant sur la variable issue du questionnaire, nous constatons que ce sont les employés (et non plus les ouvriers) qui ont été le plus exposés à la régression des horaires identiques chaque jour.

Enfin, si nous nous intéressons à la prévisibilité des horaires, nous constatons que ce sont les professions intermédiaires qui ont la meilleure connaissance de leurs horaires à venir : 85% d’entre eux connaissent leurs horaires du mois à venir, contre 81% des employés, 77% des cadres et 75% des ouvriers. Ce sont les cadres et les ouvriers qui sont les plus concernés par l’imprévisibilité des horaires : 14% des cadres et 15% des ouvriers ne connaissent pas les horaires qu’ils devront effectuer la semaine suivante (dont respectivement 6 et 7% qui ne connaissent même pas les horaires du lendemain).

CONCLUSION INTERMEDIAIRE : Cette troisième section nous a permis de montrer que la résistance de la norme fordiste, observée au cours de notre première section, cache bel et bien une croissance des inégalités en matière de temps de travail. La catégorie socioprofessionnelle discrimine le maintien ou le recul des différentes composantes de la norme fordiste.

Les cadres s’écartent de la norme en connaissant un allongement de leurs durées hebdomadaires et journalières de travail, ainsi qu’un accroissement de l’imprévisibilité de leurs horaires de travail, néanmoins contrebalancé par une plus forte maîtrise de leur emploi du temps, une variabilité des horaires quotidiens moins forte qu’auparavant (mais toujours plus importante que celle des autres PCS) et par une moindre exposition au travail décalé. Toutefois, nos résultats permettent de nuancer l’idée selon laquelle cette catégorie socioprofessionnelle serait épargnée par les horaires atypiques ; la maîtrise de leur organisation temporelle s’accompagnant d’une forte propension à travailler occasionnellement le soir ou le dimanche.

Pour les emplois peu ou pas qualifiés, la remise en cause de la norme passe par la forte progression des horaires décalés aux marges de la journée (ouvriers) et de la semaine (employés), notamment lorsqu’ils sont travaillés de manière habituelle ; par un raccourcissement des durées de travail et par le développement des formes d’emploi précaires (temps partiel et contrat à durée déterminée) ; ainsi que par une moindre prévisibilité et maîtrise des horaires.

C

ONCLUSION

La norme fordiste, même si elle a été fragilisée au cours des dernières décennies, résiste et demeure majoritaire, tout en conservant pour une grande partie des salariés son rôle de référence positive quant à l’organisation du temps de travail. Pour autant, les contournements à cette norme progressent et font émerger d’autres régimes temporels. Comme le souligne Paul Bouffartigue (2012, p.26), « s’il est clair que nous quittons, depuis une quarantaine d’années, un régime temporel

de type fordiste, celui vers lequel nous nous orientons apparait largement indéterminé. » En effet,

l’érosion de la norme dominante ne se fait pas au profit d’une nouvelle norme unique, mais nous assistons plutôt à une diversification importante des comportements et des habitudes de travail. La remise en cause de la norme fordiste débouche sur plusieurs régimes temporels distincts, plus ou moins favorables aux salariés, plus ou moins hiérarchisables. En effet, les écarts à la norme fordiste sont largement ambivalents et derrière le terme « flexibilité » se cachent des situations diverses et contrastées, dépendantes du sexe, de la profession et du niveau de qualification. Le recul de la norme cache ainsi une croissance des inégalités sociales en matière de temps de travail.

D’un côté, nous aurions les salariés qui tirent avantage de ces écarts à la norme. La flexibilité leur serait favorable, puisqu’elle leur permettrait de se dégager du temps et de mieux maîtriser leurs emplois du temps. Cette catégorie serait relativement protégée contre les horaires décalés (mais pas totalement épargnée, comme nous l’avons souligné), mais connaîtrait un allongement de ses durées hebdomadaires et journalières, ainsi qu’une plus grande variabilité de son temps, contrebalancée toutefois par une plus grande autonomie quant à la détermination de ses horaires. De l’autre, nous aurions les salariés qui subissent la flexibilité, imposée unilatéralement par l’employeur pour répondre aux contraintes de production ou aux exigences de la demande. Leurs temps de travail seraient diversifiés, leur gestion du temps complexifiée. Pour eux, la norme s’effriterait par la propagation des horaires décalés aux marges de la journée ou de la semaine, et par la diffusion du temps partiel et des contrats précaires.

La première catégorie concernerait plutôt les emplois d’encadrement ; la seconde, les professions intermédiaires, les employés et les ouvriers (Bouffartigue, Bouteiller, 2002, 2003 ; Lesnard, 2006, 2009 ; Barrois, 2011).

Néanmoins, cette dichotomie entre régimes temporels « favorables » et « défavorables » aux salariés demande à être nuancée et nécessiterait d’être approfondie. Par rapport aux enquêtes CONDITIONS DE TRAVAIL précédentes, l’édition 2013 a été enrichie sur la thématique de la satisfaction au travail et de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, notamment par l’administration d’un auto-questionnaire. Les analyses exploratoires réalisées à ce propos suggèrent une opposition moins tranchée entre les salariés : en effet, les travailleurs qui bénéficieraient « d’écarts à la norme positifs » ne déclarent pas nécessairement une satisfaction plus grande à l’égard de leur travail, pas plus qu’ils ne déclarent des difficultés de conciliation moins importantes. À l’image des travailleurs indépendants, figure idéal-typique de la maîtrise et de la libre organisation de son temps (Barrois, Devetter, 2015), les salariés bénéficiant d’une plus grande autonomie peuvent se trouver dans des situations ambivalentes : des contraintes plus informelles peuvent peser sur eux (reconnaissance sociale à travers le « présentéisme » ou le « surtravail » par exemple, Gershuny, 2005), les exposant à

des horaires longs, occasionnellement décalés et imprévisibles, et créant dès lors un décalage entre les « préférences déclarées » (des horaires courts et respectueux des rythmes sociaux et familiaux) et les « comportements observés ».

Tableau 17: Catégories socioprofessionnelles, conciliation vie privée et vie professionnelle, santé et bien-être au travail

Votre travail a une influence positive sur

votre santé

Vos horaires s’accordent bien ou très bien avec

vos engagements en dehors de votre travail

Pouvoir s’absenter facilement en cas d’imprévu personnel ou familial Cadres 24,8% 79,8% 75,5% Professions intermédiaires 21,6% 81,9% 64,7% Employés 21,6% 81,4% 56,2% Ouvriers 16,6% 82,4% 61,8%

Ne jamais travailler au- delà de l’horaire prévu

Ne pas avoir été joint par l’entreprise en dehors des

horaires de travail Score de bien-être au travail (OMS) Cadres 10,6% 40,2% 15,03 Professions intermédiaires 14,6% 50,2% 15,38 Employés 28,9% 52,6% 15,73 Ouvriers 31,5% 68,8% 15,87

Champs : Ensemble des salariés en emploi, Enquête CDT 2013

Disponible dans la présente édition de l’enquête CDT, le score de bien-être de l’OMS (Who-5) est calculé à partir de cinq questions auto-administrées (se sentir de bonne humeur, se sentir calme et tranquille, se sentir vigoureux et plein d’énergie, se réveiller frais et dispos, avoir une vie quotidienne remplie de choses intéressantes). Le score est compris entre 0 et 25. Plus le score est élevé, plus le « bien-être » est élevé.

Par ailleurs, comme nous l’avons démontré dans nos deuxième et troisième sections, les emplois « féminins » et « masculins » demeurent une réalité. L’inégale répartition des hommes et des femmes dans les métiers se répercute sur leurs conditions de travail et leur rapport au temps. Nous retrouvons ainsi les tendances soulignées précédemment : les hommes, surreprésentés parmi les cadres et les ouvriers, sont plutôt concernés par des horaires longs et décalés aux marges de la journée ou de la semaine. Les femmes, surreprésentées chez les employés, sont davantage touchées par des durées hebdomadaires courtes, via la forte diffusion du temps partiel, se combinant souvent avec des formes d’emploi plus précaires ; ainsi que par le développement du travail décalé aux marges de la semaine.

De fait, nous pouvons supposer que les différences constatées entre les hommes et les femmes transitent par la profession : ces écarts seraient imputables, en grande partie, aux différences de conditions de travail entre les secteurs et les professions. Ce ne serait pas tant le sexe que la place occupée dans l’arbre des métiers qui expliquerait les disparités observées tout au long de ce premier

chapitre (Devetter, 2009) ; hypothèse corroborée par la polarisation du marché du travail féminin et le creusement des inégalités entre les femmes elles-mêmes : entre les femmes qui accèdent à des postes hautement qualifiés et dont la situation tend à se rapprocher de celles des hommes14, et les femmes qui occupent les emplois les plus précaires (Milewski et al., 2005 ; Battagliola, 2008 ; Châteauneuf-Malclès, 2011).

Néanmoins, la position des hommes et des femmes au sein du système économique et les inégalités qui en découlent sont complexes et multidimensionnelles, puisque résultant d’une grande combinaison de facteurs, non exclusivement formées dans la sphère économique. Les différences observées entre les hommes et les femmes résulteraient de la ségrégation professionnelle et des différences de conditions de travail des secteurs et professions. Mais la ségrégation professionnelle, la faible mixité du monde du travail et l’existence d’emplois « masculins » ou « féminins » sont également le résultat de rapports sociaux de genre, influençant les choix d’orientation des filles et des garçons, les compétences et rôles attribués à chacun au sein de la sphère familiale (et donc, économique) ou encore les pratiques des entreprises ou l’orientation des politiques publiques (Châteauneuf-Malclès, 2011).

Ce premier chapitre nous a permis de dresser les principales caractéristiques du temps de travail, à