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Les élections constituent une forme de participation des citoyens à la vie politique. Le chercheur y porte un intérêt dans le but d’en comprendre l’impact au niveau des attitudes vis-à-vis de l’acte électoral. C’est pourquoi l’action citoyenne a des implications importantes pour les théories de la gouvernance démocratique. Le caractère inclusif de ces attitudes renforce l'efficacité politique, en donnant «le sentiment que l'action politique individuelle a ou peut avoir un impact sur le processus politique»450(ANGELIQUE et al., 2002)451, ce que les chercheurs anglophones qualifient d’empowerment.

Lorsque des citoyens sont issus de l’immigration et s’impliquent à un niveau transnational, dans un processus nouveau, favorable au vote à distance, les attitudes pré-électorales deviennent tributaires de différents facteurs qui nous intéressent, particulièrement, dans la présente recherche. En France, des études socio-électorales, dont celle de Patrick SIMON et Vincent TIBERJ (2012)452, ont porté sur l’analyse des conditions de vie et des trajectoires sociales des individus, en fonction de leurs origines sociales et de leur lien avec la migration.

Pour notre part, nous nous interrogeons sur l’importance et l’impact des expériences migratoires tunisiennes, dans un contexte électoral, sur le vote à distance depuis la France. La mise en place des dispositifs institutionnels tunisiens, après la révolution de 2011 (chapitre III), a ouvert des espaces trans-citoyens d’expression, qui s’étendent au-delà du simple acte électoral. En effet, une nouvelle forme de mobilisation a vu le jour à l’Etranger, et plus particulièrement en France_ le premier territoire d’accueil des migrants tunisiens_ suscitant de nouvelles attractions civiques et citoyennes. C’est précisément cet axe qui retiendra notre attention, dans ce chapitre. Notre intérêt portera sur l’analyse des attitudes et comportements électoraux, générés par les modes opératoires (associatifs, militants et citoyens) au sein d’environnements et espaces propres aux transnationaux tunisiens.

Les attitudes pré-électorales seraient directement liées aux représentations sociales, ainsi qu’aux dynamiques locales de l’environnement associatif et familial de l’électeur à distance. Nous

450De l a glais : « the feeling that individual political action has or can have an impact on the political proces »

451Holly Lizotte, Angelique;Tho as M. , ‘eis hl a d Willia “. , Da idso . P o oti g politi al e po e e t: E aluatio of a i te e tio ith u i e sit stude ts . American Journal of Community Psychology, 30(6), pp.815-833

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vérifierons si ces attitudes (crainte, répulsion, aversion, rejet, déni, hostilité, attrait, confiance, honneur, fierté, préférence, colère, appréhension, implication, insatisfaction, etc.) sont des déterminants du comportement électoral (vote et choix du votant à distance).

Les différentes dynamiques contextuelles donnent lieu à une lecture précise etdétaillée de cette forme de trans-nationalisme tunisien. En outre, elles permettent d’élaborer une grille d’interprétation des résultats électoraux de 2011 et de 2014.

Par ailleurs, dans un contexte transnational, les représentations sociales et les attitudes sont extrêmement variables et fluctuantes, puisque tributaires de facteurs influents (intrinsèques et extrinsèques) et déterminants du comportement trans-électoral. Ainsi, nous supposons que le vote à distance serait tributaire, non seulement des effets de la mobilisation qui s’est opérée sur le terrain, mais également des sanctions-restrictions citoyennes du pays d’accueil, à l’égard des ascendants de l’immigration tunisienne.

1- Du nouveau paysage politique à l’émancipation trans-citoyenne 1.1.Le contexte transitionnel

Le contexte transitionnel est indissociable de la participation citoyenne de la Société Civile. C’est là un phénomène que CROZIER et FRIEDBERG qualifient de « conduite humaine » (CROZIER FRIEDBERG, 1977 ; 45-46)453. Selon les auteurs, cette conduite ne peut être assimilée ni au produit d’une simple obéissance ni à des données structurelles. Bien au contraire, elle serait l’expression d’une liberté et de la mise en application d’une certaine marge de manœuvre. Notre étude s’inscrit, précisément, dans ce paradigme actionniste.

Les acteurs du processus transitionnel se saisissent de toute opportunité favorable pour essayer de s’affranchir des contraintes imposées. Au vu de ce qui précède, le lancement du mécanisme transitionnel tunisien répondrait à l’expression d’une liberté souhaitée, conditionnant une forme de conduite humaine collective.

Bien qu’au départ les mouvements sociaux aient été marginalisés et entamés par une minorité d’individus, ce qu’OTAYEK (1997)454 qualifie d’« élite autoritaire », l’effet de contagion a rendu possible la mise en place d’actions collectives. De plus, en tenant compte des travaux réalisés par les transitologues, (J.LINZ et A.STEPAN ,1996), nous comprenons que la Société Civile tunisienne ne peut jouer son rôle « démocratisateur » que si elle s’institutionnalise

453 Michel , Crozier ; Erhard ,Friedberg (1977) ;L’A teu et le s st e. Les o t ai tes de l a tio olle ti e, Pa is, Le

Seuil, 1977.

454 René , Otayek (1997) ; D o atie, ultu e politi ue, so i t s plu ales. Une approche comparative à partir de situatio s af i ai es , Revue française de science politique, 47 ( 6), décembre 1997, pp. 798-822.

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et se politise. Les auteurs précités exposent la contribution à l’instauration de la démocratie : “At best, civil society can destroy a non-democratic regime. However, a full democratic transition,

and especially democratic consolidation, must involve political society” i.e. “political parties, elections, electoral rules, political leadership, interparty alliances and legislatures by which society constitutes itself politically to select and monitor democratic government.”455

Ce que nous traduisons comme suit: « Au mieux, la Société Civile peut détruire un régime non démocratique. Cependant, une transition démocratique complète, et en particulier la consolidation démocratique, doivent impliquer la société politique » à savoir « les partis politiques, les élections, les règles électorales, le leadership politique, les alliances interpartis et les assemblées législatives à travers lesquels la société se constitue elle-même sur le plan politique pour choisir et surveiller le gouvernement démocratique ».

L’organisation d’élections démocratiques, (pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1956), confirme l’avènement d’un changement politique majeur s’inscrivant dans la durée. L’Assemblée Nationale Constituante (ANC) a concrétisé la réalisation d’une action collective, dans un contexte de changement politique structuré et organisé par une partie importante de la Société Civile tunisienne. De fait, les participations politiques et civiques peuvent être considérées comme des attitudes révélatrices de la confiance des Tunisiens quant à l’aboutissement de ce processus électoral, d’une part, comme résultat d’une conduite humaine collective, d’autre part.

A un niveau pratique, l’élection de l’ANC s’est déroulée sous forme de scrutin proportionnel à un tour, organisé du 20 au 22 octobre, pour les transnationaux tunisiens, soit un jour en avance par rapport à leurs concitoyens en Tunisie (le 23 octobre 2011).

Plus de 700000 Tunisiens à l’Etranger ont été appelés à élire 18 députés à l’Assemblée Nationale Constituante, sur un total de 217 représentants du peuple. Le taux de participation des électeurs tunisiens à l’Etranger était de 25 %, soit 175.000 votants.

Ces chiffres456 renforcent l’idée d’une émancipation citoyenne des transnationaux, que Marx (selon sa formule de 1843) associe à la suppression pratique de toutes les aliénations457. La Société Civile tunisienne a pu, dans ce contexte transitionnel, déconstruire un système autoritaire et construire, à travers l’action collective, un processus fédérateur, dont le champ d’attraction

455 Juan J., Linz and Alfred, Stepan (1996); « Problems of Democratic Transition and Consolidation. Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, Baltimore and London », The John Hopkins University Press, 1996, pp. 7-8.

456 ISIE 2011

457Pierre, Dardot(2014) ; « Marx 1843. L'émancipation humaine et la question de la idémocratie », Cités, vol. 59, no. 3, 2014, pp. 19-32.

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s’étend au-delà des frontières nationales.

Cette externalisation politique doit être soulignée avec autant de force que l’avènement démocratique en Tunisie est corollaire de l’institution sociale (famille, système éducatif, culte, syndicats, partis politiques, etc.), « privilégiant elles-mêmes des formes d’autorité démocratiques » (OTAYEK 2002)458.Les travaux de transitologues s’inscrivent dans cette logique. DIAMOND pose la nécessité d’étudier la Société Civile pour comprendre les changements démocratiques en cours (L.DIAMOND 1004)459 . Pour leur part,J. LINZ et A. STEPAN(1996)considèrent la Société Civile comme étant la « première des cinq arènes où se joue la consolidation démocratique »460. Pour M. BRATTON (1997) « ce “quelque chose”461 se produit seulement lorsque les élites étatiques ont consenti un certain nombre de concessions préalables

relatives à l’assouplissement des règles de l’action collective. Alors, et alors seulement, la

mobilisation générale de la société devient possible »462.

Dans son analyse du processus de démocratisation en Europe Centrale, CAMAU (2002)463démontre l’ambivalence des formes d’autorité démocratique, dans la mesure où celles-ci confinent la Société Civile dans son rôle de « déconstructeur de l’autoritarisme », en se substituant à la politique. Cette analyse est parfaitement transposable à la transition démocratique tunisienne. Elle nous éclaire quant à la mise en place du mécanisme, même si de nombreux chercheurs s’interrogent continuellement sur la pertinence du concept de participation de la Société Civile dans les pays où règne l’autocratie.

Peut-on à juste titre transposer l’analyse des transitions démocratiques dans les pays arabes, du fait qu’il s’agit là d’un concept de philosophie politique occidentale ? Pour réussir, la déconstruction opérée, la Société Civile tunisienne doit- elle reconstruire un nouveau système, qui soit forcément inspiré du modèle occidental ? Les Tunisiens à l’Etranger sont-ils, dans ce contexte, des conducteurs incontournables ?

Au regard de ces questionnements, l’externalisation du contexte transitionnel tunisien, dans les pays d’accueil, semble s’aligner sur une conception moderniste de la participation politique, bien que les transnationaux tunisiens n’aient pas de patrimoine citoyen actif (que ce soit

458René, Otayek (2002) ; « Vu d Af i ue . “o i t i ile et d o atie. De l'utilit du ega d d e t », Revue

internationale de politique comparée, vol. 9, no. 2, 2002, pp. 193-212.

459La , Dia o d ; ‘ethi ki g Ci il “o iet ; Journal of Democracy, V (3), 1994, pp. 5-17.

460Juan J. ,Linz and Alfred , Stepan ( 1996); Op.Cit.,p.160

461 Entre guillemets dans le texte original.

462 Michael , Bratton ; Nicholas van de Walle(1997) ; Democratic Experiments in Africa. Regime Transitions in Comparative Perspective ; Cambridge, CUP, 1997, p. 62.

463 Michel , Camau (2002) ;« “o i t i iles elles et t l ologie de la d o atisatio », Revue Internationale de

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dans le pays d’accueil ou dans le pays d’origine). Néanmoins, leur taux de participation trans-électorale, ainsi que leur implication politique dans les premières élections démocratiques, témoignent d’un vif intérêt, qu’il importe d’analyser plus en profondeur.

1.2.Un nouvel espace politique transnational : Des listes à l’Etranger aux résultats du vote à distance

Le choix d’un mode de scrutin proportionnel (« le plus fort reste ») garantit une représentation équitable et pluraliste à l’Assemblée Nationale Constituante déracinant, de fait, l’idée de majorité parlementaire. D’ailleurs, la préparation des élections de 2011 s’est effectuée dans une ambiance festive et fédératrice, attirant sans cesse de nouveaux acteurs de terrain. Le pouvoir d’attraction de ce nouveau mécanisme transitionnel a instauré une conduite humaine collective allant au-delà des frontières, légitimant un nouvel espace politique transnational.

Au terme du dépôt des listes pour les élections législatives de 2011, nous avons dénombré 11686 candidats, répartis sur 1517 listes, dont 828 listes partisanes, 655 listes indépendantes et 34 listes de coalitions pour l’ensemble du pays464. A l’Etranger, nous avons recensé 126 candidats pour 58 partis, 87 listes indépendantes, soit un peu plus de 1% de la représentation et de la participation politique465.

Bien que le taux de représentation politique demeure relativement bas, en comparaison avec le taux national, il témoigne de la naissance florissante d’un champ politique transnational, allant au-delà des partis d’opposition exilés, pendant le régime de Ben Ali. En outre, pour une population à l’Etranger estimée à plus de 1200000 Tunisiens, le nombre de candidats, de partis et de listes est relativement élevé et démontre une forte politisation des transnationaux.

Ceci étant, avant de nous intéresser aux résultats, nous avons souhaité mesurer le degré d’implication politique des Tunisiens à l’Etranger. Celui-ci semble assez révélateur d’un besoin d’émancipation trans-citoyenne, qui pourrait ne pas coïncider avec le taux de participation politique, exposé dans certaines études en sociologie électorale, et se rapportant au vote des Français d’origine immigrée (BRACONNIER, SCHMIT, SIMON et TIBERJ, 2012)466.

464Source : ISIE 2011

465 Idem

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Tab. C- Répartition des listes électorales des Tunisiens à l’Etranger- 2011

Pays ou région Nombre de sièges

candidats partis Coalitions Listes indépendantes Marseille 05 25 11 01 14 Paris 05 48 17 03 29 Italie 02 22 10 00 12 Allemagne 01 16 06 01 09 Canada 02 20 06 00 14 Abou Dhabi 02 20 08 03 09

Source : L’auteure, à partir des données fournies par l’ISIE, 2011

Le tableau ci-dessus comporte une répartition géographique de la représentation politique transnationale tunisienne, relative à la première expérience électorale de 2011. Le nombre important de candidats, de partis et de listes indépendantes sont des indices révélateurs de l’implication politique des Tunisiens à l’Etranger. Paris (zone IRIE France Nord, 5 sièges) avec Marseille (zone IRIE France Sud, 5 sièges également) représentent les plus importants foyers d’attraction politique. Ces zones recouvrent également les deux principaux territoires d’accueil de l’immigration tunisienne, comptant les premiers migrants, les exilés et les premiers militants politiques et associatifs.

Avec plus de 207 701 votants à distance, dont 120 000 en France467, le taux de participation à l’Etranger a atteint presque le tiers de la population en âge de voter. Ce résultat est encourageant pour de multiples raisons : les élections à distance se caractérisent, généralement, par une forte abstention. D’ailleurs, celles de 2011, en Tunisie, ont été marquées par un taux de participation relativement faible (de l’ordre d’un électeur sur deux) en comparaison avec la dimension historique de ces premières élections démocratiques.

Un deuxième niveau d’analyse suit la logique de la répartition multi-échelle. Le vote pour certains partis de gauche, comme le PDP, le PDM ou Ettakatol468 (plutôt centriste), s’est concentré dans les grandes agglomérations ou zones géographiques à forte densité de votants. Ce constat nous amène à nous interroger sur le rôle des dynamiques dans l’environnement du votant à distance et leur impact sur le comportement électoral.

467Source : ISIE -2011

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Tab.D- Elections de l’ANC (2011)- Répartition des voix et sièges sur les principaux partis

Le tableau ci-dessus est intéressant à deux niveaux. D’abord, par le constat de la victoire du parti Ennahdha, avec 36,6% des voix à l’Etranger, taux largement supérieur à ceux enregistrés par les autres partis. Il est suivi par le CPR (Congrès Pour la République) avec un score 3 fois inférieur à celui réalisé par le parti islamiste, soit 12,1%.

Le second niveau réside dans les similitudes entre les résultats enregistrés en Tunisie et ceux à l’Etranger, surtout pour ce qui concerne le score réalisé par le parti islamiste, 37% au niveau national et 36.6% au niveau transnational, avec 9 sièges sur 18, pour la représentation des Tunisiens dans le monde. Notre enquête de terrain (par questionnaire) relative aux élections de 2014 (Chapitre V), nous permettra de procéder à une analyse comparative avec celles de 2011, au niveau des résultats à l’échelle nationale et transnationale. Le tableau présenté dans cette partie révèle d’importants aspects du comportement électoral des Tunisiens à l’Etranger. C’est pourquoi, nous avons choisi d’analyser les résultats du vote à distance de deux courants politiques quasi opposés.

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Carte 6- Répartition des voix à l’Etranger, en faveur d’Ennahda (législatives de 2011)

Source : ISIE 2011469

La carte ci-dessus illustre une géographie du vote tunisien à distance, en mettant l’accent sur les voix recueillies par le parti gagnant Ennahdha. La répartition multi-échelle est très inégale et n’assure que très peu de lisibilité au niveau du vote régional en France, qui nous intéresse particulièrement, dans cette recherche. Néanmoins, ce type de représentation nous donne un aperçu général des orientations politiques de l’électorat à l’Etranger. La « surdimension d’Ennahdha » selon l’expression de Hatem M’rad (2011)470 témoigne d’une nouveauté électorale qui a surpris bon nombre de démocrates tant au niveau national que transnational.

Dans l’ensemble des circonscriptions, nous constatons la victoire du parti islamiste, sachant que c’est dans les pays du Golfe qu’il a obtenu un score important (52%), du fait d’une culture islamiste institutionnalisée dans ces pays d’accueil. Pour ce qui est des scores réalisés par le même parti, en Italie (49%) et en Allemagne (42%), ils découleraient du fait que bon nombre d’exilés politiques, du parti Ennahdha essentiellement, trouvèrent refuge dans ces deux pays, à

469Thibaut, Jaulin(2014) ; Op.Cit.,p. 10

470Hate M ad , L le tio de l asse l e o stitua te : le tu es politi ues. Les e p ie es d u indépendant au sei d u pôle. Asso iatio Tu isie e d’Etudes Politi ues. Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et sociales de Tunis. De la conférence du 12 novembre 2011. 84 p.

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partir de 1991471. C’est à cette période que le président déchu, Ben Ali, avait opprimé les leaders et militants des principaux partis d’opposition.

En France, en raison de la politique restrictive face à la montée de l’islamisme dans ce territoire, d’une part et à l’égard de l’immigration et de la laïcité, d’autre part, le score réalisé était de 33,7 %, en zone France Sud et de 30,9%, en zone France Nord. Dans les autres pays du continent américain, le taux était de 32,7% en Amérique du Nord. Nous constatons, dès lors, l’existence d’une certaine corrélation entre le comportement du votant à distance et certaines données contextuelles, dans le territoire de résidence.

En conséquence, l’expérience migratoire et les variables socio démographiques auraient un impact sur le choix du vote. A titre d’exemple, en Italie, où on compte essentiellement des Tunisiens de l’immigration économique et des exilés politiques, le score d’Ennahdha était le plus important. En revanche, dans le continent américain, au Canada notamment, le score réalisé par le même parti était moins élevé, pour une communauté qui comporte une majorité de migrants professionnels et d’intellectuels qualifiés.

Non seulement la répartition des circonscriptions a été définie de manière disproportionnée, mais aussi certains regroupements électoraux ont entrainé un déséquilibre quantitatif. La Belgique, par exemple, a été associée à la circonscription du Canada et d’Amérique du Nord, ce qui n’a pas permis de procéder à une lecture _ en fonction de l’expérience migratoire_ de l’ensemble des circonscriptions , pour ce qui concerne les voix recueillies par le parti islamiste.

471 Akram , Belkaïd(2011) ;« Ennahda en France: le vote qui dérange » ; article en ligne :http://www.slateafrique.com/59675/ennahda-france-ben-ali-tunisie.

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Carte 7 : Répartition des votes à l’Etranger en faveur du PDP (législatives de 2011)

Source : ISIE 2011

Les résultats à l’Etranger étaient plus encourageants pour les principaux partis dit « modernistes »472, qui avaient obtenu trois à quatre points de plus à l’Etranger, grâce, notamment, à une concentration des voix en faveur des petits partis et des listes indépendantes. C’est ainsi que le PDP473 obtint 7% à l’Etranger contre 3,8% des résultats au niveau national. Il en fut de même pour le PDM474 avec 6,7% à l’Etranger et 2,6% au niveau national.

Ces résultats pourraient s’expliquer, en outre, par la présence de bon nombre de personnalités et militants politiques, la plupart exilés en France ou ayant fait leurs études à l’Etranger et s’y étant établis, vues les conditions politiques, avant même le régime de Ben Ali.

Partant de l’hypothèse selon laquelle les expériences migratoires auraient un impact sur le comportement électoral des transnationaux, nous sommes directement interpelée par la date de création du PDP, le 13 décembre 1983. Celle-ci avait coïncidé avec un mouvement social,

472 Les quatre principaux partis modernistes sont le CPR (le Congrès Pour la République), Ettakatol, le PDM (le Pôle Démocratique Moderniste) et le PDP, (le Parti Démocrate Progressiste).

473 Le PDP est un parti politique tunisien fondé le 13 décembre 1983 et légalisé en 1988. Après les élections de 2011, il fusionne en 2012 au sein du parti Al Joumhouri le 9 avril . Pa la suite, il dispose de seize si ges à l asse l e constituante dont Ahmed Néjib Chebbi et Maya Jribi, sa secrétaire générale.

474 Le PDM , « Al Qotb » est u e oalitio politi ue tu isie e e pou les le tio s de l ANC,du o to e , fondée le 31 mai 2011 par Riadh Ben Fadhel et Mustapha Ben Ahmed. Cette coalition regroupe quatre principaux partis : Le parti socialiste de gauche, la Voie du centre, le Parti républicain, le Mouvement Ettajdid et cinq initiatives citoyennes. Le représentant du PDM est Ahmed Brahim.

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l’« émeute du pain »475_ qui lui avait succédé seize jours plus tard (29 décembre 1983) _ ayant entraîné la mobilisation des jeunes et étudiants, qui déclenchèrent une grève de la solidarité.

Bon nombre de ces étudiants ont poursuivi leurs études à l’Etranger et plusieurs d’entre eux s’y sont établis. De fait, la moindre dispersion des voix en faveur du PDP pourrait traduire la concentration du vote pour ce parti, dans certaines circonscriptions comme la France. Du fait de son externalisation, l’affaiblissement du PDP au niveau national serait à l’origine du faible score