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I.3 Organisation du manuscrit

3.2 Synthèse des complexes

3.2.1 Transmétallation

a. Lithiation des ligands Cp-Si-N=P

En faisant réagir le premier ligand Cp-Si-N=P obtenu, HFluSiMe2NPPh3, avec un équivalent de butyllithium, on observe seulement 50% de conversion en RMN 31P

(signal du ligand à 1,1 ppm, signal de l'unique produit formé à 7,8 ppm). La réaction est complétée à 100% avec l'ajout d'un second équivalent de butyllithium (Figure

3.18).

Figure 3.18 Lithiation du ligand HFluSiMe2NPPh3.

En se plaçant dans le THF deutéré avec du mésityllithium (MesLi) comme base, la réaction a pu être suivie en RMN 1H en parallèle (Figure 3.19). Dans le produit

formé, on constate la disparition du proton au pied du fluorène, HC9. On a donc bien

déprotoné à ce niveau. Qu'on mette un ou deux équivalents de base, celle-ci est entièrement consommée (conversion totale de MesLi en MesH vérifiée en RMN 1H).

Avec un équivalent de base il reste 50% du ligand protoné, on en déduit qu'un second proton a été arraché pour former un produit, par conséquent doublement déprotoné. Ceci est confirmé par la consommation de deux équivalents de base pour convertir complètement le ligand. Les observations expérimentales montrent donc, de façon un peu surprenante, que la double déprotonation est plus favorable que la monodéprotonation.

Figure 3.19 Déprotonation du ligand HFluSiMe2NPPh3.

Restait alors à identifier le second proton mis en jeu. Des exemples d'ortholithiation(66-69) lorsque les trois substituants du phosphore sont des phényles

ont été décrits dans la littérature de lithiation des phosphazènes. Stalke(69) a ainsi

isolé le composé représenté Figure 3.20, qui s'organise en dimère à l'état solide. La réactivité de ce complexe a même été étudiée(70).

Figure 3.20 Phénomène d'orthométallation d'un phosphazène à substituant

La formation de tels complexes lithium dépend de la nature du substituant de l'azote, des substituants du phosphore et de la nature du solvant. La plupart des organisations mettent en jeu la formation d'un cycle à 4 ou 5 chaînons et un environnement tétraédrique du lithium.

Par analogie on peut penser que dans notre cas, outre le proton situé au pied du fluorényle, un des hydrogènes en ortho d'un phényle intervient (Figure 3.21).

Figure 3.21 Protons acides du ligand HFluSiMe2NPPh3.

En conservant un dérivé lithié comme agent de déprotonation, l'orthométallation peut être évitée si les substituants phényles sont remplacés par d'autres groupements comme des tertiobutyles (tBu). C'est dans ce but qu'ont été synthétisés les ligands HFluSiMe2NPtBu3 et HMe4CpSiMe2NPtBu3. Ces deux ligands sont extrêmement sensibles à l'hydrolyse (voir Partie expérimentale). Les essais de déprotonation qui suivent ont été réalisés sur le ligand HMe4CpSiMe2NPtBu3 (obtenu le plus pur et en plus grande quantité). La réaction de

HMe4CpSiMe2NPtBu3 avec un équivalent de mésityllithium MesLi a été suivie dans

le THF deutéré. La réaction n'est pas immédiate (30 min à température ambiante) mais un seul équivalent suffit pour convertir totalement le ligand (Figure 3.22).

Figure 3.22 Lithiation du ligand HMe4CpSiMe2NPtBu3.

En RMN 31P on observe la formation progressive d'un unique produit à 27,3

ppm, et la disparition du ligand à 32,7 ppm, qui est totale après 30 minutes environ. En RMN 1H on constate l'absence du proton H-Cp à 2,52 ppm, prouvant la

déprotonation à ce niveau. Les autres signaux sont peu affectés, à part ceux correspondant aux méthyles liés au noyau cyclopentadiényle (Me-Cp) qui apparaissent à champ plus faible (2,10 ppm et 1,85 ppm au lieu de 1,88 et 1,64 ppm).

L'intégration des signaux des méthyles est gênée par le signal correspondant aux méthyles du mésityle (Me-MesH), qui se situe dans la même zone. La réaction a donc été ensuite conduite avec le lithium d'hexaméthylsilazane LiHMDS dans les mêmes conditions (THF-d8). Mais cette fois aucune déprotonation ne se produit,

même après plusieurs heures à température ambiante. Dans un solvant non coordinant comme le toluène le signal du ligand en RMN 31P ne change pas de

déplacement (33,8 ppm), mais s'élargit quand on ajoute 1 équivalent de butyllithium ; l'ajout de THF conduit immédiatement à la coloration de la solution (jusque-là incolore) et au déplacement du signal à champ à peine plus fort 29,1 ppm : la déprotonation s'est effectuée. De toutes ces observations on déduit que la lithiation du ligand HMe4CpSiMe2NPtBu3 a lieu, et qu'il n'y a pas d'activation de liaison C-H sur les tertiobutyles. On remarque en outre que la déprotonation n'est pas “facile”, lente avec MesLi, elle ne se produit pas avec LiHMDS. Une première explication pour la non déprotonation avec LiHMDS réside donc sûrement dans les valeurs très proches des pKa (valeurs dans le DMSO) du couple LiHMDS/HMDS (26,0) et du couple HMe4Cp-/H2Me4Cp (26,1). Cependant on aurait pu s'attendre à une acidité

plus importante du ligand HMe4CpSiMe2NPtBu3 par rapport à son précurseur H2Me4Cp grâce à la présence du silicium, qui stabilise les charges négatives en α par

hyperconjugaison négative. Cet effet est sans doute contrarié par le fort encombrement stérique à ce niveau (l'anion tétraméthylcyclopentadiényle est connu pour ses excellentes propriétés basiques et sa médiocre nucléophilie).

b. Lithiation du ligand HFluPPh2NMes

Pour l'autre modèle de ligand (Cp-P=N), les essais de déprotonation ont été conduits avec HFluPPh2NMes. Contrairement à HMe4CpSiMe2NPtBu3,

HFluPPh2NMes réagit immédiatement avec LiHMDS dans le THF deutéré pour

former un unique produit identifié en RMN 31P à + 1,74 ppm (ligand à – 1,62 ppm)

(Figure 3.23).

La déprotonation est mise en évidence par la disparition du doublet du proton au pied du fluorène à 5,33 ppm en RMN 1H. Les signaux des méthyles du mésityle,

qui n'étaient pas différenciés dans le THF pour le ligand (1,99 ppm), sont désormais séparés : 1,77 ppm (Me o-Mes) et 2,05 ppm (Me p-Mes). Dans la zone des protons aromatiques on note l'apparition d'un doublet à champ faible à 7,95 ppm et le blindage de certains protons aromatiques en-dessous de 6,8 ppm.

c. Réaction des complexes lithium avec des précurseurs chloro ou mixtes amido/chloro

Les ligands lithiés LiMe4CpSiMe2PtBu3 et LiFluPPh2NMes ont ensuite été traités par transmétallation avec un métal du groupe 4. Les précurseurs métalliques utilisés sont le tétrachlorozirconium (ZrCl4(THF)2 et ZrCl4) et le dérivé mixte

dichlorobisdiéthylaminozirconium (Zr(NEt2)2Cl2(THF)2). Malgré de nombreuses

expériences dans des conditions variées (température, solvant, concentration) aucun complexe n'a pu être mis en évidence (Figure 3.24).

Figure 3.24 Absence de transmétallation entre les ligands lithiés

LiMe4CpSiMe2PtBu3 et LiFluPPh2NMes et les précurseurs ZrCl4, ZrCl4(THF)2 et

Zr(NEt2)2Cl2(THF)2.

d. Conclusion

La transmétallation apparaît donc délicate pour les ligands synthétisés. Avec

HFluSiMe2NPPh3 un phénomène d'orthométallation d'un des substituants phényles

du phosphore semble se produire lors de la première étape de lithiation. Même si la lithiation s'opère “normalement” avec les autres ligands, pour lesquels ce problème est évité (LiMe4CpSiMe2PtBu3 et LiFluPPh2NMes), aucune réaction n'est observée avec des précurseurs chloro ou mixtes amido/chloro dans les conditions utilisées. D'après ce qui a été discuté au paragraphe 3.1.2 sur la transmétallation, cette réaction dépend de nombreux facteurs dont la structure du ligand, et elle est notamment difficile à réaliser avec les dérivés fluorényles. Nous nous sommes donc tournés vers une autre voie, l'amine élimination, qui a souvent apporté une solution d'après les données de la littérature.