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TRANSITION À LA PARENTALITÉ ET DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT

de l’enfant soit, comme dans toute famille, corrélée davantage avec la qualité des processus familiaux tels que l’attachement, les alliances familiales, la coparentalité et la gestion des événements stressants internes et/ou externes à la famille (D’Amore et coll., in presse). Parmi les recherches menées jusqu’à présent, aucune n’a encore choisi comme objet d’analyse spécifique les alliances coparentales et familiales avec l’objectif de comprendre quelles seraient les similarités et/ou différences avec les autres structures familiales (Farr, Patterson, 2011).

Le but de notre recherche est d’observer et de mettre en évidence les processus évolutifs de la famille « précoce » lesboparentale, c’est-à-dire la construction des interactions familiales durant la transition à la parentalité et les premières années de vie des enfants. L’objectif serait d’ouvrir des pistes de réflexions et de générer des nouvelles hypothèses dans le domaine des compétences triadiques et interactionnelles des familles lesboparentales.

TRANSITION À LA PARENTALITÉ ET DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT La période de la grossesse est un moment très délicat et important tant pour l’individu et le couple que pour le futur développement de l’enfant et de la famille dans son ensemble. Les individus qui deviennent parents sont transformés et ont une

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trajectoire développementale différente par rapport aux individus n’étant pas engagés dans des rôles parentaux. Cette période est pour eux une transition importante dans le cycle de vie, une période charnière qui demande de nombreux changements soit interpersonnels comme le degré de la satisfaction conjugale (Lawrence et coll. 2008 ; McHale 2010 ; Simonelli 2012), soit intra personnels comme le développement d’une nouvelle identité (Delmore-Ko, 2000).

Une image de l’enfant se construit progressivement dans l’esprit des parents, et une série de projections, de désirs et aspirations modèlent « le bébé imaginaire »).

Dans les familles dites « traditionnelles », ce domaine a été étudié surtout au niveau des représentations maternelles de l’enfant à naître et de leur influence sur la relation mère-bébé après la naissance. L’optique adoptée était donc clairement dyadique. Les études pionnières de Burgin et von Klitzing (1994) et de von Klitzing et coll. (1999) ont ensuite ouvert de nouveaux horizons en démontrant que les représentations triangulaires des parents pendant la grossesse prédisent la place qu’ils donneront à l’enfant dans l’interaction à 3 mois après la naissance. Dans la prospective de la famille, il s’agit du moment où se constitue l’alliance familiale dans le triangle primaire, dans le cas de notre étude, mère - mère - enfant (Fivaz-Depeursinge et Corboz – Warnery, 1999).

L’importance de prendre en compte le niveau des processus familiaux fut d’abord évoquée par les thérapeutes familiaux, qui ont mis en avant des modèles interactifs familiaux spécifiques liés au fonctionnement affectif et à certaines manifestations psychopathologiques chez l’enfant. L’exemple le plus connu est le processus de triangulation par lequel l’enfant est pris au piège dans le conflit entre ses parents et finit par agir comme un intermédiaire. D’autres études sur les relations conjugales ont également démontré que la dynamique relationnelle au sein d’un sous-système dans lequel l’enfant n’est pas directement impliqué comme participant peut néanmoins avoir

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un impact sur le développement de l’enfant (Cowan et Cowan, 1992). En particulier, les études de Raikes et Thompson (2006) ont démontré que la coopération, des conflits résolus entre des parents et un climat émotionnel positif global dans la famille forment un contexte avantageux pour l’enfant lui permettant de comprendre des perspectives multiples et de développer une connaissance positive des relations sociales (Favez et coll. 2012). Les mesures de la qualité de co-parenting manifeste (les comportements interactifs des parents devant l’enfant) et du co-parenting caché (ce qu’un parent dit à l’enfant de l’autre parent quand ce dernier n’est pas présent) ont mis en évidence une tendance prédictive avec le développement des compétences psychosociales de l’enfant (Frosch, Mangelsdorf et McHale, 2000 ; McHale et Rasmussen, 1998). La coopération entre les parents, la chaleur et l’intégrité familiale pendant les premières années sont également prédictives d’une meilleure adaptation pendant les années préscolaires, le début de l’âge scolaire, et sont de plus associées aux symptômes extériorisés et intériorisés (in Favez et coll. 2012).

Plusieurs études récentes ont souligné l’impact du couple parental, distinct du couple conjugal sur le développement des compétences interactives de l’enfant (McHale, 1999). La socialisation de l’enfant à l’âge scolaire constitue l’une des manifestations de cet impact (McHale et Fivaz-Deperusinge, 1999).

DU COUPLE À…

La reconnaissance des droits civils et parentaux que différents pays sont en train d’accorder aux couples gays et lesbiens nous permet d’assister à une augmentation importante d’enfants conçus avec l’aide de la médecine (PMA1, insémination alternative avec donneur connu et/inconnu, FIV 2,) mais également par adoption.

Indépendamment du mode de procréation, ces familles doivent faire face à certains défis

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qui sont typiques à toute famille homoparentale : établir la légitimité des parents, obtenir le soutien de la famille d’origine et faire face au regard de la société (Green, Mitchell, 2008). Abbie Goldberg (2006, 2010) a observé trois aspects-clés influençant ces défis : le niveau démographique des parents, le choix du recours à l’insémination artificielle (donneur connu ou inconnu) et, dans une optique de recherche écosystémique, le support social (Cowan et Cowan, 1988).

La création d’une famille homoparentale demande une haute motivation, une importante capacité de tolérer les frustrations ainsi qu’une certaine disponibilité économique pour faire face aux nombreux frais juridiques et médicaux.

Il existe cependant une littérature lentement croissante sur des couples de lesbiennes avec enfants, ainsi qu’un certain nombre d’études s’étant intéressées aux lesbiennes et aux couples homosexuels sans enfants (Goldberg, 2010). Il est important de noter que de nombreuses recherches sur les rôles parentaux des femmes lesbiennes ont été motivées par des préoccupations pour les enfants élevés par des parents homosexuels, notamment la crainte qu’ils se développent moins que les enfants de parents hétérosexuels (Vecho et Schneider, 2005).

Certaines recherches ont néanmoins été menées indépendamment de la structure familiale (recomposée, adoption, insémination artificielle) et ont démontré notamment que les mères lesbiennes ont un fort désir de parentalité et consacrent un temps important au projet et au choix du type de parentalité. Par ailleurs, elles se décrivent et se montrent particulièrement égalitaires en ce qui concerne l’exercice des rôles parentaux, la prise de décisions et l’organisation des tâches familiales. Elles expriment également des hauts niveaux de satisfaction concernant leur couple et leur parentalité (Bos, van Balen, van den Boom, 2007). En général, les couples homosexuels tant féminins que masculins rapportent une haute satisfaction quant à la qualité de leur

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relation en comparaison aux normes de satisfaction conjugale établies pour des couples hétérosexuels (Patterson, 1995 ; Peplau et Cochran, 1990).

D’autres recherches, toujours dans une optique de comparaison entre mères lesbiennes et hétérosexuelles, ont démontré une santé psychologique (psychological health) plus importante chez les mères lesbiennes, en particulier dans les domaines de « self-confident » et « self-esteem » (Rothblum et Factor, 2001).

Les études dans le domaine de la transition à la parentalité ont confirmé que, dans le couple hétéroparental, il est possible d’assister à une diminution dans la qualité des interactions du couple avec l’arrivée de l’enfant. Les interactions peuvent être marquées par une diminution de la chaleur et une augmentation des conflits (Goldberg, Sayer, 2006), par la différenciation des soins concernant le bébé et par la proximité affective de l’enfant avec un parent plutôt qu’avec l’autre au cours de la vie familiale. Ces résultats encouragent à se détacher d’une vision rigidement égalitaire et harmonique de la dynamique interactionnelle de ces familles, suggérant sans surprise qu’elles sont assujetties à des changements qui sont propres à toute famille et à ses transitions (D’Amore et coll., in presse).

Mais qu’en est-il en du coparentage mis en place par ces parents ?

Le co-parenting, ou la capacité de la dyade conjugale à travailler ensemble pour encadrer l’enfant, est un sous-système important de la famille. Il s’agit de la capacité de deux ou plusieurs adultes de s’allier, se coordonner et fonctionner en tant qu’équipe face aux besoins physiologiques, émotionnels et sociaux des enfants. Le coparentage a été principalement étudié dans les familles hétéroparentales.

En ce qui concerne les couples gays et lesbiens, le coparentage a généralement été étudié uniquement en termes de division du travail familial (Goldberg, 2010 ; Patterson, Farr, 2011). Les recherches existantes ont montré que les couples homoparentaux

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rapportent une division du travail familial, organisée sur un mode du partage, tandis que les couples hétérosexuels rapportent davantage un mode basé sur la spécialisation, et particulièrement en lien avec les prescriptions de genre (Goldberg, 2010). Farr et Patterson (2011) ont comparé les couples de parents lesbiens, gays et hétérosexuels sur la dimension du coparentage, ainsi que son impact sur les issues développementales de l’enfant. Leurs résultats confirment que les parents lesbiens et gays relatent davantage un partage des tâches familiales tandis que les couples hétérosexuels relatent davantage une spécialisation. Les observations des interactions familiales confirment ce pattern : les parents gays et lesbiens participent plus équitablement que les parents hétérosexuels dans l’interaction coparentale et familiale. En particulier les couples lesbiens montrent des comportements parentaux plus soutenants que les couples hétérosexuels (D’Amore et coll., in presse).

Dans une autre étude, Chan, Raboy et Patterson (1998) ont mesuré la division des tâches familiales chez les couples lesbiens et hétérosexuels et l’ajustement des jeunes enfants. Parmi les mères lesbiennes non biologiques, celles ayant déclaré une plus grande satisfaction relative à la répartition des tâches ont également déclaré une plus grande satisfaction quant aux relations conjugales et moins de problèmes de comportement des enfants. Les couples hétérosexuels étaient plus susceptibles d’exprimer leur mécontentement quant au partage du travail familial lorsqu’ils déclaraient une plus grande spécialisation, suggérant qu’un inconvénient potentiel serait lié à une répartition trop traditionnelle des tâches en fonction du genre. Les mères dans les couples hétérosexuels ayant déclaré assumer plus de tâches familiales que les pères étaient également plus susceptibles que les pères de rapporter une insatisfaction quant à l’organisation actuelle.

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Une limite importante de ces études est de considérer l’alliance coparentale principalement en termes de partage du travail domestique et familial. En accord avec McHale, Kuersten-Hogan et Rao (2004), concevoir la coparentalité uniquement en termes de travail familial ne permet pas d’accéder à d’autres dimensions centrales qui la caractérisent. Ces auteurs en identifient trois : le degré de solidarité et le support entre les coparents, l’ampleur de la dissonance et de l’antagonisme, ainsi que le degré d’implication des partenaires (D’Amore et coll., in presse).

POUR UNE NOUVELLE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

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