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ETUDE DE CAS Afin de présenter l’intérêt de ces alliances pré et postnatales, nous développerons

ici un cas clinique. Il s’agit d’une famille lesboparentale ayant participé à notre recherche au sein du Service de clinique systémique et psychopathologie relationnelle de l’Université de Liège. Nous développerons deux extraits : le LTP prénatal et LTP postnatal à 3 mois de vie de l’enfant.

Nous rencontrons pour la première fois Laura, 30 ans, et sa compagne Béatrice, 28 ans, alors que cette dernière est enceinte de 7 mois. Tous les noms et autres détails permettant d’identifier les membres de la famille ont bien évidemment été modifiés.

Laura et Béatrice sont toutes deux enseignantes. Elles se sont rencontrées durant leurs études à l’université. Laura est issue d’une famille recomposée. Ses parents ont divorcé lorsqu’elle avait 10 ans et sont tous deux remariés. Laura a donc un frère aîné

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biologique, un demi-frère et une demi-sœur. Les parents de Béatrice sont également divorcés. Elle a une sœur jumelle. Béatrice considère son père comme sa principale source de support, tandis qu’elle évoque une relation parfois tendue avec sa mère en raison d’une importante consommation d’alcool de cette dernière. Les deux femmes se sentent soutenues et acceptées par leurs familles respectives, tant dans leur relation de couple que dans leur décision d’avoir un enfant. Le génogramme ci-dessous permet un aperçu de la situation familiale du couple.

Après leur rencontre, les deux femmes ont vécu ensemble quelques années durant lesquelles Laura travaillait et Béatrice était toujours étudiante. Elles ont ensuite voyagé durant un an à l’étranger avant de revenir en Belgique, commencer à travailler comme enseignantes dans le secondaire et acheter une maison.

Leur projet d’enfant est né à cette époque mais a mis plusieurs années à se concrétiser. Les deux femmes se questionnaient sur la parentalité homosexuelle et les possibles conséquences sur un enfant. Elles ont alors pris le temps de se renseigner, ce qu’elles ont trouvé difficile étant donné le peu d’informations scientifiques disponibles

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en français. Elles ont également discuté de leur désir de parentalité avec leurs propres parents et leurs familles d’origine. Ensuite, selon Laura :

« Une fois qu’est venu le déclic… En fait, on a compris que notre famille attendait ça… il y a trois ou quatre ans… pour eux, ça devenait une suite logique à notre foyer.

Donc quand on a compris ça, ça nous a rassurées terriblement. Et du coup, on s’est dit :

“ Pourquoi pas ? On ne sera pas plus mauvaises que d’autres… ” »

Les démarches ont ensuite demandé du temps, le couple ayant opté pour une insémination artificielle avec donneur anonyme : attendre un rendez-vous, rencontrer un psychologue, passer des tests médicaux,… Les démarches ont finalement duré trois ans, ce qui est une période assez longue. Laura explique :

« Oui, ça peut être plus rapide… Mais nous, on ne voulait pas… on attendait un accord du comité d’éthique. Mais quand on a eu l’accord, on a laissé passer du temps.

Voilà, en sachant qu’on pouvait, que c’était réalisable, on s’est dit qu’on allait attendre un peu. »

Et Béatrice poursuit :

« On n’a pas voulu le faire autrement… le brusquer. Et attendre que nos situations professionnelles soient un peu plus stables aussi. On était dans le bon créneau… On venait d’acheter une maison, donc je ne nous voyais pas commencer tout de suite. (…) Voilà, c’était un cheminement long et progressif. Et… Il faut le temps de se découvrir aussi… Enfin, on était ensemble depuis des années mais… On venait d’acheter une maison, donc prendre le temps de vivre un peu à deux dedans, aussi, c’est gai. Et de préparer cette période-là, un futur… mais pas le concrétiser forcément tout de suite. Et on a eu de la chance, quand on a pris la décision, que ça marche tout de suite. »

Le couple a choisi que Béatrice serait la mère biologique de leur premier enfant.

Laura explique ce choix :

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« On aimerait bien avoir deux enfants, donc on verra bien. Mais ça a toujours été une évidence que je voulais que ce soit Béa qui porte en premier… euh… parce que je préférais regarder ça un petit peu de loin. Et puis, Béa étant moins… ayant peut-être moins confiance en elle, je préférais… je trouvais que c’était bien qu’elle soit… qu’elle se sente plus impliquée dès le départ. Parce que ce n’est pas la même chose quand c’est l’autre personne. Et donc je trouvais que ce serait bien qu’elle s’épanouisse dans cette grossesse, (…) je trouvais que ça lui réussirait bien. Et c’est le cas. »

Un questionnement reste néanmoins en suspens, il s’agit de choisir comment leur futur enfant appellera ses deux parents ; Laura étant principalement concernée par ce choix et ses implications :

« On ne sait pas. On cherche toujours des… pas des réponses, mais… On essaie d’en parler un maximum parce que je crois que c’est vraiment le sujet qui… en tout cas, moi, me perturbe un petit peu depuis le début. (…) Pour moi, le nom “ maman ”, il n’y a pas d’équivalent à cela, ça représente tout. Donc trouver quelque chose qui est significatif de parent, c’est très très difficile. Moi, ça me pose problème depuis quelques temps, parce que je cogite tout le temps là-dessus et que je ne trouve pas de réponse.

Béa m’a très gentiment dit : “ Ecoute, pour moi, peu importe. Donc tu peux t’appeler maman. ” Mais je trouve… ça n’a pas de sens. C’est toujours quelque chose en pleine réflexion. (…) On s’est dit qu’on essaierait peut-être de voir un psychologue pour enfants pour un petit peu en discuter… ce qui valait mieux pour l’enfant, pour ne pas le déstabiliser. (…) Mais il y a une chose dont on est sûr, c’est qu’on ne s’appellera pas toutes les deux “ mamans ”. Parce qu’il n’y a qu’une maman, et il n’y en aura jamais qu’une. Mais pour le deuxième nom, on hésite. »

Lorsque nous les rencontrons au 7e mois de grossesse, Laura et Béatrice anticipent différemment les prochaines semaines. Béatrice se dit appréhensive :

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« C’est vraiment la période où ça commence à faire un peu peur… elle va vraiment arriver. (…) Mais, en soi, quelque chose d’extraordinaire, qu’on voulait toutes les deux.

Donc ça ne suscite pas du négatif… juste de l’appréhension. (…) C’est surtout de savoir… est-ce qu’on est prêtes ? Enfin, est-ce que je suis prête ? On ne sait pas…

Enfin, pourquoi je ne le serais pas ? Parce que ça a été quelque chose de réfléchi…

C’est juste un gros cap dans une vie et j’ai peur de ne pas être prête pour la petite, de ne pas savoir comment m’y prendre… Et toi ?».

Laura se perçoit différemment :

« Moi, je ne réalise pas du tout. J’ai l’impression depuis quelques temps d’être “ ailleurs ”. (…) Je suis dans une bulle depuis peu… C’est une joie immense. J’aurais les larmes aux yeux à chaque fois que j’en parle. C’est… moi, je… je ne sais pas me projeter, essayer d’imaginer ou de… Donc, c’est ce que je ressens maintenant, une joie… Etre prête, je ne sais pas… Je crois qu’on apprend tous. Personne n’est prêt avant mais on découvre au fur et à mesure. Là, maintenant, ça ne me fait pas spécialement paniquer. (…) Parce que ça remplit tellement l’esprit, il y a tellement de choses auxquelles il faut penser. Moi, je m’occupe de ce côté-là, parce que Béa a son petit bagage à porter… Donc, moi, je m’occupe du reste ».

RÉSUMÉ DU LTP PRÉNATAL

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