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CHAPITRE II : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

3) Transferts de charges dans les zéolithes

dans la conversion de l’énergie lumineuse. A ce jour, l’ionisation de molécules organiques adsorbées dans le réseau poreux de diverses zéolithes est bien connue et ces travaux sont largement reportés dans la littérature [44-47]. Les radicaux ainsi formés peuvent être générés expérimentalement par photolyse, radiolyse ou par électrochimie. Mais ils peuvent aussi être obtenus spontanément lors de la mise en contact des molécules avec la zéolithe. Alors que la durée de vie de telles espèces est de l’ordre de la microseconde en solution, dans les zéolithes, les radicaux peuvent être stabilisés durant des durées 2 à 1010 fois plus longues, allant parfois jusqu’à plusieurs mois. La mobilité réduite des molécules piégées dans le volume poreux limite la tendance des radicaux à se recombiner rapidement avec les électrons éjectés. Depuis plusieurs années, notre groupe de recherche s’est attardé sur la compréhension et le contrôle des mécanismes réactionnels menant à la formation des états de charges séparées de très longue durée. Nous décrivons ci-dessous quelques-uns des résultats fondamentaux que nous avons obtenus dans ce contexte.

a. Adsorption

Les zéolithes ZSM-5 utilisées dans ce travail sont constituées d’un ensemble de réseaux de canaux. Après calcination et déshydratation, elles se présentent sous la forme de solides pulvérulents de coloration blanche et de taille micrométrique. Pour adsorber au sein du réseau poreux les molécules organiques, qui se présentent également sous forme de poudres, nous avons privilégié une introduction directe par mélange mécanique de l’ensemble des solides pulvérulents. Cette méthode a pour avantage de ne pas passer par l’emploi d’un solvant qui pose divers problèmes. En effet, celui-ci est parfois difficile à éliminer sans altération de l’échantillon. Qui plus est, la présence de molécules résiduelles dans le solvant, qui risquent alors de s’adsorber dans le volume poreux de la zéolithe, nuit fortement aux phénomènes d’adsorption et de diffusion de la molécule d’intérêt. Ainsi, des quantités précisément calculées de zéolithe et d’adsorbat(s) sont directement introduites dans un sublimateur sous atmosphère sec d’argon, et mélangées mécaniquement. S’opère alors l’adsorption des molécules, combinée à une diffusion intra et inter cristalline [48]. En raison de la pression de vapeur saturante élevée des molécules étudiées, celles-ci se subliment facilement et leur adsorption a ainsi lieu en phase gaz.

La diffusion intra-cristalline des molécules organiques adsorbées s’effectue depuis la surface externe du cristal de la zéolithe vers l’intérieur du volume poreux. C’est un phénomène lent en raison de l’encombrement moléculaire qui est du même ordre de grandeur que le diamètre des pores, ce qui requiert le franchissement d’une barrière d’activation relativement haute. La diffusion inter-cristalline peut quant à elle mettre en jeu trois types de migration :

• les molécules peuvent « sauter » d’une particule à une autre. La distance entre les cristaux, la température ainsi que la pression représentent alors des facteurs importants dans la venue du phénomène.

• deux particules peuvent entrer en contact physique, ce qui engendre une migration ne nécessitant que peu ou pas d’énergie de désorption.

• lorsque la tension de vapeur des molécules est telle qu’il y a un équilibre entre les molécules adsorbées et celles de la phase gaz.

b. Processus de séparation de charges

Des études, comme celle menée par Liu et al. [49], ont montré que la simple mise en contact de molécules aromatiques (notées MA) avec une zéolithe acide telle que la HZSM-5 engendre la formation de radicaux cation (notés MA●+) par éjection d’un électron célibataire suivant la réaction :

MA + zéolithe → MA●+@zéolithe●- Eq. 1

où MA●+@zéolithe●- correspond au radical cation adsorbé dans le volume poreux de la zéolithe et à proximité de l’électron piégé.

La vitesse de séparation de charges menant à la formation du radical cation est de l’ordre de la picoseconde. La structure et la nature des centres responsables de la faculté des zéolithes à accepter des électrons est cependant toujours sujet à controverse. Pour certains, l’ionisation semble être due au rôle de l’oxygène lors de la création de sites actifs par déshydratation thermique [50]. En effet, des études ont montré le lien entre la présence d’oxygène et une concentration accrue de radicaux cations [51, 52]. Mais l’une des explications à l’ionisation parmi les plus probables reste la présence de sites acides, dont on peut distinguer deux types bien distincts, dans les zéolithes. On retrouve les sites acides de Brønsted [53, 54], formés lorsqu’un proton compensateur de charge est lié avec un atome d’oxygène lui-même connecté à un atome de silicium et un atome d’aluminium voisins. Le groupement hydroxyle pontant est alors le site responsable de l’acidité de Brønsted. Les sites acides de Lewis, quant à eux, sont dus à l’aluminium généré par hydrolyse de la liaison Al-O durant le processus de calcination [54, 55].

Les travaux réalisés au sein du laboratoire ont démontré que l’ionisation spontanée et la stabilisation d’états de charges séparées pendant de longues durées étaient des propriétés intrinsèques de la surface interne du volume poreux des zéolithes [56]. En effet, le taux d’ionisation dépend à la fois du potentiel d’ionisation de la molécule adsorbée et du pouvoir ionisant du milieu hôte.

Pour des molécules dont le potentiel d’ionisation (noté P.I.) est relativement bas comme le trans-stilbène ou le para-terphényl (P.I. = 7,8 eV pour les deux molécules), l’ionisation spontanée se produit dans des zéolithes acides simplement déshydratées sous argon à 723 K [57, 58].

Pour des molécules ayant des potentiels d’ionisation plus élevés, seul un traitement thermique à des températures supérieures à 873 K, qui va permettre une déshydrogénation d’une grande partie des sites acides de Brønsted pour créer des sites acides de Lewis supplémentaires, permet à l’ionisation spontanée d’avoir lieu [59]. Ces sites [AlO4]0 ainsi

formés sont des sites fortement accepteurs d’électrons et sont capables d’arracher un électron provenant de la molécule adsorbée [60]. Pour des molécules ayant des P.I. plus faibles (< 6,7 eV), la simple mise en contact de la molécule avec la surface externe conduit à l’ionisation [61-63].

Dans les zéolithes non acides, échangées avec des alcalins ou des alcalino-terreux comme cations compensateurs de charge, l’ionisation spontanée des molécules adsorbées n’a pas lieu. Cependant, il a été démontré qu’il était malgré tout possible de former des états de charges séparées par le biais d’une photolyse laser après adsorption de molécules dans le réseau poreux [64-66]. Que l’ionisation soit spontanée ou photo-induite, l’évolution du système est analogue en termes de mécanismes réactionnels. Seules les durées de vie des états de charges séparées varient de plusieurs heures à plusieurs mois selon que l’ionisation soit spontanée ou photo-induite. L’ionisation conduit à la formation du radical cation de la molécule adsorbée. Sa durée de vie dépend de l’effet de confinement mais également d’autres paramètres comme la nature du cation compensateur de charge ou encore le taux d’aluminium. L’électron éjecté, quant à lui, est stabilisé par la zéolithe. La RPE pulsée montre que l’électron se retrouve piégé par un atome d’oxygène connecté à un atome d’aluminium du réseau [AlO4●-] [67]. Il existe ainsi une séparation ou compartimentalisation entre les

électrons photo générés et le site d’ionisation de la molécule. Cet éloignement de l’électron piégé par rapport au radical cation ralentit très fortement la tendance à la recombinaison et permet donc une augmentation de la durée de vie de l’ensemble radical cation / électron [68, 69].

c. Recombinaison de charges

Les études précédentes ont également montré que la recombinaison de charges du système radical cation/électron pouvait s’effectuer suivant deux voies parallèles et compétitives.

Le premier chemin réactionnel est dû à la recombinaison directe de l’électron éjecté avec le radical cation selon la réaction suivante :

MA●+@zéolithe●- WX\]^ MA@zéolithe Eq. 2 YZ[ avec NX_`; la constante de vitesse de la cinétique de recombinaison de charge (RC).

Or, expérimentalement, nous avons observé que dans de nombreux cas, la recombinaison directe n’est pas la voie privilégiée. En effet, de façon majoritaire, le système évolue vers la formation d’un complexe de transfert de charge. Ceci est possible grâce au pouvoir oxydant du radical cation qui permet la capture d’un autre électron issu d’un site donneur de la zéolithe. Ce processus entraîne la création d’un défaut de charge sous la forme d’un trou positif suivant la réaction ci-dessous. L’électron initialement éjecté et le trou positif constituent ainsi une paire électron-trou, très stable dans le temps :

MA●+@zéolithe●- WX\]^ MA@zéolitheabc ●+●- Eq. 3 avec NXd2e la constante de vitesse de formation d’une paire électron-trou (PET).

Il est à noter que les constantes de vitesse associées à ces transferts d’électrons dépendent significativement de la taille des canaux de la zéolithe. Dans ces exemples, la vitesse de formation de la PET est beaucoup plus rapide que la réaction de recombinaison de charge, soit NXd2e > NX`_;. Cette paire électron-trou se caractérise par une bande de transfert de charge large et très intense dans le domaine spectral du visible, et par une coloration de l’échantillon. Des études précédentes réalisées au laboratoire ont montré que le complexe de transfert de charge (CTC) associé à la paire électron-trou était constitué de la molécule neutre en forte interaction avec le trou positif, l’électron initialement éjecté étant piégé à plus longue distance en vertu du principe de compartimentalisation [58, 68, 70, 71].

La stabilité du radical cation et de la paire électron-trou diminue lorsque : • la taille des pores augmente

• le diamètre du cation compensateur de charge augmente • le taux d’aluminium diminue

La paire électron-trou finit par disparaitre via une recombinaison de charge pour retourner vers un système neutre selon l’équation de réaction :

MA@zéolithe●+●- WX\]^ MA@zéolithe Eq. 4 YZg avec NX`_< la constante de vitesse de recombinaison de la paire électron-trou.

Les mécanismes de transferts de charges précédemment cités seront présentés dans le chapitre III via un exemple concret : le cas du para-quaterphényl adsorbé dans la ZSM-5.

4) Valorisation des états de charges