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Chapitre III. Matériels et méthodes généraux

3.2. Les transferts d’azote entre le chêne et la molinie

1329

Les objectifs de cette expérimentation étaient (i) de démontrer l’effet bénéfique de la 1330

présence du chêne sur la croissance de la molinie et (ii) de déterminer l’implication des 1331

transferts d’azote dans cette interaction de facilitation. 1332

3.2.1. Dynamique des croissances aérienne et souterraine de la molinie :

1333

technique des rhizotrons

1334

Les mesures de longueurs des parties aériennes et racinaires des molinies ont été 1335

réalisées toutes les deux semaines, en présence et en absence de contact racinaire avec le chêne 1336

(Figure 23). Les parties aériennes ont été mesurées à l’aide d’un mètre. Nous avons utilisé des 1337

rhizotrons pour analyser la longueur des systèmes racinaires. Les rhizotrons sont des contenants 1338

rectangulaires permettant d’observer le comportement et la croissance des racines. Ils sont 1339

formés de 4 faces en PVC opaques, d’une face en plexiglass transparente pour observer les 1340

racines et d’une ouverture pour insérer les plantes. Le sol et l’irrigation étaient identiques à ceux 1341

utilisés dans les pots. Afin que les racines, par géotropisme positif, croissent sur la face en 1342

plexiglass, les rhizotrons ont été inclinés à 35° à l’aide d’un système de calle. Pour limiter les 1343

excès de température et l’arrivée de lumière sur les racines, des toiles ont été ajoutées (Photo

1344

2). 1345

Toutes les deux semaines, un calque était placé sur la face en plexiglass transparente et 1346

les racines étaient décalquées. Les calques étaient ensuite scannés (Epson scanner, professional 1347

mode, 16 bits, dpi 600, images au format TIF) et réutilisés pour effectuer un traçage de la 1348

Photo 2. Dispositif expérimental : rhizotrons. Figure 23. Dispositif expérimental

: chêne et molinie dans un même rhizotron ou en rhizotrons

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nouvelle croissance racinaire. Les images ont ensuite été analysées avec le logiciel WinRhizo® 1349

(V2005a, Regent Instruments, Canada) pour mesurer la longueur racinaire. 1350

3.2.2. Le « cotton-wick »

1351

La méthode du cotton-wick (« fil de coton », Figure 24) a été mise au point par Russell 1352

et Fillery en 1996. Elle consiste à perfuser les plantes pour leur apporter une solution souhaitée. 1353

D’après la bibliographie, elle n’a été utilisée que pour fournir des solutions d’urée 15N 1354

à des plantes de la famille des fabacées (Mahieu et al. 2009a, 2016; Fustec et al. 2010). Le 15N 1355

est un isotope (nombre de protons identiques mais nombre de neutrons différents) lourd et stable 1356

de l’azote naturel. Il représente 0,364% de l’azote atmosphérique. Le cotton-wick est appliqué 1357

au niveau de la tige. A l’aide d’une aiguille, le fil de coton est inséré transversalement dans la 1358

tige. Les deux extrémités du fil sont immergées dans un tube Eppendorf (ici, 5 mL) 1359

préalablement percé de trois orifices sur l’opercule (deux pour les fils et un pour ajouter la 1360

solution) contenant une solution d’urée 15N (15N-urea, At.15N 98%). Par capillarité, la solution 1361

remonte dans le fil de coton et est absorbée au niveau des faisceaux conducteurs de la plante 1362

(xylème et phloème). Afin d’éviter la perte de solution par 1363

évapotranspiration et la dessiccation des fils de coton, les fils 1364

ont été insérés dans des tubes en silicone fixés au niveau de la 1365

tige et de l’Eppendorf avec du Terostat (Terostat®, Henkel 1366

Surface Technologies, Gulph Mills, USA). Pour le chêne, 1367

espèce ligneuse, les tiges ont été percées transversalement à 1368

l’aide d’une perceuse équipée d’un forêt (2 mm de diamètre, 1369

Photo 3. Cotton-wick appliqué au chêne.Photo 3). 1370

1371

Photo 3. Cotton-wick appliqué au chêne.

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3.2.3. L’urée

1372

L’azote est un élément essentiel à la croissance et au fonctionnement métabolique des 1373

plantes. La modification de sa disponibilité pourrait donc avoir un impact majeur dans les 1374

rapports de compétition qu’entretiennent les plantes d’une communauté. Il semblerait qu’il ait 1375

un rôle plus critique dans le développement végétal que le carbone. Néanmoins, il reste moins 1376

étudié (Körner 2015; Gessler et al. 2017). 1377

Comme écrit dans la partie 2.2.2, l’urée est une molécule azotée (CO(NH2)2) qui résulte 1378

d'un processus de dégradation des protéines. Elle est considérée comme la forme d'azote la plus 1379

appropriée pour le marquage des plantes en raison de sa polarité, de son absorption rapide, de 1380

sa faible phytotoxicité et de sa solubilité élevée. Elle résulte de la transformation de l’arginine 1381

par une enzyme appelée arginase. L’urée présente l’avantage d’être facilement métabolisée par 1382

Figure 24. Etapes de l'installation du cotton-wick sur la molinie.

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l’uréase des plantes, entraînant la libération de CO2 et de NH4 (Hertenberger et Wanek 2004; 1383

Wichern et al. 2010). Nous avons donc utilisé de l'urée 15N pour évaluer la translocation, la 1384

distribution et les transferts d'azote après son application par la méthode du cotton-wick. 1385

3.2.4. Principe de l’analyse 15N/14N au spectromètre de masse

1386

Les parties aériennes, le système racinaire et le sol de chaque échantillon ont été séchés 1387

et broyés (prébroyage au broyeur à couteau, 7,5 mm puis broyage au broyeur à bille). Les 1388

échantillons, alors sous forme de poudre sèche très finement broyée, sont pesés dans des 1389

capsules en étain de 4 mm de diamètre et de 6 mm de hauteur de façon à injecter 80 à 100 µg 1390

d'azote dans le spectromètre de masse (Elemental analyzer (vario ISOTOPE cube, Elementar, 1391

Hanau, Germany) interfacé en ligne avec un spectromètre de masse à rapport isotopique gazeux 1392

(IsoPrime 100, Isoprime Ltd, Cheadle,UK). Plateforme SILVATECH, INRA Centre Grand-Est 1393

Nancy). La masse précise de l'échantillon est alors notée à ± 1 µg. Les échantillons ainsi 1394

conditionnés sont disposés dans un injecteur en tête de la colonne de combustion. Leur injection 1395

dans la colonne d'oxydation est réalisée dans un flux d'hélium en légère surpression, afin d'éviter 1396

toute contamination par le gaz carbonique et l'azote moléculaire de l'air. La combustion des 1397

échantillons a lieu en tête de colonne d'oxydation (Cr2O3 et oxyde de cuivre à une température 1398

de 1000°C). Une élévation de température (1600°C) assurée par un apport d'oxygène conduit à 1399

une combustion totale des échantillons. A la sortie de la colonne d'oxydation, l'échantillon se 1400

trouve alors sous forme de N2, CO2, H2O et d'oxydes d'azote. La réduction de ces derniers en 1401

N2 est alors assurée par un passage sur une colonne de cuivre métallique à 600°C (colonne de 1402

réduction). Le piégeage de l'eau et du CO2 est réalisé par passages successifs sur deux colonnes 1403

contenant respectivement du perchlorate de magnésium et du "carbosorb" (PDZ Europa). 1404

L'azote gazeux est injecté dans le spectromètre de masse où il est d'abord ionisé. Les ions 1405

moléculaires positifs alors formés sont accélérés dans une chambre électrique, puis déviés dans 1406

un champ magnétique. Leur angle de déviation est directement affecté par le rapport de leur 1407

masse (m) à leur charge (z). Toutes les molécules de N2 ionisées étant de même charge, leur 1408

angle de déviation est directement affecté par leur masse. Ainsi, la déviation de l'azote 1409

moléculaire de masse 28 sera plus importante que celle de l'azote de masse 29, elle-même plus 1410

importante que celle de l'azote de masse 30. Les ions sont ensuite collectés sur trois détecteurs. 1411

Les signaux qui en résultent sont ensuite amplifiés puis transmis à un système informatique. La 1412

quantification de l'azote est réalisée en faisant la somme des signaux obtenus à partir des masses 1413

28 (14N14N), 29 (14N15N) et 30 (15N15N). L'abondance isotopique en 15N est alors calculée par 1414

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l'intermédiaire du rapport des signaux 29/28 pour de faibles excès isotopiques et 30/29 pour des 1415

excès isotopiques élevés. 1416

3.2.5. Dispositifs expérimentaux

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3.2.5.1. Les transferts d’azote du chêne vers la molinie 1418

Le design de cette expérimentation est entièrement décrit en partie 4.2.1., Figure 28. 1419

3.2.5.2. Les transferts d’azote de la molinie vers le chêne 1420

Pour confirmer l’implication des transferts d’azote dans les processus de facilitation de 1421

la molinie par le chêne, nous avons étudié les transferts d’azote de la molinie vers le chêne. En 1422

effet, si la molinie et le chêne s’échangent des molécules azotées dans des proportions égales, 1423

ceci suggère que d’autres mécanismes sont impliqués dans l’interaction de facilitation 1424

asymétrique. 1425

Une molinie et un chêne ont été placés dans un même pot (contact racinaire) et en pots 1426

séparés (sans contact racinaire). Le design expérimental installé en avril 2018 est présenté en 1427

Figure 25. La méthode du cotton-wick a été appliquée sur la molinie. 1428

La molinie a été marquée à l’urée 15N en juillet 2018. Une récolte a été effectuée après 1429

l’absorption totale de l’urée 15N, en août 2018 et une seconde après la reprise de croissance en 1430

mai 2019, pour tenir compte de la rhizodéposition de la molinie par les processus de sénescence 1431

racinaire. La biomasse sèche des chênes et des molinies a été relevée, ainsi que la quantité de 1432

15N et la teneur en azote. 1433

1434

Figure 25. Design expérimental : modalité des pots.

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