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Chapitre II. État de l’art

2.2. Nature des interactions écologiques souterraines

2.2.2. La facilitation

2.2.2.2. Les « symbioses » mycorhiziennes

Communément, ce qui est appelé « champignon » n'est en fait que l’appareil 852

reproducteur, temporaire et visible appelé « sporophore » (ensemble pied dit « stipe » et du 853

Figure 12. Interactions indirectes (trait pointillé) et directes (trait plein) dans un système complexe. L’espèce A concurrence l’espèce B, qui affecte le potentiel effet négatif de l’espèce B sur l’espèce C.

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chapeau, autrefois nommé « carpophore ») d'un organisme à caractère plus durable et plus 854

discret, le macromycète. La structure habituellement filamenteuse du macromycète constitue le 855

mycélium, formé de filaments, les hyphes, généralement invisibles à l’œil nu lorsqu'ils sont 856

isolés. Les hyphes des champignons appartenant au règne des Fungi ou mycètes sont capables 857

de s’associer avec les racines des végétaux et de former des mycorhizes (du grec myco

858

« champignon » et rhiza « racine). Il en existe deux grandes catégories classées selon la base 859

de caractères anatomiques, morphologiques et indirectement taxonomiques. Il y a les 860

ectomycorhizes, où les hyphes entourent les racines et/ou pénètrent dans la zone corticale 861

racinaire, et les endomycorhizes ou mycorhizes à vésicules arbusculaires, où les hyphes 862

pénètrent dans la zone corticale des racines, mais aussi dans les cellules corticales racinaires. 863

Les ectomycorhizes colonisent différemment les angiospermes (plantes à fleurs) et les 864

gymnospermes (conifères). La plupart des angiospermes développent un réseau épidermique et 865

limitent sa pénétration au niveau de l'épiderme externe, qui est souvent allongé radialement. En 866

revanche, chez les gymnospermes, le réseau s’étend sur plusieurs couches de cellules corticales 867

et se développe parfois jusqu’à l’endoderme (Figure 13). Comme la symbiose avec les 868

rhizobium, la symbiose mycorhizienne implique la reconnaissance des deux partenaires grâce 869

aux composés qu’ils émettent dans le sol. Les champignons libèrent des facteurs Myc qui 870

conduisent à l'expression de gènes liés à la symbiose végétale et préparent la racine à la 871

symbiose. 872

Figure 13. Caractéristiques structurelles des endomycorhizes à arbuscules (AM) et des ectomycorhizes (ECM) chez les angiospermes et les

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Bücking et al. (2012) écrivent : « la symbiose mycorhizienne est sans doute la symbiose 873

la plus importante de la planète. Les archives fossiles indiquent que les interactions 874

mycorhiziennes ont évolué il y a 400 millions d'années et qu'elles ont joué un rôle crucial dans 875

la colonisation du sol par les plantes. » Les symbioses mycorhiziennes concernent 92% des 876

familles de plantes terrestres et 80% des espèces répertoriées (Wang et Qiu 2006; Bonfante et 877

Genre 2010; van der Heijden et al. 2015). Elles sont capables d’influencer la biodiversité et la 878

productivité végétale mais aussi plus largement le fonctionnement de l’écosystème (Grime 879

1988; van der Heijden et al. 1998; Klironomos et al. 2000; Vogelsang et al. 2004; Wurzburger 880

et al. 2017). Elles jouent aussi un rôle important dans la minéralisation (Aerts 2003). La majorité 881

de ces interactions mycorhiziennes sont mutuellement bénéfiques pour les deux partenaires et 882

se caractérisent par un échange bidirectionnel de ressources à travers l'interface mycorhizienne. 883

Le champignon mycorhizien possèdent des transporteurs permettant l’absorption de phosphore, 884

d’azote (nitrate, ammonium, acides aminés, urée) (Bonfante et Genre 2010), de calcium et de 885

sodium. Bien que certaines plantes possèdent aussi ce genre de transporteurs et soient capables 886

d’absorber et d’assimiler seule ces nutriments, la symbiose avec les hyphes leur permet : 887

- d’acquérir plus facilement les éléments nutritifs tels que l’azote minéral (Leberecht 888

et al. 2016) et organique (Kielland 1994; Plassard et al. 1997; Chalot et Brun 1998; 889

Wallenda et Read 1999; Öhlund et Näsholm 2004; Govindarajulu et al. 2005; 890

Näsholm et al. 2009; Tian et al. 2010; Hawkins et al. 2015) 891

- de prospecter un plus grand volume de sol, d’augmenter la résistance au stress 892

abiotique (sécheresse, salinité, métaux lourds) et biotique (agents pathogènes des 893

racines) (Finlay et Söderström 1989; Finlay 2004; Miransari et al. 2008; Bano et 894

Ashfaq 2013; Chitarra et al. 2016; Millar et Bennett 2016; Jacott et al. 2017) 895

- de faciliter la germination et la régénération car les champignons colonisent 896

rapidement les jeunes plants (Alexander et al. 1992; Dickie et al. 2007, 2010; Courty 897

et al. 2010; Jacquemyn et al. 2011) 898

- d’inhiber les propriétés allélopathiques de plantes voisines (Mallik et Zhu 1994; 899

Zeng et Mallik 2006; Walker et Mallik 2009). 900

En contrepartie de leur effet bénéfique sur l'absorption des nutriments, la plante hôte 901

transfère entre 4 et 20% de son carbone photosynthétiquement fixé au champignon mycorhizien 902

(Figure 14). 903

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Différents individus appartenant à des espèces différentes peuvent être connectés par un 904

mycélium commun (Massicotte et al. 1994; Dickie et al. 2004; Weremijewicz et al. 2016, 2018). 905

Les hyphes d’un champignon peuvent aussi fusionner avec les hyphes d’un champignon voisin 906

(Brownlee et al. 1983). Ces fusions nécessitent que les hyphes soient génétiquement proches 907

(Selosse et al. 2006). Les cas de facilitation sont majoritaires (27% de cas où les effets sont 908

neutres et 48% où les effets sont positifs) mais ils arrivent dans 25% des cas que les réseaux de 909

champignons mycorhiziens aient un effet négatif sur la croissance et le développement de 910

jeunes plants (Kytöviita et al. 2003; Pietikäinen et Kytöviita 2007; van der Heijden et Horton 911

2009). Le terme de « symbiose » mycorhizienne peut alors faire débat dans la mesure où les 912

mycorhizes peuvent être délétères pour certains individus (Johnson et al. 1997; Sapp 2004; 913

Janos 2007). Les mycorhizes n’échappent donc ni aux interactions de compétition, ni aux 914

processus allélopathiques (Robinson 1972; Harley et Smith 1983). Certains auteurs ont mis en 915

évidence que certaines plantes pouvaient nuire aux champignons en émettant des composés 916

allélochimiques foliaires et/ou racinaires et ainsi réduire la performance des plantes 917

mycorhizées (Javaid 1995, 2007, 2008; Afzal et al. 2000; Javaid et al. 2006). 918

Figure 14. Principaux échanges ayant lieu dans une symbiose mycorhizienne. La mycorhize constitue une interface entre le sol et la plante. Elle permet le transfert de

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2.2.2.3. Les transferts entre plantes