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1.3 Postulats pour la prédiction de la réponse hydrologique

1.3.2 Les transferts d‟échelle

Avant d‟aborder la question des transferts d‟échelle dans l‟étude des processus hydrologiques, il est bon de se pencher sur le concept d‟unicité. En effet, si tous les lieux concernés par une analyse spécifique ont des caractéristiques uniques, il est pertinent de se demander comment on peut généraliser des résultats en hydrologie (Beven et al., 2001) ou, à tout le moins, élaborer des théories élégantes pour expliquer comment ils évoluent d‟une échelle spatiale à l‟autre. La question se pose tout autant d‟un point de vue temporel (Blöschl, 2001) alors que certains processus n‟entrent en jeu que dans certains créneaux climatiques spécifiques. D‟un point de vue opérationnel, il semble que seule une mesure de

débit ou de concentration d'un traceur dans un cours d‟eau soit une mesure indépendante des dimensions d‟espace et de temps, car elle intègre la variabilité qui est présente à petite échelle pour donner une bonne indication des processus effectifs à l‟échelle de tout le bassin versant (Buttle, 1994 ; Kendall & Caldwell, 1998 ; Joerin, 2000 ; Beven et al., 2001 ; Dahlgren, 2006). En effet, comme le mentionnent Beven et al. (2001), la plupart des mesures hydrologiques sont effectuées à des échelles ponctuelles ou sur de très petites surfaces en comparaison avec l'échelle naturelle des processus hydrologiques et leur variabilité spatio-temporelle. Ceci est le propre de l‟unicité de lieu. Également, puisque les hydrologues ne disposent que de périodes et de moyens limités pour effectuer des mesures de terrain, l‟unicité de temps est à considérer. Ainsi, les résultats obtenus tant en hydrologie expérimentale qu‟en modélisation doivent être nuancés, de manière à tenir compte du paradoxe entre l‟unicité de lieu et de temps et l‟équifinalité des processus mesurés et des paramètres modélisés.

Tout comme la connectivité hydrologique, les concepts d‟échelle et de transfert d‟échelle ont de multiples interprétations. L‟échelle, par exemple, fait référence à la dimension spatiale ou temporelle d‟un phénomène. D‟un point de vue opérationnel, on peut donc distinguer l‟échelle d‟un processus (i.e. celle à laquelle la variabilité naturelle s‟exprime) de l‟échelle de mesure (i.e. intervalle d‟échantillonnage) (Kavvas, 1999 ; Western & Blöschl, 1999). La question des transferts d‟échelle, notamment celle de l‟extrapolation, est épineuse en hydrologie. Les processus hydrologiques se caractérisent souvent par une très grande hétérogénéité à petite échelle, en raison de mécanismes comme l‟acheminement de l‟eau du sol ou la recharge de la nappe phréatique, qui sont très complexes. Cette complexité, inhérente à la plupart des systèmes naturels, disparaît cependant aux échelles plus grandes avec l‟apparition de propriétés émergentes (Sivapalan, 2003b ; Soulsby et al., 2006 ; Tetzlaff et al., 2007). Les études multi-échelles ont pour

genèse du ruissellement de crue. Les effets de la taille des bassins versants sur la réponse hydrologique sont importants, mais les études sur le sujet n‟arrivent pas aux mêmes conclusions. Ainsi, dans les systèmes dominés par le ruissellement de surface hortonien, l‟écoulement de crue hypodermique, le ruissellement sur surfaces saturées ou l‟écoulement macroporeux, le temps de réponse et le débit maximal à l‟exutoire diminuent avec la taille du bassin versant (Dunne, 1978 ; Jones, 1997) (Figure 1.10 A). Également, le coefficient de ruissellement est inversement proportionnel à la superficie du bassin (Jones, 1997) (Figure 1.10 B). Brown et al. (1999) arrivent cependant à la conclusion contraire. Plusieurs études ont aussi tenté d‟établir un lien entre les apports en eau nouvelle et la taille du bassin versant et selon les régions étudiées, on obtient une corrélation positive (Brown et al., 1999 ; Sueker et al., 2000), négative (Pearce, 1990) ou nulle (Buttle, 1994) entre ces deux variables. Également, l‟effet de la taille d‟un bassin versant n‟est pas à confondre avec celui de la dissection du paysage. Ainsi, les travaux de McGuire et al. (2005) ont démontré que le temps moyen de résidence de l‟eau n‟était pas corrélé à la taille des bassins versants mais plutôt à des indices morpho-topographiques comme la taille moyenne des sous-bassins, la pente moyenne, l‟intégrale hypsométrique et la longueur des chemins d‟écoulement (flowpaths lengths) tels que prédits par la topographie de surface et l‟indice topographique de Beven & Kirkby (1979). Toutes ces études donnent donc à penser que si le transport de l‟eau profonde ne répond pas à des facteurs de grande échelle spatiale, il est néanmoins régi par les formes structurelles internes des bassins versants (McGuire et al., 2005).

La question d‟échelle, tant spatiale que temporelle, d‟étude de la connectivité hydrologique reste encore à résoudre. La question de l‟échelle spatiale a cependant déjà été abordée par les biologistes dans leur étude du taux de dispersion des espèces et du degré de connectivité entre leurs divers habitats. Ainsi, selon Calabrese & Fagan (2004), deux aspects méritent d‟être pris en considération. D‟une part, il faut se demander à quelle échelle la connectivité devrait effectivement être définie. Ainsi, en biologie, bien que

plusieurs publications aient porté sur le sujet (Tischendorf & Fahrig, 2000 ; Tischendorf, 2001), il semble qu‟aucune d‟entre elles n‟aient pu affirmer que la définition de la connectivité devait être limitée à une échelle particulière, soit celle de la patch ou celle du paysage.

Figure 1.10 – Relations entre (A) les processus hydrologiques et la taille du bassin versant ; (B) le coefficient de ruissellement et la taille du bassin versant (originaux de Jones, 1997).

En hydrologie, cela reviendrait donc à évaluer la pertinence de définir la connectivité à l‟échelle de la parcelle, du versant ou du bassin de drainage dans son ensemble. Par ailleurs, si l‟on suppose que la connectivité change avec l‟échelle spatiale, la question du choix de l‟échelle appropriée pour un problème particulier se pose. Dans le cas d‟une étude sur les habitats, Calabrese & Fagan (2004) affirment que c‟est le taux de dispersion des espèces qui détermine l‟échelle à laquelle l‟étude doit être conduite. Ce taux de dispersion est

dispersion et la vitesse de transit de l‟eau du sol en hydrologie. Dans un tel contexte, il est alors indispensable d‟examiner la connectivité, de manière explicite, à plusieurs sous- échelles spatiales imbriquées, pour mieux évaluer la façon dont le phénomène évolue en fonction de la zone considérée.

“Hydrological connectivity: Linking concepts with practical implications” (Lexartza-Artza & Wainwright, 2009, p. 1)

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