• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Introduction

5. Transfert des produits phytosanitaires dans les plantes

Après l’injection, les molécules se retrouvent dans le flux de sève brute composée essentiellement d’eau. Pour atteindre leurs cibles foliaires, il faut qu’elles soient transportées par le courant de transpiration vers les feuilles. Un des prérequis à ce transport est donc que ces molécules soient solubles dans l’eau. En outre, il faut aussi qu’elles soient suffisamment hydrophiles pour ne pas s’adsorber sur les matières lipophiles, telles que la lignine, présentes sur leur parcours (Riederer, 2004). Toutefois une fois dans les feuilles, elles devront pouvoir diffuser, pour certaines, dans les parenchymes foliaires.

La capacité d’une molécule organique à être transportée dans une plante a été relié principalement à sa lipophilie bien que leur solubilité dans l’eau puisse être un facteur important puisque les molécules sont véhiculées dans la plante dans la sève (Briggs, Bromilow and Evans, 1982; Bromilow and Chamberlain, 1988). L’explication de cette relation est que pour être absorbés ou véhiculés dans la plante, les composés organiques (CO) doivent franchir une certains nombres de barrières lipidiques. Dans les feuilles, les CO doivent traverser la cuticule cireuse à la surface des feuilles pour atteindre les parenchymes foliaires. Dans les racines, les CO doivent plus ou moins traverser le

45

périderme subérifié mais surtout après avoir pénétré dans le cortex, traverser les cellules de l’endoderme pour atteindre la stèle centrale des racines où se trouvent les tissus conducteurs racinaires, phloème et xylème. Celle-ci est entourée par une couche subéro-ligneuse relativement étanche, le cadre de Caspary. Les CO doivent donc traverser la membrane cellulaire d’où la nécessité pour eux d’être relativement lipophiles.

La Figure 7 résume la relation entre la lipophilie et l’adsorption ou le transfert dans la plante. Elle est établie avec le coefficient log Kow qui exprime la lipophilie des CO. Ce coefficient correspond au coefficient de partition entre l’eau et l’octanol, log P ou log Kow.

D’une part, elle montre la relation exponentielle entre le rapport des concentrations des CO dans les racines et dans l’eau du sol (RCF, root concentration factor) en fonction de leur lipophilie. La fonction exponentielle traduit que l’absorption/adsorption des CO dans les racines est très dépendante de la lipophilie et que l’adsorption est proportionnellement beaucoup plus élevée quand une molécule est très lipophile, Kow > 3. D’autre part, elle montre la relation entre le TCSF (Transpiration Stream Concentration Factor) et la lipophilie des molécules. Ce TSCF est le rapport de la concentration de la substance active dans le flux de sève brute à sa concentration dans la solution externe (Briggs, Bromilow and Evans, 1982). Elle permet d’apprécier, en fonction de la lipophilie, la capacité des substances actives à être transportées dans le courant de transpiration (Delrot and Bonnemain, 1991).

Figure 7 : Evolution du RCF (●) et du TSCF (■) en fonction de la lipophilie des composés organiques neutres (Delrot and Bonnemain, 1991).

46

Toutefois, le transfert des composés organiques dans les plantes est généralement étudié après application dans le sol (Delrot and Bonnemain, 1991). Le TSCF tient donc compte du passage racinaire. La courbe plus ou moins gaussienne traduit le fait que les CO trop peu lipophiles ne peuvent pénétrer dans la stèle centrale des racines.

A l’inverse, les CO avec un log Kow trop élevé (Kow > 4) sont retenus dans la subérine des assises externes subérisées ou de l’endoderme (couche subéro-ligneuse et membrane plasmique) et n’atteignent donc pas le flux de sève (Aitchison et al., 1994). Seuls, les composés de lipophilie intermédiaire atteignent facilement la sève et peuvent être transportés par celle-ci. Ainsi, il a été démontré que l’optimum de translocation apoplastique (c’est-à-dire hors des cellules vivantes, donc principalement le courant xylémique, mais aussi les espaces intercellulaires) se trouve autour de log P = 1,7 (Figure 7) bien que cela dépende de la série de CO utilisée pour construire le graphique (Delrot and Bonnemain, 1991).

L’injection directement dans le tronc permet ainsi d’éviter la phase d’absorption dans la plante. Les molécules étant directement présentes dans les vaisseaux, seule la phase de transfert par le flux est à considérer. Les molécules avec des log Kow faibles devraient donc pouvoir être transférées avec la sève brute. En revanche pour les molécules lipophiles, même si elles ne peuvent plus être retenues sur les barrières lipidiques des racines, des phénomènes d’adsorption pourraient avoir lieu sur les parois du xylème, riches en lignine. Une relation linéaire lie le logarithme du coefficient d’adsorption des molécules sur la lignine et le log Kow (Delrot and Bonnemain, 1991). Par exemple, le bois des conifères a une teneur en lignine plus élevée (25-35%) que celui des feuillus (18-25%). Par conséquent, les molécules lipophiles sont susceptibles d’être plus adsorbées dans le xylème des conifères (Trapp, Miglioranza and Mosbaek, 2001).

D’autre part, les molécules chargées positivement peuvent être retenues sur les charges négatives au niveau des parois des vaisseaux xylémiens. Le transfert de ces molécules ionisées est aussi influencé par leur constante de dissociation, pKa qui détermine leur capacité à traverser les biomembranes (Sur and Stork, 2003). Le xylème possède un pH d’environ 5 alors que celui du phloème est de 8. Ces différences de pH n'influencent pas la distribution des composés neutres, non ionisés, mais influencent fortement la distribution des composés ionisés (Inoue, Chamberlain and Bromilow, 1998). Les acides faibles avec des pKa en dessous de 5 et de faibles log Kow (entre 1 et 2,5), vont ainsi

47

s’accumuler dans le phloème. La fraction non ionisée diffuse à travers les membranes du phloème et restent ensuite piégée dans la sève élaborée car le pH plus élevé de ce compartiment déplace l’équilibre vers la forme ionisée de la molécule qui ne peut plus franchir la membrane. Les molécules neutres peuvent diffuser librement entre les compartiments mais le flux xylèmique, 50 à 100 fois supérieur à celui du phloème, va majoritairement emporter ces molécules (Sur and Stork, 2003). De manière générale, la migration dans le flux de transpiration sera favorisée par un débit de sève important (Delrot and Bonnemain, 1991).

Documents relatifs