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Comme nous l’avons vu ci-dessus, certains migrants ont eu la chance d’exercer un métier du même domaine pendant leur migration (tailleur, carrosserie, bâtiment…) : ils ont ainsi appris de nouvelles techniques, etc. Certains migrants tailleurs ont commenté : « la Côte d’Ivoire est plus avancée que le Mali en termes de techniques et du matériel. J’ai vu des styles et des matériels que je n’avais jamais vus. » (migrant16) « J’ai pu acquérir des techniques qui n’existaient pas au Mali. À travers 18 ans d’expériences en Côte d’Ivoire, je suis confiance de mes compétences» (migrant 6). « Ce que j’ai appris là-bas est utile pour mon travail d’aujourd’hui » (migrant 3).

Les compétences ne se limitent pas seulement aux compétences professionnelles. Cela peut être traduit par des mots comme « ouverture d’esprit » ou « savoir-faire ».

114 GONIN, Patrick. Migrations développement: les utopies des années 90. Dans D'un voyage à l'autre :

71 Beaucoup de migrants et d’acteurs d’appui ont mentionné cet aspect. « Quand tu sors du pays, tu connais une autre vie. La vision plus ouverte » (migrant 5). Selon une enquête menée par Tiemoko (2007), même si c’était un travail non-qualifié, le fait qu’ils ont travaillé dans un environnement différent ou une culture de travail différente, est conçu comme un atout important.115 Selon Ndione et Lombard (2004), « les expériences urbaines des migrants, acquises pendant leur séjour à l’étranger, leur permet de mobiliser, au retour et plus facilement, les ressources sociales et économiques qu’offre la ville d’installation. »116

L’Institut Panos définit les compétences des migrants comme « le savoir, le savoir-faire. Le savoir faire faire et surtout (le) savoir faire savoir ». 117 Cette vision est partagée non seulement par la plupart des migrants mais aussi par certains acteurs d’appui. « La migration permet d’avoir forcement plus de savoir-vivre et des compétences, de n’importe quel pays qu’il soit » (expert 1). Un migrant dont le métier était tailleur a commencé un commerce du fil. « Avant de partir en Côte d’Ivoire, je ne pouvais pas imaginer de faire un autre métier que tailler. Mais dès que je suis arrivé en Côte d’Ivoire, j’ai vu que tous les travails sont possibles. L’idée de mon commerce de fil aujourd’hui, c’est parce que je l’ai vu en Côte d’Ivoire. Je suis le premier Kayesien qui fait ce commerce. (migrant16)

Manço (2002) propose une autre définition des compétences des migrants : « des compétences psychologiques particulières permettant aux personnes migrantes de faire face, de manière plus ou moins efficiente, à des situations complexes et difficiles engendrées par la multiplicité des références culturelles dans des contextes

115 TIEMOKO, Richmond. Op cit. p117.

116 NDIONE, Babacar et LOMBARD, Jérôme. Op cit. p180.

117 GATUGU, Joseph. Migrations, transferts et co-développement: les Africains d'Europe. Dans

Valorisation des compétences et co-développement: Africain(e)s qualifié(e)s en immigration. Paris: A.

72 psychologiques, sociologiques, économiques et politiques inégalitaires ».118 Beaucoup de migrants ont mentionné cet aspect en utilisant le mot « courage ». Par exemple, après avoir vécu une expérience difficile en France, un migrant a commenté que son expérience « m’a vraiment donné le courage de venir vivre chez moi ici et aussi beaucoup des idées de trouver quelque chose, pour s’en sortir ici » (migrant 8).

Les migrants peuvent-ils acquérir des compétences et les apporter au pays? Les avis des acteurs d’appui sont partagés. « Souvent les migrants maliens en France exercent les petits métiers qui ne leur permettent pas d’acquérir des compétences » dit un acteur d’appui. On trouve des études qui appuient cette position119.

Au contraire, « la réponse est trois fois oui. » dit un autre qui a acquis de l’expérience dans le domaine du co-développement pendant 10 ans. Le montant des transferts financiers par les migrants est significatif, mais il ne faudrait pas perdre de vue les « transferts de compétence et de savoir-faire »120. Les réalisations de nombreux projets du développement local s’expliquent leurs capacités de s’organiser. Les migrants originaires de la région bassin fleuve Sénégal se réunissent en associations (inter-)villageoises. Plus d’un tiers de ces migrants sont membre de ces associations dont bon nombre se dénomment « de développement »121. L’école, le dispensaire, les projets agricoles et hydrauliques… la réalisation ancienne date des années 1950122. Les processus de décentralisation dans les années 90 ont multiplié et ouvert les lieux où de

118 MANÇO, Altay. Compétences interculturelles des jeunes issues de l'immigration. Perspectives

théoriques et pratiques. Paris: 2002. Compétences interculturelles. p18.

119 Par exemple, AMASSARI, Savina et BLACK, Richard. Harnessing the Potential of Migration and

Return to Promote Development. Genève: 2001. IOM Migration Research Series No.5.

NDIONE, Babacar et LOMBARD, Jérôme. Op cit.

120 YATERA, Samba et LE MASSON, Olivier. Diaspora, développement et citoyenneté. Les migrants originaires du bassin du fleuve Sénégal (Mali, Mauritanie, Sénégal). Echos du COTA, 2006, n°110. p7. 121 BLION, Reynald. Les associations français issues de l'immigration, nouveaux acteurs de la solidarité international? Dans Europe des migrations, Europe de développement. Paris: I. Panos, 2005. p233. GONIN, Patrick. 1997. Op cit. p189.

73 tels investissements civiques sont possibles123. Leurs compétences prouvées dans les projets, les migrants de retour sont partie intégrante de la vie au village : représentant même plus de la moitié des élus dans les conseils municipaux.124

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