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IV. HETEROGENEITE GENETIQUE DE LA COHORTE D’ATTEINTE HEPATIQUE SANS DEPLETION DE L’ADN MT :

1. Transcriptome

Le transcriptome désigne l’ensemble des ARNm transcrits à partir du génome. L’analyse du transcriptome d’une population cellulaire permet d’identifier et de quantifier les produits de l’expression des gènes dans ces cellules.

Nous avons réalisé deux analyses successives du transcriptome des patients de la cohorte. L’analyse est faite à partir des ARNm extraits des fibroblastes des patients en culture, (seul matériel disponible pour tous les patients), en tenant compte du fait que les gènes impliqués dans les maladies mitochondriales sont d’expression ubiquitaire.

La première analyse a été réalisée pour les 16 premiers patients de la cohorte, et 5 contrôles. Nous nous sommes assurés de la validité de cette approche en intégrant également dans cette étude 5 patients avec mutation dans le gène DGUOK. L’analyse du transcriptome de ces 5 contrôles positifs a rapidement montré une sous-expression de DGUOK démontrant la faisabilité de ce travail. Une deuxième analyse a par la suite été faite en prenant les fibroblastes de 44 autres patients (19 à 43 et 50 à 68) et 4 contrôles sains. Les deux analyses ne peuvent pas être comparées entre elles.

a. Approche gène candidat

Nous avons analysé les données du transcriptome afin de mettre en évidence un ou plusieurs gènes sous-exprimés, résultant d’une mutation non-sens. Pour cela, nous avons regardé les gènes codant pour des protéines mitochondriales et présentant un rapport patient/contrôle inférieur à 0,5.

Chaque gène sous-exprimé chez un patient a été séquencé chez ce patient, mais également pour l’ensemble des patients de façon systématique. Il est en effet possible que d’autres patients présentent des mutations faux-sens de ce gène ne conduisant pas à une diminution de son expression.

Nous avons séquencé les gènes MARS2 (methionyl-tRNA synthetase 2), CMPK2 (cytidine monophosphate (UMP-CMP) kinase 2), NFS1 (cysteine desulfurase, mitochondrial), TRIT1 (tRNA isopentenyltransferase 1), TRNT1 (tRNA nucleotidyl transferase, CCA-adding, 1), GTPBP3 (GTP binding protein 3), C12ORF72 (Methyltransferase like 20), TRMT5 (tRNA methyltransferase 5),

METTL9 (methyltransferase like 9) et METTL7A (methyltransferase like 7A). L’ensemble de ces

gènes ont été exclus par séquençage Sanger des exons et régions introniques flanquantes. L’étude du transcriptome ne nous a pas permis de mettre en évidence de mutations dans un gène grâce à un transcrit ayant clairement une quantité diminuée chez un ou plusieurs patients de notre série. Les réductions importantes de l’expression d’un gène résultent en général de mutations non-sens ou de décalage du cadre de lecture conduisant à l’apparition d’un codon stop prématuré. L’incapacité à identifier le gène en cause par cette approche transcriptomique peut être due au fait que nos patients ne présentent pas ce type de mutations. On notera que sur l’ensemble du génome, un nombre très important de gènes sont sous-exprimés, à commencer par de nombreux gènes codant pour des protéines non mitochondriales, ce qui nous amènera à nous questionner sur la précision et la fiabilité à accorder aux résultats.

b. Approche globale

Les patients présentant une atteinte hépatique mitochondriale sont hétérogènes génétiquement. Cependant, ils ont le même phénotype, et aucune donnée clinique ne peut permettre de les différencier et donc d’associer une clinique particulière à une mutation dans un gène particulier. Le but est donc de chercher un moyen de les différencier par d’autres données biologiques afin de faire des groupes, et ainsi faciliter les investigations génétiques.

Nous avons donc par la suite utilisé l’analyse du premier transcriptome afin de détecter des voies métaboliques sur ou sous exprimées, et de constituer des groupes de patients ayant un profil similaire pour certaines familles de protéines ou fonctions cellulaires. Analyser les résultats en prenant des groupes de patients et non les patients individuellement augmente la puissance de l’analyse.

Nous avons tout d’abord comparé le transcriptome des patients 1 et 3, qui ont la même mutation dans le gène TRMU. Nous constatons que 95% des sondes communes aux deux patients (4556 sondes sur 4787) varient dans le même sens, ce qui semble indiquer l’existence de mécanismes identiques de réponse ou de compensation de la mutation du gène TRMU. L’analyse par le logiciel Ingenuity permet d’organiser les modifications d’expression des différents gènes du transcriptome par voie métabolique ou fonction cellulaire, et ainsi de mettre en évidence des modifications touchant des grandes fonctions cellulaires en général. Cette analyse indique que les patients 1 et 3 ont une surexpression significative (p-value<0,05) de voies métaboliques impliquées dans le métabolisme des acides aminés et des acides gras. On notera aussi une surexpression de la voie de biosynthèse des ARNt. Il est à noter qu’Ingenuity ne différencie pas la voie de biosynthèse des ARNt cytoplasmiques de ceux mitochondriaux. Les changements métaboliques observés sont en accord avec des résultats observés à partir d’une étude transcriptomique après invalidation par RNAi de protéines de la chaîne respiratoire chez C.

elegans (Falk, Zhang et al. 2008).

En émettant l’hypothèse que les autres patients sont mutés dans des gènes différents mais appartenant tous à la traduction mitochondriale, nous avons ensuite décidé de cibler l’analyse du transcriptome autour de la traduction mitochondriale. Nous avons pour cela regardé plus précisément pour tous nos patients les variations d’expression des gènes codant pour les ARNt synthétases, les enzymes de modification des ARNt, les protéines ribosomales et les facteurs d’initiation et de terminaison de la traduction. Les résultats les plus significatifs concernent les gènes des ARNt synthétases (Figure 30).

D’après cette figure, on note que les patients 10, 11, 12, 13, 14 et 15 ont un profil transcriptionnel similaire. Ces individus de plus ont un profil assez proche de celui des patients 1 et 3, mutés dans le gène TRMU.

Figure 30 : Modification d’expression des gènes codant pour les ARNt synthétases mitochondriales chez les patients 1 à 16.

Les gènes les moins exprimés apparaissent en vert et ceux les plus exprimés en rouge. Les patients 10, 11, 12, 13, 14 et 15 (encadrés en violet) ont un profil transcriptionnel similaire, et proche de celui des patients 1 et 3 mutés dans TRMU (encadrés en rouge).

Nous avons ensuite repris l’ensemble des résultats obtenus par l’analyse de toutes les sondes du transcriptome pour l’ensemble des 16 patients. Il apparaît clairement que les patients 1 et 3 d’une part et les patients 10, 11, 12, 13, 14, 15 d’autre part présentent des profils transcriptomiques relativement proches. Ainsi, l’arborescence présentée dans la Figure 31 confirme les résultats que nous avions observés au niveau des protéines de la traduction mitochondriale et nous confirme une certaine homogénéité de ce sous-groupe de patients.

Figure 31 : Clustering non supervisé réalisé sur l’ensemble des sondes du transcriptome pour les 16 patients. Les patients 1 et 3 d’une part et 10, 11, 12, 13, 14, 15 d’autre part (encadrés en rouge) présentent, en tenant compte de l’ensemble des sondes du transcriptome, un profil transcriptomique proche.

Cependant, aucun des gènes codant des protéines de la traduction mitochondriale ne présente en transcriptome de sous-expression sévère dans ce sous-groupe de patients. Nous avons alors par la suite regardé la traduction mitochondriale pour ces patients afin de valider ou non l’hypothèse d’une anomalie de traduction mitochondriale suggérée par les données du transcriptome.

2. Traduction mitochondriale

Les anomalies de traduction mitochondriale conduisant à un déficit des protéines codées par l’ADNmt, nous avons tout d’abord comparé le niveau d’expression des protéines de la chaîne respiratoire codées par l’ADNmt et nucléaire par SDS-PAGE sur des mitoplastes extraits à partir de fibroblastes des patients et d’un contrôle.

Cette immunodétection est réalisée avec un cocktail d’anticorps reconnaissant une sous-unité de chaque complexe, afin d’apprécier l’abondance relative des différents composants de la

chaîne respiratoire. Sur les cinq sous-unités, F1α, Core2 et 30 kDa sont codées par l’ADNn et COXII et ND6 sont codées par l’ADNmt.

Le SDS-PAGE (Figure 32) montre une nette diminution de la quantité des sous-unités mitochondriales COXII et ND6 spécifiques des complexes IV et I, pour le patient 10 par rapport au contrôle. Pour l’ensemble des autres patients, COXII est sous-exprimée mais l’expression de ND6 est variable.

Figure 32 : SDS-PAGE réalisé à partir de mitoplastes extraits de fibroblastes des patients 10, 11, 12, 13, 14 et 15 et d’un contrôle.

La solution d’immunodétection utilisée est constituée des anticorps anti-ND6 (sous-unité du CI) et anti-COX II (sous-unité du CIV), sous-unités codées par le génome mitochondrial, ainsi que des anticorps anti-30 KDa (sous-

unité du CII), anti-core 2 (sous-unité du CIII), et anti-F1α (sous-unité du CV), sous-unités codées par le génome

nucléaire. L’hybridation du complexe II nous sert de témoin de charge.

La traduction mitochondriale dans les fibroblastes des patients 10, 11, 12, 13, 14, 15 a été étudiée in vitro par marquage radioactif avec de la méthionine marquée au 35S. Les résultats montrent une diminution de la quantité de l’ensemble des protéines mitochondriales traduites chez le patient 10, (Figure 24) confirmant les résultats du SDS-PAGE. Nous confirmons donc la suspicion d’une anomalie de la traduction mitochondriale évoquée par l’analyse transcriptomique pour le patient 10. Les autres patients 11, 12, 13, 14, 15 ont peut-être une anomalie de traduction mitochondriale mais qui n’est pas exprimée dans leurs fibroblastes.

Figure 33 : Etude de la traduction in vitro par marquage à la méthionine 35S des protéines codées par l’ADNmt sur des fibroblastes des patients 10, 11, 12, 13, 14, 15 et d’un contrôle.

On observe une diminution de la traduction de l’ensemble des protéines codées par l’ADNmt pour le patient 10, par rapport au contrôle.