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La transcription, principe général

Chapitre 1 : Introduction

3. La transcription, principe général

Au cours de son développement, un organisme complexe doit être capable de spécification cellulaire et tissulaire afin de remplir des fonctions précises assurées par un ensemble de gènes activés ou réprimés selon la demande et la situation physiologique. Ce contrôle passe également par un changement de structure de la chromatine, entraînant l’activation ou la répression de l’expression des gènes. La chromatine peut être sous une forme que l’on nomme hétérochromatine qui se caractérise par une structure condensée et inactive. La seconde forme est nommée euchromatine et correspond à une structure décondensée et active permettant ainsi l’expression des gènes. Les modifications épigénétiques dictent l’état de la chromatine. Ces modifications impliquent les queues N- terminales des histones ou encore leurs domaines interagissant directement avec l’ADN. Ces ajouts ou retraits de modifications épigénétiques, catalysés par des enzymes dites « writers » ou « erasers », permettent à la cellule de mieux répondre aux variations des besoins cellulaires et signaux environnementaux. Ces enzymes sont également capables d’interagir avec les nucléosomes et les enzymes de remodelage de la chromatine (Dai et al., 2020).

De façon plus précise, les modifications épigénétiques permettant l’accès ou non aux séquences génomiques nécessaires à la transcription des gènes sont; 1) la méthylation de l’ADN et des histones, 2) l’acétylation des histones, 3) l’acylation des histones, 4) l’homocystéinylation des histones, 5) la monoaminylation des histones, 6) l’O- GlcNacylation des histones, 7) l’ADP-ribosylation des histones et 8) les modifications non- enzymatiques de la chromatine (Dai et al., 2020). La méthylation de l’ADN ou des histones est un processus impliquant la dégradation de la méthionine en adénosylméthionine (SAM), donneur du groupement méthyle (Sanderson et al., 2019). SAM, devenu substrat des histones et des ADN méthyltransférases, est ensuite converti en S-adénosylhomocystéine (SAH) : inhibiteur compétitif des méthyltransférases. Cela crée donc une boucle de rétro-inhibition. D’autres processus peuvent influencer la méthylation des histones et de l’ADN comme les réactions enzymatiques ou la régulation des réactions d’oxydo-réduction (Dai et al., 2020).

L’acétylation des histones est un processus dans lequel un groupement acétyl, dérivé de l’acétyl-CoA, est transféré au groupement amino-e des lysines des histones. Cette action est catalysée par des acétyltransférases (Bannister et Kouzarides, 2011), communément appelées histone acétyltransférases (HATs). De son côté, l’acylation des histones est un processus semblable à l’acétylation des histones mais moins bien connu. Il s’agit plutôt d’un processus dans lequel un groupement acyl, dérivé des molécules ayant des groupements acyl à courte chaîne comme les SCFAs, est transféré. Plus précisément, les acyl-CoA synthétases produisent de l’acyl-CoA à partir des molécules SCFAs. Le métabolite est ensuite transféré aux queues des histones de façon non-enzymatique (Dutta et al., 2016). L’ADP-ribosylation des histones, ou PARylation, est un processus de retrait d’une mono ou d’une poly-ADP- ribosylation sur les lysines des histones via une action enzymatique. Ce phénomène influence grandement l’attachement de cofacteurs permettant l’expression des gènes, la réplication et la réparation de l’ADN (Ciccarone et al., 2017).

L’une des familles de cofacteurs importants dans la régulation de l’expression des gènes sont les corégulateurs transcriptionnels. Ils agissent comme intermédiaires directs entre les facteurs environnementaux et les produits de transcription via leur capacité de senseurs métaboliques et de protéines effectrices. De plus, étant dépourvu de domaine de liaison à l’ADN, les corégulateurs nécessitent un attachement avec les facteurs de transcription afin d’être recruter aux promoteurs et « enhancer ». Cette famille protéique peut être divisée en deux grandes catégories soient; les coactivateurs (CoA) et les corépresseurs (CoR). Ils sont également capables d’induire et de réprimer respectivement la transcription (Figure 2). La présence de ces derniers est également influencée par la structure locale de la chromatine ou par l’activation ou la conformation des facteurs de transcription (Schnyder et al., 2017).

Il fut un temps où la littérature rapportait qu’un corégulateur ne possédait qu’une seule fonction activatrice ou inhibitrice. Ainsi, le recrutement d’un CoA par le facteur de transcription permettait l’expression de gènes cibles. S’il y avait plutôt recrutement d’un CoR au même facteur de transcription, la répression de la transcription était de mise (Glass et Rosenfeld, 2000). Cependant, il existe des corégulateurs, comme le « Nuclear receptor-

interacting protein 1 (NRIP1) », qui ont une double capacité en fonction des besoins cellulaires et du facteur de transcription auquel il est recruté. Dans une situation d’activation de la transcription dans un contexte d’inflammation, d’ovulation ou de développement des glandes mammaires, NRIP1 agit comme coactivateur. Cela est possible grâce à l’interaction entre le domaine LXXLL de NRIP1 et le « LBD-domain » des récepteurs nucléaires. Cette interaction permet de garder le complexe dans sa conformation active. Dans le cas contraire, NRIP1 agit comme « co-corégulateur » (Nautiyal et al., 2013). Ses rôles de corégulateur répressif ont été montrés via son interaction avec les récepteurs nucléaires comme les PPAR- a et d, les LXRs, le NRF-1 et autres (Rosell et al., 2011). En effet, NRIP1 possède quatre domaines d’auto-répression. Ces derniers lui permettent donc de recruter d’autres enzymes ayant des capacités inhibitrices ou de modification des histones. En d’autres mots, en situation nécessitant la répression de la transcription, NRIP1 agit d’intermédiaire entre les facteurs de transcription et les autres enzymes permettant la condensation de la chromatine (Nautiyal et al., 2013). Il s’agit donc d’un corégulateur contexte dépendant.

Dans un contexte de répression, les corépresseurs font partie d’un grand complexe généralement composé d’une dizaine de protéines. Ces dernières peuvent être des histones déacétylases (HDACs), des « DNA-binding proteins », des histones méthyltransférases et des composantes structurales de la chromatine. Les capacités inhibitrices du complexe provient majoritairement de l’activité enzymatique de HDAC3 soutenue par son interaction avec les domaines DAD des corépresseurs (You et al., 2013), (Emmett et Lazar, 2019). Cette enzyme a la capacité de déacétyler les queues des histones à proximité, causant ainsi un changement de conformation du nucléosome, ce qui a également un impact sur la disponibilité des sites d’initiation de la transcription. En effet, ce changement épigénétique cause entre autres une condensation de la chromatine limitant l’accès ainsi à la machinerie nécessaire à l’initiation de la transcription. De façon plus précise, lorsqu’un CoR est recruté par un facteur de transcription, il y a également recrutement de ses partenaires d’interactions qui aident à maintenir la répression de la transcription. Cela résulte en la modification des protéines qui résident sur la queue des histones.

D’un autre côté, lorsque les besoins cellulaires nécessitent l’activation spécifique d’un ensemble de gènes à la suite d’une situation physiologique précise, plusieurs cascades de signalisation induisent un changement de conformation du complexe facteur de transcription/corépresseur, ce qui permet le remodelage de ce complexe en libérant le CoR pour le remplacer par un coactivateur. Ce dernier interagit à son tour avec des enzymes permettant une décondensation de la chromatine entraînant ainsi l’expression de gènes nécessaires pour subvenir aux besoins cellulaires précis. De façon générale, ces enzymes sont des histones acétyle transférases. Comme son nom l’indique, elles ont la capacité d’ajouter des groupements acétyle sur les queues des histones en proximité, rendant les sites d’initiation de la transcription plus accessibles (Krasnov et al., 2016).

Figure 2 : Les corégulateurs transcriptionnels ont un impact sur l’activation de la transcription de gènes cibles en fonction des signaux environnementaux et des besoins cellulaires. Lorsque la cellule a besoin d’activer l’expression de gènes cibles, il y a recrutement d’un coactivateur (CoA) transcriptionnel qui s’attache aux facteurs de transcription. Via son interaction avec des molécules activatrices comme des histones acétylases (HAT), le coactivateur favorise la transcription des gènes. De façon opposée, lorsque les signaux environnementaux indiquent à la cellule que celle-ci doit réprimer l’expression de gènes spécifiques, il y a plutôt recrutement d’un corépresseur (CoR). Les CoR interagissent plutôt avec des molécules inhibitrices, comme des histone acétyl- transférases (HDAC). En fonction de l’activité enzymatique des HDACs, il y a alors déacétylation de la queue des histones à proximité. Ce processus, combiné avec d’autres facteurs favorisant la répression de la transcription, inhibe l’expression de gènes cibles (Figure inspirée de Müller et al., 2018).