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Chapitre 2 : Périnatalité et psychisme : Du « tomber enceinte » au

2.4 Trajectoire des représentations maternelles

Les représentations maternelles sont de nature consciente et inconsciente. Elles s’entendent comme des productions fantasmatiques (Ammaniti, 1991 ; Stern, 1991), des croyances et des interprétations autour des comportements et attitudes du bébé (Devouche et Apter, 2012) mais concernent aussi les représentations que la femme construit d’elle-même en tant que femme et en tant que future mère et les représentations de ses propres figures d’attachement. Ces représentations, qui véhiculent des modèles internes opérants transgénérationnels de l’attachement (Lebovici, 2009), vont influencer les comportements maternels et se matérialiser dans les interactions

48 précoces (Ammaniti, 1991): l’enfant imaginaire (Lebovici, 1983), en s’animant petit à petit dans la psyché maternelle, va orchestrer la qualité de la rencontre entre la mère et son bébé. Les interactions précoces contribuent, notamment par le biais du comportement du bébé, à réajuster à leur tour les représentations maternelles (Wendland, 2004). Nous l’aurons compris, loin d’être totalement figées, ces représentations subissent de nombreuses transformations au contact des différentes réalités maternelles somatiques et relationnelles. Elles vont, en outre, pouvoir, en tant que schéma cognitif, influencer l’interprétation de la réalité et se transformer à leur tour au contact de cette même réalité.

2.4.1 Représentations maternelles du prépartum

Tout au long de la grossesse, les représentations maternelles vont évoluer au rythme des nouvelles sensations éprouvées par la mère au cours du développement du fœtus.

Ainsi le début de la grossesse est souvent associé à une absence de représenta- tion de l’enfant, « un blanc d’enfant » (Soulé, 1982, p.144) : la femme est enceinte, centrée sur son état, et ne porte pas encore psychiquement un enfant. Mais l’échographie va violemment confronter la femme à une réalité biologique par le biais de l’image de l’embryon. Elle devient alors porteuse d’une vie en devenir, et petit à petit, la symptomatologie résonnante de la grossesse pourra trouver un sens différent et s’ouvrir, à partir du deuxième trimestre, vers une nouvelle étape: la femme n’est plus uniquement enceinte, elle attend un bébé. Les nouvelles sensations physiques que génèrent les mouvements du fœtus et le dépassement du cap des trois mois associé à la viabilité foetale, vont permettre à la femme de se décentrer et d’investir fantasmatiquement l’enfant qui grandit en elle. Tout au long de la grossesse, l’enfant imaginaire (Lebovici, 1983) sera remodelé par l’image du fœtus imposée par l’échographie. L’image sera tantôt perçue comme « l’image d’un bébé vivant » ou bien comme « l’image dévitalisée d’un squelette » pour les fœtus porteurs potentiels de malformations (Camara et Pommier, 2012).

Au troisième trimestre, la femme développe une image d’elle en tant que mère très distincte de l’image qu’elle se fait de son enfant, même si ces représentations se

49 trouvent correllées. En effet, la représentation que la femme se fait de son enfant se construit sur la représentation qu’elle a de son enfant et sur la représentation qu’elle se fait d’elle-même dans son rôle de mère (Ammaniti et al., 1992). En outre, les caractéris- tiques que la mère projette sur son nourrisson s’inscrivent dans la question de la trans- mission. L’échographie questionnera surtout un héritage autour des caractéristiques physiques et des maladies familiales et réveillera une angoisse autour de ce qui échappe au regard de l’échographiste, à savoir les pathologies qui n’entraînent aucune malforma- tion et les maladies génétiques (Camara et Pommier, 2012). Cette production fantasmatique autour de l’enfant cesse de croître autour du septième mois de grossesse et la mère va commencer à déconstruire l’enfant imaginaire afin de se préparer à accueillir le bébé réel (Stern et Bruschweiler-Stern, 1998).

2.4.2 Destins des représentations maternelles dans le post-partum

La naissance inaugure cette rencontre avec le bébé réel qui vient s’imposer au- delà du fantasme maternel et du virtuel de l’image échographique. Véritable moment charnière dans la construction identitaire maternelle, cette rencontre vient questionner et redéfinir certaines représentations construites durant la grossesse. Certains auteurs soulignent que les représentations concernant l’enfant et le soi maternel tendent à évoluer durant le post-partum contrairement aux représentations qui concernent l’identité qui restent constantes entre la grossesse et la période qui suit l’accouchement (Ammaniti, Tambelli et Perucchini, 2000). D’autres auteurs s’accordent sur la perma- nence des représentations maternelles entre le pré- et le post-partum, notamment chez les femmes présentant des modèles internes équilibrés (Benoît, Parker et Zeanah, 1997; Theran, Levendosky, Bogat et Huth-Bocks, 2005). Par contre, la transformation des représentations maternelles semble être prédite par des facteurs tels que le statut de mère célibataire, la consommation de drogue ou encore des états émotionnels négatifs (Gallois, 2009; Theran et al., 2005).

2.4.3 Représentations maternelles sous influence

Certains facteurs semblent jouer un rôle essentiel dans la qualité des représenta- tions maternelles. Les problématiques sociales et/ou dépressives représentent un risque plus important pour la mère de développer des représentations ambivalentes (Ammaniti,

50 Tambelli et Odorisio, 2013). Certaines problématiques psychopathologiques, des con- flits avec le père de l’enfant ou avec la propre figure maternelle de la femme, engen- drent des difficultés dans l’élaboration de représentations stables concernant l’enfant (Sokolowski, Hans, Bernstein et Cox, 2007). Notons que les femmes concernées par un deuil périnatal antérieur ou encore une grossesse à risque élaboreront peu de représenta- tions de l’enfant durant la grossesse (Stern et Bruschweiler, 1998). D’ailleurs, les états émotionnels tels que le stress, l’anxiété et la dépression vécus pendant la grossesse semblent corrélés à des représentations post-natales plus négatives de l’enfant, du père, de soi en tant que femme et en tant que mère (Gallois, 2009). A contrario, des traits de personnalité de type « extraversion » et un niveau d’étude plus modeste génèrent des représentations plus positives quant au tempérament de l’enfant (Duthu, Blicharski, Bouchet et Bourdet-Loubère, 2008). L’ensemble des contenus psychiques maternels, dont les représentations psychiques, est mis en acte à travers les soins apportés à l’enfant (Ammaniti, 1991; Bydlowski, 2001) et donne ainsi vie à un type d’attachement spécifique (Bowlby, 1969).

2.4.4 De la représentation maternelle à l’attachement

Représentations maternelles, ajustement et patterns d’attachement entretiennent un lien étroit mais dont la nature reste encore mal définie (Van IJzendoorn, 1995). Ainsi, la qualité de l’attachement prénatal est positivement corrélée à une représentation positive du futur enfant ainsi qu’à une représentation positive de soi en tant que mère et en tant que femme (Gallois, 2009). Par contre, l’intensité de l’attachement prénatal est en lien avec la positivité de l’image que la parturiente se fait de sa propre mère (Gallois, 2009). Nous notons que dans 75% des cas, nous pouvons prédire qu’une femme présentant des représentations de type « autonome » pendant sa grossesse, développera un attachement sécure avec son enfant ; au contraire, une mère présentant un corpus de représentations spécifiques à un profil rejetant, verra son enfant développer un attachement évitant (Fonagy, Steele et Steele, 1991). Certains auteurs, reprenant la théorie de la « sensibilité maternelle » d’Ainsworth (1971), évoquent, dans le phénomène de transmission de qualité d’attachement, le rôle majeur de la conscience réflexive, cette dernière rendant compte de la capacité de mentalisation des mères vis-à- vis du ressenti de leur enfant (Meins, Fernyhough, Fradley et Tuckey, 2001).

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