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Groupes de graminées

2. LIEN ENTRE DIGESTIBILITE ET DECOMPOSABILITE VIA LES TRAITS : L’HYPOTHESE DE L’« EFFET POST-MORTEM »

3.2. Traits d’effets sur la digestibilité et la décomposabilité

Il s’agit de vérifier si les effets des pratiques de gestion qui ont un effet sur la digestibilité et la décomposabilité des espèces conduisent à une réponse similaire à l’échelle des communautés, et si les traits de réponse peuvent également être considérés comme des traits d’effets pour la digestibilité et la décomposabilité des communautés.

Selon l’hypothèse de dominance, les propriétés de l’écosystème seraient expliquées par la valeur moyenne de traits de la communauté. Il a été montré que la digestibilité mesurée sur la communauté augmente sous l’effet de l’intensité des pratiques de gestion, et a été reliée négativement à la CWM LDMC et positivement à la CWM SLA, LNC, teneur en phosphore des feuilles (LPC) (Gardarin et al. 2014). Les CWM de traits de litière comme la teneur en N, le rapport C/N (Cortez et al. 2007) ou la teneur en hémicellulose (Fortunel et al. 2009) ont été utilisées pour expliquer la décomposition des communautés.

Certains traits d’effet pourraient expliquer la variation temporelle de propriétés des écosystèmes : la digestibilité de la matière organique mesurée sur des prairies à deux dates de l’année a été corrélée négativement à la CWM LDMC mesurée sur des graminées à la première date de récolte (Andueza et al. 2010). En effet, la baisse de digestibilité mesurée directement à l’échelle de la communauté a été reliée à la baisse des teneurs en protéines et à la hausse des fibres (lignine, cellulose) mesurées également au niveau de la communauté (Perez Corona et al. 1995). A terme, ceci entraîne des prairies fertilisées à digestibilité inférieure à celle de prairies non fertilisées (Duru et al. 1998) (Fig. 10). Cette baisse de digestibilité au cours de la saison peut être très variable et impactée également par la sévérité et la fréquence du pâturage (Garcia et al. 2003; Kuusela 2004). Des changements d’intensité de défoliation induisent une baisse de CWM digestibilité des feuilles, associée à une augmentation de la densité des tissus (LDMC, teneur en carbone des feuilles (LCC)) (Louault et al. 2005). Il est donc nécessaire d’étudier la digestibilité sur plusieurs saisons et à différents moments de la saison pour suivre son évolution et avoir une détermination plus fine de cette propriété (Ansquer et al. 2009), en lien avec les variations de traits.

Les perturbations influencent également les CWM LDMC qui diminuent conjointement à l’augmentation des CWM LNC, et induisent des décomposabilités des litières des communautés plus élevées (Fortunel et al. 2009). Le remplacement des espèces au cours

de successions après abandon entraîne des variations des CWM de traits (Quested et al. 2007) : les communautés présentent une augmentation des CWM LDMC et C/N associée à une diminution des CWM SLA avec l’âge depuis l’abandon. Ces communautés connaissent donc une accumulation de litière plus élevée (Quétier et al. 2007) qui engendre la diminution de la fertilité de ces milieux (Lavorel et Grigulis 2012), et en réponse celle de la décomposition des litières de ces communautés.

La fiabilité de la prédiction par ce changement d’échelle a été vérifiée pour la décomposabilité des litières, mais jamais pour la digestibilité. Tardif et Shipley (2013) ont comparé la CWM issue de communautés monospécifiques à celle de mélanges de litières pour des arbres dans une expérimentation en microcosmes. Cette hypothèse a également été vérifiée le long d’un gradient climatique afin de comparer la mesure et la prédiction par CWM de la décomposition de mélanges de litières d’espèces herbacées en jardin expérimental (Tardif et al. 2014). Il s’agirait donc d’étendre ces validations sur des communautés plurispécifiques en conditions naturelles pour vérifier que le changement d’échelle entre la mesure et la prédiction de la digestibilité est fiable, et ainsi valider l’hypothèse de dominance pour ces deux propriétés.

3.3. Lien entre digestibilité et décomposabilité : extension de l’hypothèse de l’« effet post-mortem » à la communauté

Les relations entre digestibilité et décomposabilité mises en évidence à l’échelle de l’espèce devraient donc se répercuter à l’échelle de la communauté. L’hypothèse de l’« effet post-mortem » (Grime et Anderson 1986) a déjà été validée à l’échelle de la communauté puisque certains traits mesurés sur le matériel vert ont présenté un bon pouvoir prédictif des vitesses de décomposition des litières des communautés, tels que la LDMC (Cornwell et al. 2008; Fortunel et al. 2009) ou la LNC (Cornwell et al. 2008; Fortunel et al. 2009; Bakker et al. 2011).

Des résultats similaires à ceux obtenus à l’échelle de l’espèce ont été mis en évidence à l’échelle des communautés : des CWM LDMC élevées ont été reliées à une faible digestibilité des communautés d’un côté (Ansquer et al. 2009; Andueza et al. 2010; Gardarin et al. 2014), et à une faible décomposition des communautés de l’autre (Fortunel et al. 2009). Néanmoins, cette relation n’a pas été vérifiée sur ces deux propriétés au sein d’une même étude. White et al. (2004) ont établi une relation positive entre digestibilité et décomposabilité des communautés sans mesurer les traits des espèces. Il s’agirait donc d’aller plus loin que cette étude en intégrant l’utilisation des traits.

46 Figure 11. Schéma récapitulatif du projet scientifique avec position des chapitres de la thèse. Deux chapitres ont concerné l’échelle de l’espèce : le chapitre 1 est centré sur l’étude de la digestibilité et des traits mesurés sur matériel vert ; le chapitre 2 correspond à la fois à l’étude de la digestibilité et de la décomposabilité en lien avec les traits provenant du matériel vert et de la litière. Le chapitre 3 portant sur l’échelle de la communauté, est découpé en deux parties : le chapitre 3A s’intéresse au changement d’échelle de la digestibilité alors que le chapitre 3B étudie la digestibilité et la décomposabilité, en lien avec les traits.

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