• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Filières conventionnelles de traitement des eaux résiduaires urbaines

2.2 Le traitement primaire

2.2.1 Les procédés existants

La filière primaire a pour objectif l’élimination des MES et de la pollution colloïdale. Cette étape est la plus classique dans les STEP. On distingue les procédés de décantation classique et physico-chimique. Le système de décantation en lui-même peut être lamellaire ou conventionnel.

a) Décantation classique

Le phénomène de décantation est directement régit par la vitesse de Hazen ou vitesse ascensionnelle, puisque toute particule ayant une vitesse de sédimentation supérieure à celle-ci sera retenue par l’ouvrage (Gaïd 2008). Elle se définit par le débit traversant l’ouvrage divisé par la surface du décanteur. Il suffit alors de se placer dans une configuration où la vitesse de Hazen est assez faible pour permettre aux particules de décanter, et donc sélectionner une surface assez grande pour cela. Dans cette configuration, la surface réelle du décanteur est la même que la surface disponible pour la décantation. Il existe différents types de décanteurs classiques dont le sens d’écoulement et la disposition adoptée pour l’évacuation des boues

Dégrillage Dessablage Déshuilage Décantation Floculation Coagulation Boues activées Biofiltration BRM Traitement des boues Oxydation Charbon actif Filtration Milieu naturel Eaux usées : domestiques et industrielles

Prétraitement Primaire Secondaire

Tertiaire

Eaux de pluie et de ruissellement

diffèrent. On distingue alors le décanteur horizontal avec raclage des boues, du décanteur cylindro-conique et du décanteur circulaire à raclage de boues.

b) Décantation physico-chimique

Alors que les MES décantent naturellement, les colloïdes sont relativement stables et il est nécessaire de les déstabiliser pour modifier leur état physique, par ajout d’un coagulant comme le chlorure ferrique (FeCl3) ou le chlorure d’aluminium (AlCl3), dans un réacteur agité à brassage rapide. L’ajout d’un flocculant (polymère) permettra ensuite d’agglomérer l’ensemble en flocs décantables. L’ajout de ces réactifs augmente fortement la qualité du traitement (Gaïd 2008). Le coagulant réagit également avec les ions phosphates (PO43-) présents dans l’eau, pour former des précipités (FePO4 ou AlPO4), et élimine ainsi une partie de la pollution phosphatée (Canler et Perret 2007).

c) Décantation lamellaire

La décantation lamellaire s’appuie sur l’ajout de lamelles au cœur du décanteur afin d’augmenter la surface projetée au sol artificiellement et améliorer la décantation sans pour autant augmenter la taille de ce dernier. Ces lamelles doivent permettre d’apporter une surface projetée au sol maximale tout en permettant aux particules qui les percutent de glisser vers le sol sous l’effet de la pesanteur, d’où leur inclinaison (Canler et Perret 1994). Généralement l’angle d’inclinaison par rapport à l’horizontale est de 45 à 60° et l’espacement entre les plaques de 10 à 20 cm (Boeglin 2002). Le principal avantage de la décantation lamellaire réside dans sa compacité par rapport à un décanteur classique, ce qui est très intéressant notamment en zones fortement urbanisées comme l’agglomération parisienne.

Différents procédés clés en main de décantation physico-chimique lamellaire existent, mais les plus répandus en STEP sont les procédés Actiflo® d’OTV et Densadeg® de Degrémont (Figure I-2). Leur principe général est le même : un réacteur de coagulation, suivi d’un réacteur de flocculation, puis d’un bassin de décantation lamellaire.

Figure I-2 : Schéma du procédé de décantation physico-chimique lamellaire Densadeg® (Gaïd 2008)

La différence entre les deux procédés réside principalement dans l’ajout de micro-sable en plus du polymère au sein du procédé OTV, censé augmenter la surface d’échange et donc améliorer la flocculation. Le micro sable permet de lester les flocs. Cela permet l’application d’une vitesse de passage plus élevée. Une autre différence notable est la présence d’une

chambre de pré décantation, ou épaississement, dans le procédé Degrémont. Dans ces deux procédés, les boues décantées sont réinjectées afin de favoriser la formation de particules plus grosses qui décantent plus rapidement. Cette recirculation permet d’améliorer la capture des MES fines et procure une meilleure flocculation (Canler et Perret 2007).

2.2.2 Processus d’abattement au sein des traitements primaires

Le processus principal d’abattement des micropolluants dans un procédé primaire est la rétention des particules sur lesquelles il y a sorption. En effet, la décantation des MES permet de retenir une part importante des polluants hydrophobes et adsorbables (Byrns 2001, Gasperi et al. 2010). Les principales voies de sorption sur les particules proviennent des relations d’hydrophobicité ou d’interactions électrostatiques avec les particules (adsorption) (Carballa et al. 2005).

Dans le cas d’une décantation physico-chimique, l’ajout d’un coagulant permet de déstabiliser certaines molécules dissoutes dans l’eau. L’ajout d’un polymère organique (flocculant), dans un bassin à agitation lente, provoquera par la suite l’agglomération des colloïdes déstabilisés autour de celui-ci, les rendant facilement décantables. Les mécanismes d’agrégation des particules et colloïdes provoqués par la coagulation-flocculation sont multiples et représentent une combinaison de la neutralisation de charges, l’adsorption, le piégeage et la complexation en matières insolubles avec les ions du coagulant (Duan et Gregory 2003). Etant donné les interactions existant entre les colloïdes et les micropolluants (Alexander et al. 2012), une élimination partielle de certains composés peut être attendue par la coagulatio- flocculation, mais ce phénomène reste mal connu.

Enfin, on peut considérer qu’une volatilisation résiduelle peut potentiellement avoir lieu dans ces procédés en cas de bassins ouverts, permettant aux molécules volatiles de passer en partie dans le compartiment atmosphérique, mais ce processus ne semble pas être significatif dans l’élimination globale des polluants. La volatilisation des micropolluants volatils a d’ailleurs été identifiée comme un processus d’élimination ayant lieu au sein des STEP (Mozo et al. 2012, Pomiès et al. 2013), mais plutôt au cours des traitements biologiques à aération.

En conclusion, la rétention des particules sur lesquelles les polluants sont sorbés semble être le mécanisme principal d’élimination des micropolluants dans un ouvrage de traitement primaire. Il peut potentiellement être favorisé par la coagulation/flocculation.

2.2.3 Efficacité des traitements primaires

a) Paramètres globaux de la qualité des eaux usées

Quelle que soit la configuration du décanteur, la coagulation-flocculation-décantation permet d’atteindre des abattements de 70-90% en MES, 50-75% en DCO (demande chimique en oxygène), 55-80% en DBO5 (demande biologique en oxygène à 5 jours), 10-30% en NTK (azote total Kjeldahl) et d’assurer une concentration résiduelle de sortie en phosphore total (TP) inférieure à 1-2 mg/L (Gaïd 2008). De façon similaire, (Odegaard 1992) rapportent des abattements typiques observés en Norvège avec ce procédé de l’ordre de 73% pour la DCO, 81% pour la DBO5, 65% pour le carbone organique total, 91% pour les MES, de 94% pour le TP et 28% pour l’azote global (NGL). Ces très bonnes performances sur les MES, la DCO et

la DBO5 sont également confirmés dans plusieurs études disponibles dans la littérature (Gasperi

et al. 2012, Rocher et al. 2012, US-EPA 2003).

En comparaison, la décantation classique permet en général l’abattement de 50 à 65% des MES et de 20 à 35% de la DBO5 (Gaïd 2008). Ainsi, il est clair que la décantation physico-chimique lamellaire est plus performante sur les paramètres globaux que la décantation classique sans réactifs.

b) Micropolluants

Il a été traditionnellement admis dans la littérature que la décantation physico-chimique était inefficace pour éliminer les contaminants organiques à l’état de traces (Alexander et al. 2012), même s’il faut noter que la configuration actuelle de ces procédés ainsi que les coagulants utilisés n’ont pas été sélectionnés spécifiquement dans le but d’abattre ces polluants, ce qui laisse des possibilités d’amélioration.

La sorption sur les particules représente le processus d’élimination majoritaire des micropolluants dans ce type de procédés. Ainsi il est logique que le traitement primaire permette de bien abattre les molécules hydrophobes (log KOW > 4), qui ont tendance à se sorber sur les particules ou les boues, étant donné l’efficacité de la décantation sur l’élimination des MES.

(Gasperi et al. 2012) ont étudié le procédé de décantation physico-chimique lamellaire lestée de la STEP de Seine Aval. Ils ont montré que les métaux ainsi que les composés organiques très hydrophobes (log KOW > 5,5) comme les HAPs, le DEHP, les PCBs ou les PBDEs sont très bien éliminés (> 80%) alors que les composés hydrophiles ou faiblement hydrophobes (log KOW < 4) sont globalement faiblement abattus (< 20% ou < 50%). Les composés d’hydrophobicité intermédiaire (4 < log KOW < 5,5) sont plutôt moyennement abattus (entre 50 et 80%). Cependant, la variabilité des résultats dans la phase dissoute est importante d’une molécule à une autre, probablement à cause de la fraction de polluants liée ou non à la phase colloïdale.

(Alexander et al. 2012) ont réalisé une revue des travaux portants sur l’élimination des polluants émergents par la filière primaire de coagulation-flocculation et ont synthétisé les résultats d’abattement pour des résidus pharmaceutiques et produits de soins personnels (PPCPs), des pesticides, des HAPs ou des phtalates (Tableau I-1). Dans la famille des PPCPs, ils ont identifié une grande hétérogénéité dans l’efficacité d’élimination. Certaines molécules peuvent être abattues significativement, comme le bêtaxolol, les fragrances ou la warfarine (80%), mais la plupart sont abattues faiblement voire pas du tout, notamment les broncho- dilatateurs, la plupart des bêtabloquants et des anti-inflammatoires, ainsi que certains antibiotiques. Ainsi, parmi les molécules les plus étudiées dans les eaux usées, le diclofénac peut être éliminé de 8 à 77% en fonction du coagulant et de la configuration, l’ibuprofène à moins de 50%, le sulfaméthoxazole à moins de 33%, la carbamazépine à moins de 30% ou l’érythromycine à 33% (Alexander et al. 2012). De même, les hormones et les pesticides semblent résistants à ce traitement, avec des abattements inférieurs à 20% quel que soit le coagulant utilisé. Au contraire, les fragrances semblent bien réagir à ce traitement avec des abattements trouvés dans la littérature de plus de 70% pour le tonalide et plus de 60% pour le galaxolide (hydrophobes). L’ensemble de ces résultats est plutôt cohérent avec les niveaux d’hydrophobicité des molécules et leur répartition entre phase particulaire et dissoute, les molécules hydrophobes étant bien abattues du fait de l’abattement de la phase particulaire, et l’abattement résiduel des molécules dissoutes étant probablement dû à l’abattement des

colloïdes. Par contre, le DEHP est moyennement éliminé (53%) et les deux HAPs (chrysène et benzo[a]anthracène) sont plutôt faiblement abattus. Ceci est plutôt surprenant étant donné leur caractère fortement hydrophobe qui laisserait penser à un fort abattement.

Tableau I-1 : Abattement moyen de différentes familles de molécules par traitement physico- chimique (Alexander et al. 2012)

Groupe Famille Abattement

moyen (%) Ecart- type Composés à abattement > 50% n* Résidus pharmaceutiques Analgésiques/anti- inflammatoires 35 23 Acétaminophène, diclofénac 7 Antibiotiques 39 22 Minocycline, meclocycline- sulfosalicyclate, chlortétracycline, democlocycline 6

Bêtabloquants 34 25 Doxazosine, bêtaxolol 2

Cardiaques 64 24 Clopidogrel, hydro-

chlorothiazide, warfarine 2 Psychiatriques 32 39 Chlordiazepoxide, zolpidem, bromazépam 6 Stimulants 34 34 Amphétamine 3 Pulmonaires 6 7 - 1 Hypolipémiants 26 15 - 2

Muscs 77 10 Tonalide, galaxolide,

celestolide 1 Hormones 19 12 - 3 Pesticides 30 13 - 2 HAPs 30 5 - 1 Phtalates 49 4 DEHP 1 n : nombre de références.

Bien que l’hydrophobicité soit un paramètre crucial dans l’abattement des micropolluants par la filière primaire, expliquant le comportement de beaucoup de molécules, une corrélation claire entre le log KOW et l’abattement, montrant que ce paramètre est le seul facteur explicatif, n’existe pas. Certaines molécules hydrophiles sont bien abattues (bêtaxolol) alors que des molécules hydrophobes sont faiblement abattues (bezafibrate). Ainsi, les propriétés physico-chimiques des molécules, le pH, l’alcalinité, la température, le type de coagulant ou sa dose peuvent également expliquer les résultats (Alexander et al. 2012).

(Manoli et Samara 2008) ont montré pour 15 HAPs qu’ils étaient abattus à des taux compris entre 30 et 70% par la décantation classique, notamment le chrysène à 55%, les benzo[b] et benzo[k]fluoranthènes à 50% et le naphtalène à 30%.

Le programme AMPERES a également permis de déterminer l’efficacité des traitements primaires de STEP de différentes tailles (de 300 à 700 000 EH) sur un large panel de micropolluants. (Choubert et al. 2011) ont déterminé que la décantation classique ou physico- chimique permettait un premier abattement d’un tiers des molécules testées (20 substances prioritaires + 73 émergentes) pour lesquelles il est possible de calculer une efficacité. Les substances sorbables, comme les PBDEs, les chloroalcanes, les HAPs et plusieurs métaux (dont Al, Cu, Zn et Pb) sont particulièrement bien éliminées avec des abattements supérieurs à 70%. Les auteurs ont également déterminé que pour la majorité des molécules, l’abattement du traitement primaire était inférieur à celui du traitement secondaire biologique d’au moins 30%. Ces résultats d’abattements sont en accord avec l’analyse de la littérature effectuée par (Ruel et

Documents relatifs