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Chapitre III : Traitement tertiaire des eaux résiduaires urbaines par charbon actif

2.1 Théorie de l’adsorption

L'adsorption est un processus physique ou chimique, au cours duquel une substance adsorbée (adsorbat) vient se lier à la surface d'un matériau (adsorbant) par des liaisons qui peuvent être de différentes natures (Meunier et Sun 2003). En termes énergétiques, l'adsorption est un phénomène exothermique alors que la désorption est endothermique.

L'adsorption physique ou physisorption a lieu lorsque les molécules sont liées à la surface solide par des forces de type Van der Waals (essentiellement des liaisons de type hydrogène) et/ou par des forces électrostatiques dues à la polarité de la molécule et la structure ionique de l'adsorbant. Il s'agit d'un phénomène réversible avec des liaisons faibles. Au contraire, l'adsorption chimique ou chimisorption implique des interactions chimiques entre la surface et la molécule, se traduisant par un échange d'électrons, par l'intermédiaire de liaisons de valence ou de covalence. Ce phénomène est peu réversible suite à l’établissement de liaisons fortes (Meunier et Sun 2003).

Il existe différents types de matériaux poreux ayant des propriétés adsorbantes. Dans leur application industrielle, ils peuvent être séparés en quatre grandes familles : les charbons actifs, les zéolithes, les gels de silice et les alumines activées. La famille la plus utilisée est celle des charbons actifs obtenus à partir d'un ensemble assez large de matériaux carbonés comme le bois, le charbon ou la noix de coco (Meunier et Sun 2003). Ces adsorbants sont aussi bien utilisés en phase liquide qu'en phase gazeuse, bien qu'il ne s'agisse pas exactement du même type de charbon pour les deux applications (différence dans la distribution et la taille des pores). Ils sont caractérisés par une surface très poreuse (surface spécifique entre 400 et 2000 m2/g), permettant une surface de contact très élevée par rapport à l’encombrement du matériau. Cela se manifeste par la présence de macropores (> 50 nm), de mésopores (20-50 nm) et de micropores (< 20 nm), primaires (< 8 nm) et secondaires (8-20 nm), dont la répartition et la taille va influencer le phénomène, puisque les sites d’adsorption se trouvent majoritairement dans la partie microporeuse (méso et micropores), sauf pour les très grosses molécules (Cecchetti 2006). Par exemple, (Ebie et al. 2001) ont déterminé la répartition volumique (en %) des pores de trois charbons actifs, le GW-8/20 et le KW-8/16 de Kurare Chemicals (charbons A et C), et le S70 de Mitsubischi Chemicals (charbon B) (Tableau III-1).

Tableau III-1 : Répartitions de tailles de pores au sein de charbons actifs(Ebie et al. 2001)

0 - 15 nm 15 - 30 nm 30 - 50 nm 50 - 300 nm

Charbon A 76,9 % 11,9 % 3,8 % 7,4 %

Charbon B 41,7 % 32,1 % 6,0 % 20,2 %

Charbon C 23,9 % 65,9 % 8,5 % 1,6 %

2.1.1 Isotherme d’adsorption

L'équilibre d’adsorption se caractérise par des isothermes d’adsorption donnant la répartition du composé entre l'adsorbant et la phase fluide à l’état stable. Il existe différentes allures d’isothermes, décrivant des configurations et des lois d'adsorption différentes. Ces courbes d'équilibre sont déterminées expérimentalement pour chaque composé individuellement, mais il existe plusieurs modèles prédictifs pour les substances (Meunier et Sun 2003) dont les plus connus sont :

 Modèle linéaire, relation linéaire valable pour de très faibles concentrations,

 Modèle de Langmuir, valable pour une surface d'adsorption énergétiquement homogène et les adsorptions monocouche,

 Modèle de Freundlich, valable pour des adsorbants à surfaces hétérogènes,

 Modèle de Brunauer, Emmett et Teller (BET), valable pour les adsorptions multicouches.

Le Tableau III-2 donne les relations mathématiques caractérisant les modèles de Freundlich et Langmuir (Meunier et Sun 2003). Ces deux modèles sont les plus utilisés dans la littérature pour décrire l’adsorption des micropolluants en phase liquide (Gupta et al. 2011, Hameed et al. 2007, Ji et al. 2010, Kovalova et al. 2013, Nam et al. 2014, Nowotny et al. 2007, Tahar et al. 2013, Yu et al. 2008).

Tableau III-2 : Equations des modèles de Freundlich et Langmuir

Modèle de Freundlich Modèle de Langmuir

𝒒𝒆 = 𝑲𝑭× 𝑪𝒅𝒊𝒔𝒔𝒐𝒖𝒕𝒆𝟏 𝒏⁄ 𝑞 = 𝑞𝑚𝑎𝑥

𝑏 × 𝐶 1 + 𝑏 × 𝐶

q = quantité adsorbée (µg/g) ; KF et 1/n = constantes de Freundlich ; C = concentration dissoute (µg/L) ; qmax = quantité maximale adsorbée (µg/g) ; b = constante prenant en compte l’énergie de liaison

La Figure III-1 montre l’allure de plusieurs isothermes d’adsorption, représentées avec les modèles de Freundlich, Langmuir et linéaire.

Figure III-1 : Isothermes d’adsorption, représentées avec les modèles de Freundlich, Langmuir et linéaire

Dans le cas de mélanges, il faut également connaître les isothermes de coadsorption, puisque les différents composés n'ont pas nécessairement les mêmes capacités et cinétiques d'adsorption. Certaines molécules seront adsorbées en priorité, d'autres plus difficilement, donnant lieu à une adsorption compétitive. Il faut également ajouter les phénomènes de diffusion interne et externe au sein de l'adsorbant, qui vont impacter la cinétique d'adsorption (Meunier et Sun 2003).

2.1.2 Equilibre et cinétique

Globalement, le modèle de Freundlich convient bien pour définir le comportement des adsorbants vis-à-vis des molécules organiques dans l’eau (Metcalf et Eddy 2003). L’adsorption est alors régit par l’équation suivante :

𝐶𝑙𝑖é𝑒[𝑚𝑔 𝐿 ] = 𝐶𝐶𝐴× 𝐾𝐹× 𝐶𝑑𝑖𝑠𝑠𝑜𝑢𝑡𝑒1 𝑛 ⁄ ; Équation III-1 𝑞𝑒[ 𝑚𝑔 𝑚𝑔𝐶𝐴] = 𝐶𝑙𝑖é𝑒 𝐶𝐶𝐴 = 𝐾𝐹× 𝐶𝑑𝑖𝑠𝑠𝑜𝑢𝑡𝑒 1 𝑛⁄ ; Équation III-2

Dans la littérature, la plupart des travaux de modélisation utilisent les modèles de Freundlich ou Langmuir. (Delgado et al. 2012), dans leur revue de l’abattement des composés pharmaceutiques et perturbateurs endocriniens par adsorption sur charbon actif, recensent un ensemble de travaux ayant déterminé les constantes caractérisant ces modèles pour différents composés. Pour l’ensemble des molécules répertoriées, le modèle de Freundlich a été appliqué et validé dans au moins une étude, tandis que le modèle de Langmuir est utilisé plus rarement. Le passage en échelle logarithmique népérien des isothermes de Freundlich (qe vs Cdissoute) permet par ailleurs de les linéariser, avec une pente 1/n et d’ordonnée à l’origine ln KF, facilitant l’exploitation et la comparaison des différents équilibres.

Cependant, les isothermes d’adsorption ne sont pas suffisantes pour dimensionner un adsorbeur, les cinétiques d’adsorption sont également nécessaires afin de déterminer le temps de contact optimal entre adsorbant et adsorbat. Ces courbes s’obtiennent en traçant l’évolution de la concentration en composé en fonction du temps, pour différentes concentrations initiales. Généralement, elles tendent vers une quantité maximale adsorbée qui représente la capacité d’adsorption idéale de l’adsorbant. La cinétique d’adsorption sur matériau microporeux est contrôlée par quatre étapes ayant une importance différente en fonction de la configuration (Meunier et Sun 2003) :

Transfert de masse externe (résistance de surface) : diffusion de la molécule dans le fluide et traversée de la couche limite liquide autour des grains ou particules pour atteindre la surface externe, pouvant intervenir par diffusion moléculaire simple (à travers le fluide et la couche limite) ou par turbulence en cas d’agitation (à travers le fluide),

Transfert de masse interne macroporeux : diffusion interne des molécules à travers les macropores, généralement en phase fluide,

Transfert de masse interne microporeux : diffusion interne des molécules à travers les réseaux microporeux, passage de sites en sites (migration de surface) depuis les zones fortement concentrées en composé jusqu’aux zones faiblement concentrées. La Figure III-2 représente les différentes étapes de l’adsorption sur particule poreuse (Çeçen et Aktas 2012).

Figure III-2 : Représentation du phénomène d'adsorption et des différentes étapes de la cinétique (Çeçen et Aktas 2012)

Ainsi, seule la première phase dépendra de la configuration du procédé choisi, puisque les trois autres sont internes à l’adsorbant et ne dépendent que des propriétés du charbon et de la molécule. La plupart du temps, la diffusion de surface (transferts microporeux) est reconnue comme l’étape limitante de la cinétique, même si, dans des proportions beaucoup moins importantes, la diffusion dans les pores (transferts macroporeux) contrôle également la cinétique. Cependant, en cas de réaction chimique au moment de l’adsorption, modifiant la nature de la molécule, la cinétique d’adsorption intrinsèque peut devenir l’étape limitante. Ce n’est généralement pas le cas pour l’adsorption des micropolluants en phase aqueuse sur charbon actif (Çeçen et Aktas 2012).

La Figure III-3, tirée de l’étude de (Gupta et al. 2011), illustre la représentation des cinétiques d’adsorption pouvant être réalisées par des expériences en laboratoire.

Figure III-3 : Représentation de cinétiques d'adsorption sur charbon actif (Gupta et al. 2011)

Le trait en pointillés rouges représente le temps de contact à partir duquel la concentration adsorbée n’évolue plus, il s’agit donc du temps d’équilibre. Pour minimiser la consommation de charbon actif, le choix du temps de contact d’équilibre comme temps de contact opératoire est une bonne solution.

La cinétique d’abattement des micropolluants par le CAP dans l’eau est dominée par la diffusion interne et non par l’adsorption intrinsèque (instantanée) et la diffusion externe. En effet, l’homogénéisation réalisée au sein du réacteur permet une mise en contact permanente des particules et des polluants. Il est alors possible de l’estimer grossièrement à l’aide d’une cinétique de transfert de masse de premier ordre (Équation III-3), plus ou moins réaliste selon le cas (Qiu et al. 2009). Cependant des modèles plus complexes, prenant en compte les différentes étapes, ont été développés.

𝑣 =−𝑑𝐶

𝑑𝑡 = 𝑘 × (𝐶0− 𝐶) ;

Équation III-3

Ainsi, la connaissance des isothermes de Freundlich et des cinétiques d’adsorption permet de déterminer la quantité maximale adsorbée de polluant, et le temps nécessaire pour atteindre l’équilibre. Ces paramètres permettent de calculer et de choisir les temps de contact et doses de charbon actif injectées pour dimensionner le procédé.

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