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PARTIE 1: Généralités

2. Prise en charge thérapeutique et suivi de la pathologie

2.2. Stratégies thérapeutiques

2.2.1. Traitement préventif

Largement utilisé chez les patients transplantés d'organes solides, le traitement préventif du CMV permet de diminuer le risque de mortalité, de développement de maladie invasive des tissus et d'apparition d'effets indirects du CMV. Deux stratégies sont aujourd'hui utilisées (23) :

- Le traitement prophylactique qui vise à prévenir l'infection chez les receveurs les plus à risques.

- Le traitement préemptif qui prévient l'apparition des symptômes de la maladie à CMV chez un receveur qui a développé une infection active à CMV.

2.2.1.1. Le traitement prophylactique

Il consiste à administrer les molécules antivirales chez tous les patients "à risque". Le traitement est commencé très rapidement après transplantation (dans les 10 premiers jours) et maintenu pendant au moins 3 à 6 mois. (47)

L'efficacité du traitement prophylactique par rapport à l'absence de traitement ou à l'utilisation d'un placebo a été évaluée. Il apparait que le risque de maladie à CMV, d'infections à CMV et de toute cause de mortalité est significativement diminué. De plus, le traitement prophylactique réduit l'incidence des maladies à HSV ou VZV ainsi que celle des maladies bactériennes ou parasitaires (mais non fongiques). Le risque de rejet de greffe ou de perte du greffon est également diminué. (48)

On dénombre cinq molécules utilisées dans le traitement prophylactique : le valganciclovir, le ganciclovir IV, le ganciclovir oral, l'aciclovir et le valaciclovir. Il a été montré que l'aciclovir, utilisé en prophylaxie, avait une moins bonne efficacité que le ganciclovir avec notamment une incidence augmentée des maladies et infections à CMV et des rejets de greffe. (49) L'utilisation du valganciclovir ou du ganciclovir par voie orale en prophylaxie chez des patients D+/R- ne montre pas de différences significatives. (50) C'est donc le valganciclovir à la posologie de 900mg/jour qui est

recommandé en première ligne dans le traitement prophylactique des transplantés d'organes solides (24). Il est à noter que cette posologie est à adapter à la fonction rénale du patient. Le risque d'infection à CMV variant en fonction de l'organe transplanté, le traitement utilisé doit également prendre en compte le type de greffe.

Tableau 5: Recommandations internationales sur les molécules à utiliser en prophylaxie de l'infection à CMV

chez les patients transplantés d'organes solides (en fonction du type de greffe). (24) Valganciclovir Ganciclovir IV Valaciclovir

fortes doses +/- immunoglobulines IV Rein X X X Pancréas X X Foie X X Coeur X X X Poumons X X X Composites vascularisés: mains, visage ... X X X Intestins X X X

Une autre problématique est la durée de traitement : combien de temps après transplantation le traitement prophylactique doit-il être poursuivi? Chez des transplantés rénaux D+/R-, l'efficacité d'un traitement prophylactique par valganciclovir pendant 200 jours a été comparée à celle du même traitement conduit pendant seulement 100 jours. Il a alors été montré que l'incidence des maladies tardives à CMV étaient significativement diminuée après 200 jours de traitement par rapport à 100 jours (16,1% vs 36,8%, un an après l'arrêt du traitement). (51) De même, chez des transplantés pulmonaires, les patients ayant reçu 12 mois de traitement antiviral ont présenté moins de maladies (4% vs 32%) et d'infections (10% vs 64%) à CMV que ceux ayant reçu 3 mois de traitement. Un traitement prophylactique par valganciclovir pendant 12 mois chez les transplantés pulmonaires diminue l'incidence et la sévérité de la maladie à CMV sans favoriser les résistances et toxicités au ganciclovir. (52)

Il est important d'adapter les durées de traitement aux facteurs de risque d'infection à CMV (type de greffe et statut du donneur et du receveur) :

Tableau 6: Durées recommandées pour le traitement prophylactique du CMV chez les transplantés d'organes

solides en fonction du type de greffe et du statut donneur/receveur. (24)

D+/R- (D+ ou D-)/R+ D-/R-

Reins 6 mois 3 mois

Prophylaxie non recommandée :

faible risque de développer la

maladie.

Foie 3 à 6 mois 3 mois

Cœur 3 à 6 mois 3 mois

Pancréas 3 à 6 mois 3 mois

Composites vascularisés

Minimum 6 mois 3 à 6 mois

Intestins Minimum 6 mois 3 à 6 mois

Poumons 6 à 12 mois Minimum 6 mois

2.2.1.2. Le traitement préemptif

Le traitement préemptif est débuté lorsque le diagnostic d'infection active a été porté et que le niveau de réplication virale, évalué par PCR ou par détection de l'antigénémie pp65, expose le receveur au risque de développer à court terme une maladie à CMV. Il nécessite donc un suivi biologique régulier du patient après transplantation. Le but est de traiter l'infection à CMV en phase précoce, avant que la maladie et ses symptômes ne se développent. L'efficacité du traitement préemptif dans la réduction de l'incidence de la maladie à CMV chez les transplantés d'organes est démontrée. (53)

Les molécules recommandées dans cette stratégie préventive sont le valganciclovir 900 mg/12h ou le ganciclovir IV 5 mg/kg/12h. (47) Les deux antiviraux ont en effet montré leur efficacité. (54)

L'un des problèmes de cette méthode réside dans le fait qu'il existe une grande variabilité de méthodes de suivi de la réplication virale. Aucune valeur seuil de charge virale au-delà de laquelle le traitement doit être instauré n'a été définie. Chaque laboratoire doit développer et valider son propre protocole et choisir une valeur seuil la plus juste possible en tenant compte du fait que le virus a une réplication rapide. La mesure de la charge virale doit se faire au moins une fois par semaine pendant 3 à 4 mois après la transplantation. (24) Le traitement est débuté dès lors que la charge virale atteint la valeur seuil et est à interrompre seulement après l'obtention de deux charges virales négatives à 2 semaines d'intervalle. (24)

2.2.1.3. Traitement prophylactique versus traitement préemptif

Tableau 7 : Avantages et inconvénients des traitements prophylactiques et préemptifs à CMV. (43) (24)

Paramètres Traitement préemptif Traitement prophylactique

Prévention des maladies à CMV Bonne efficacité (un peu moins efficace dans populations à haut risque).

Bonne efficacité.

Coûts Dépenses de laboratoire élevées. Dépenses en traitements antiviraux élevées.

Facilité d'utilisation Difficultés à coordonner les manipulations laboratoire, les résultats et l'initiation du traitement.

Plus facile à coordonner. Ne pas oublier de surveiller les toxicités médicamenteuses.

Toxicités médicamenteuses Faibles Elevées

Protection contre les autres herpes virus (HSV, VZV)

Non Oui

Prévention du rejet de greffe Non connu Oui

Perte du greffon Incidence diminuée Incidence diminuée

Développement de l'immunité spécifique anti-CMV

Oui Non

Incidence des maladies tardives à CMV

Faible Elevée chez les D+/R-.

Résistance aux antiviraux Possible mais peu fréquente. Possible mais peu fréquente.

Echappement au traitement préventif et développement de l'infection à CMV

Possible car réplication très rapide du virus.

Non sauf chez des patients qui recevraient des doses insuffisantes de traitement antiviral.

Chaque méthode possède ses avantages et inconvénients :

- Le traitement prophylactique est simple d'administration, il a pour avantage de protéger le patient des autres infections aux herpes virus (VZV, HSV) et il diminue significativement l'incidence des effets indirects du CMV comme le rejet de greffe. (47)

Cependant, l'utilisation au long cours des molécules antivirales expose à la iatrogénie et il a été montré qu'une fois le traitement prophylactique achevé, il existe un risque de maladie tardive à CMV de moins bon pronostic (55) (56).

- Le traitement préemptif, compte tenu d'une durée plus courte de traitement, engendre moins de toxicité médicamenteuse et un coût de traitement moins élevé. De plus, il permet de laisser le patient développer son immunité spécifique anti-CMV.

Cependant, il peut être difficile de mettre en place une coordination efficace entre les techniques de suivi au laboratoire et le suivi clinique du patient pour débuter le traitement au bon moment. Avec un traitement préemptif, les dépenses de laboratoire sont plus élevées et le patient ne possède pas de protection contre les autres herpes virus (HSV et VZV). Enfin, l'absence de valeur seuil recommandée représente un inconvénient majeur. (47)

Quelle méthode choisir ? Y a t-il une stratégie plus efficace que l'autre ? Avec un suivi régulier, les données actuelles ne permettent pas de suggérer qu'une stratégie est plus efficace que l'autre chez les transplantés d'organes solides à risque modéré ou faible (57) (58) (59) (60). De ce fait, le traitement prophylactique et le traitement préemptif sont deux stratégies préventives acceptables pour la prévention de la maladie à CMV. Cependant, compte tenu du manque de données actuelles et du risque élevé de développer rapidement une maladie à CMV, le consensus international privilégie la méthode prophylactique à la méthode préemptive pour les patients à haut risque (thérapie anti-lymphocyte récente, patients infectés par le VIH, transplantés d'organes solides D+/R- à l'exception des transplantés rénaux et hépatiques). (24)

2.2.1.4. Rôle du traitement immunosuppresseur post-greffe

Choisir les bons immunosuppresseurs aux bonnes posologies pour le traitement antirejet post-greffe permettrait de diminuer le risque d'infections à CMV. Une étude menée de juin 2011 à mai 2013 a ainsi comparé l'utilisation concomitante de posologies réduites de tacrolimus et d'évérolimus par rapport à des doses standards de mycophénolate et tacrolimus. Dans le bras évérolimus, une diminution significative de l'incidence des infections à CMV (réduction de 90%) a ainsi été mise en évidence chez des transplantés rénaux ne recevant pas de traitement prophylactique (61). Des études antérieures avait déjà montré que l'utilisation de l'évérolimus à la place du mycophénolate était associée à moins d'infections à CMV chez les transplantés rénaux (62) et cardiaques (63).

2.2.1.5. Prévention de l'infection materno-fœtale

Elle repose essentiellement sur des règles d'hygiène de vie :

- Lavage fréquent des mains avec eau et savon pendant 15 à 20 secondes, spécialement après chaque change, chaque contact avec les urines (couches, pots, pyjamas...) ou contact avec la salive, les sécrétions nasales ou les larmes d'un jeune enfant.

- Ne pas finir les repas et les boissons d'un jeune enfant et ne pas sucer la cuillère ou la tétine.

- Ne pas partager les affaires de toilette d'un jeune enfant. - Ne pas embrasser un jeune enfant sur les lèvres.

- Limiter les contacts avec les jeunes enfants de moins de 3 ans spécialement si le statut sérologique est négatif ou inconnu.

L'application de ces règles simples permet de diminuer l'incidence des primo- infections à CMV chez la femme enceinte (64) (65).

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