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1. Introduction

1.7. Prise en charge thérapeutique

1.7.2. Traitement chirurgical

Quand le traitement pharmacologique ne produit plus l’effet nécessaire sur les symptômes moteurs ou quand les effets secondaires de la médication sont trop importants, d’autres alternatives peuvent être offertes aux personnes atteintes de la MP. Les premières thérapies chirurgicales pour le traitement des symptômes moteurs de la MP

25 ont été développées dans les années 1940 et consistaient en des thérapies ablatives. Ces thérapies visaient à altérer les structures sous-corticales suractivées dans la MP en y créant une lésion. Les principales cibles chirurgicales étaient le thalamus ventrolatéral (thalamotomie) ou le globus pallidus interne (pallidotomie). Ces interventions produisaient généralement des résultats positifs, principalement en diminuant les tremblements. Les effets étaient évidemment limités à l’hémicorps controlatéral au site lésionnel et les procédures bilatérales étaient généralement peu utilisées, compte tenu des risques associés. Avec l’avènement du traitement pharmacologique par L-dopa, la popularité des traitements chirurgicaux ablatifs a diminuée grandement, puisque ces derniers étaient associés à des taux élevés de mortalité et de comorbidité (Lyons, Nazzaro, & Pahwa, 2013).

Au début des années 1990, une nouvelle approche chirurgicale a été proposée pour diminuer les symptômes moteurs résistants au traitement pharmacologique. Ce traitement est connu sous le nom de la stimulation cérébrale profonde (SCP). Il consiste en l’implantation d’une ou de deux électrodes (implantation unilatérale ou bilatérale) dans une structure sous-corticale ciblée, reliée(s) par un fil à un stimulateur électrique placé sous la peau. Chaque électrode possède quatre zones de contact électrique pouvant stimuler précisément une région du noyau où elle a été implantée. Chaque électrode peut être configurée pour produire une stimulation électrique à voltage,

amplitude, fréquence ou largeur contrôlée. Le stimulateur peut également être désactivé complètement. Le but thérapeutique visé par la SCP est semblable à ceux qui étaient visés par les thérapies ablatives, soit l’altération des structures sous-corticales suractivées dans la MP. Par contre, l’avantage de la SCP réside dans sa réversibilité, dans la réduction des risques liés à l’intervention et dans le fait qu’elle peut être réalisée bilatéralement (Lyons et al., 2013).

Différentes cibles d’implantation ont été proposées depuis le développement de l’intervention. Les deux principales cibles sont le globus pallidus interne et le noyau sous-

Figure 5. Éléments implantés dans la stimulation cérébrale profonde, incluant les électrodes, les fils et le stimulateur électrique. Extrait de "Deep Brain Stimulation

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thalamique (NST). Plusieurs auteurs ont comparé l’efficacité des deux sites d’implantation sur la réduction des symptômes moteurs. De manière générale, leur efficacité est semblable et tous deux réduisent tous les symptômes moteurs principaux de la MP. La SCP du NST a toutefois l’avantage d’engendrer une réduction du dosage pharmacologique requis pour contrôler optimalement les symptômes moteurs de la maladie. Actuellement la cible d’implantation la plus fréquemment utilisée pour les patients atteints de la MP est le NST (Jourdain & Schechtmann, 2014). Bien que l’efficacité de la SCP soit démontrée et qu’elle améliore grandement la qualité de vie des patients, les effets positifs de l’intervention diminuent généralement après 5 ou 10 ans. De plus, son efficacité demeure limitée sur l’équilibre ainsi que sur les autres aspects de la maladie comme la dysphagie, l’humeur ou la parole (Lyons et al., 2013).

1.7.2.2. Impact sur les troubles de la parole

De plus en plus d’études portent sur l’impact de la SCP-NST sur les différentes composantes de la parole altérées dans la MP. Différents devis expérimentaux ont été proposés pour étudier la question. De manière générale, certaines études portent sur les changements longitudinaux se produisant à la suite de l’intervention (devis « Pré- intervention » vs. « Post-intervention ») alors que d’autres portent sur les changements induits par les stimulations cérébrales elles-mêmes (devis « On-stimulation » vs. « Off- stimulation »). Ces dernières sont généralement réalisées en recueillant les données alors que le stimulateur cérébral est en marche (« On-stimulation »), puis une seconde fois après avoir arrêté temporairement le stimulateur (« Off-stimulation ») pendant une période variant de 20 minutes à 1h.

La majorité des études relatives à l’impact de la SCP-NST sur la parole dans la MP portent sur la phonation. Pinto et ses collaborateurs (2004) rapportent une légère augmentation de l’intensité vocale des participants avec les stimulations électriques. Gentil et ses collaborateurs (2001) rapportent également une amélioration de la phonation avec les stimulations, principalement sur le plan de l’intensité vocale et du temps maximal de phonation. À l’inverse, Klosterman et ses collaborateurs (2008) rapportent une diminution de la qualité vocale et des habilités phonatoires générales avec les stimulations. Ces études montrent généralement que les modifications à la phonation engendrées par la SCP-NST n’ont que peu d’impact fonctionnel sur l’intelligibilité de la parole. D’Alatri et coll. (2008) résument bien le phénomène en indiquant que :

27 « In our experience, STN stimulation produced a significant improvement of motor abilities and some positive effects on acoustic parameters related to glottal vibration and vocal tremor. Nevertheless, the overall impact did not represent a functionally usefull change in speech performance. » (p. 371).

Les études portant sur l’impact de la SCP-STN sur la prosodie dans la MP sont plus rares. Dans une étude mesurant les changements longitudinaux engendrés par l’intervention, Dromey, Kumar, Lang et Lozano (2000) rapportent que six mois après la chirurgie, le seul changement observé sur la parole des participants est une augmentation de la variabilité de la f0 et de l’intensité vocale en conversation, indicateurs acoustiques d’une amélioration des contours prosodiques. Rousseaux et ses collaborateurs (2004) rapportent eux aussi une amélioration de la prosodie à trois mois post-opération, mais ajoutent que l’intervention n’a que des effets limités sur l’intelligibilité générale.

Quelques études ont été réalisées sur l’impact de la SCP-STN sur l’articulation. Dans une étude mesurant les changements à la force et la vitesse articulatoire survenant à la suite de l’intervention ainsi qu’avec les stimulations électriques, Pinto, Gentil, Fraix, Benabid et Pollak (2003) rapportent que globalement, une amélioration de ces variables articulatoires est notée à trois et six mois après l’intervention (Pré vs. Post), de même qu’avec les stimulations électriques (Off vs. On). Gentil, Pinto, Pollak et Benabid (2003) rapportent eux aussi une augmentation de la vitesse et de la force articulatoire avec les stimulations. Une seule étude a porté sur l’impact de la SCP-STN sur l’articulation des voyelles sur un groupe de 6 participants atteints de la MP (Dromey & Bjarnason, 2011). De manière générale, les auteurs rapportent une augmentation de l’espace vocalique maximal pour deux patients avec les stimulations électriques, une diminution pour trois, et une stabilité dans les résultats pour le dernier. La raison expliquant l’hétérogénéité de ces résultats n’est pas claire et les auteurs proposent que la grande variabilité de configuration des différents paramètres électriques entre les participants pourrait expliquer en partie le phénomène. À ce sujet, Tornqvist, Schalén et Rehncrona (2005) ont mesuré l’impact direct des différents paramètres électriques (voltage, fréquence) sur l’articulation et la qualité de la voix en recueillant des résultats en augmentant et diminuant ces différents paramètres. Les auteurs rapportent qu’une haute amplitude électrique de même qu’une haute fréquence peuvent engendrer des altérations à l’articulation et à la qualité de la voix. De manière générale, l’impact de l’intervention STN-SCP de même que l’impact direct de

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ces stimulations électriques sur l’articulation demeure peu connu, particulièrement pour l’articulation des voyelles.

Bien que la stimulation SCP-STN ait un impact largement positif sur les symptômes moteurs de la MP, l’impact qu’elle peut avoir sur la production de la parole est beaucoup plus limité. En effet, plusieurs études rapportent une détérioration possible de la parole des patients dans les années suivant l’intervention. Toutefois, les études portant sur les changements induits par l’intervention elle-même montrent souvent des résultats divergents de ceux rapportés dans les études portant sur la mesure des changements induits par les stimulations électriques uniquement. Cette divergence entre les résultats suggère que différents processus sont possiblement impliqués dans la SCP-STN et la production de la parole, et que l’intervention chirurgicale peut induire des changements sur les troubles de la parole différents de ceux provoqués par les stimulations électriques. Il apparaît important d’étudier la question pour tenter de départager l’impact de ces différents processus sur la production de la parole dans la MP.

Un autre élément important à prendre en considération lors de l’étude de la SCP- STN sur les troubles de la parole dans la MP concerne l’effet indirect que cette dernière peut avoir sur le traitement pharmacologique des patients. Tel que mentionné précédemment, à la suite de l’intervention, la grande majorité des patients voient leur traitement pharmacologique modifié largement, généralement avec une diminution marquée de la dose quotidienne de L-dopa requise pour contrôler de manière optimale leurs symptômes moteurs. Aucune étude n’a porté sur cet impact indirect de la SCP-STN sur les troubles de la parole via un changement du traitement pharmacologique. Ces modifications aux deux types de prise en charge thérapeutique se produisant de manière parallèle, il apparaît important d’étudier la question pour bien départager les changements induits par le traitement chirurgical de ceux induits par les variations du traitement pharmacologique.

1.7.3. Traitement orthophonique

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