• Aucun résultat trouvé

ambiguë de la pluriactivité

La pluriactivité a une histoire longue dans les territoires ruraux (nous laissons de côté ses formes urbaines, même si elles sont loin d’être négligeables) et se structure dans son environnement immédiat, donnant ainsi naissance, d’un territoire à l’autre, à des formes diverses et originales. Sa place prépondérante dans les sociétés pré et proto-industrielles, mais aussi dans les sociétés littorales et montagnardes nous amènera à nous interroger sur le sens et les motivations justifiant l’exercice de cette forme d’activité économique, ou à l’inverse sur son lien à la précarité et à la fragilisation des systèmes productifs, sous entendu par sa marginalisation dans la politique de modernisation de l’agriculture de l’après guerre. Trois regards sur la pluriactivité, portés par trois phases de mutations économiques occidentales pour brosser un portrait complexe de la pluriactivité : le premier, la pluriactivité ancienne des sociétés rurales, que nous observerons par le biais du Haut-Languedoc ; le deuxième, la question de la pluriactivité dans l’agriculture, de son rejet (années 1960) à son regain d’intérêt (années 1980) ; et enfin l’élargissement contemporain des formes de pluriactivité dans le cadre actuel des processus de territorialisation.

1.A -

L’

ACTIVITÉ DANS LES ESPACES RURAUX

,

UNE PLURIACTIVITÉ

AU FIL DU TEMPS

.L’

EXEMPLE DU

H

AUT

-L

ANGUEDOC

Il y a près de deux siècles, lorsque les prémices de la société industrielle émergent, c’est en Occident l’ensemble d’un système économique qui se met à changer en profondeur, modifiant avec lui les politiques publiques et surtout les rapports fondamentaux de l’homme à son espace rural. La modernisation agricole (par la spécialisation et l’intensification qui va permettre l’insertion de l’agriculture dans le marché), qui devient effective en France après la seconde guerre mondiale, achève de transformer en profondeur les activités paysannes et, en particulier sur les territoires impropres à toute forme d’agriculture intensive, de vider les villages de leurs habitants. Précédemment, le développement industriel aura mis fin à l’industrie domestique des campagnes, transformant les paysans en ouvriers à façon (Weber,

44

1905) entièrement dédiés à leur manufacture ou à leur industrie. Le système du travail et le système économique sont alors, de la fin du XIXe siècle à la première guerre mondiale, radicalement transformés : l’économie paysanne, dans son principe non monétaire (Mendras, 1976), a laissé la place à l’économie capitaliste englobante, dans laquelle la finalité du travail est de percevoir un salaire. Le travail dans cette nouvelle économie « fait naître, à la place de l’ouvrier-producteur le travailleur-consommateur : c'est-à-dire l’individu social qui ne produit rien de ce qu’il consomme et ne consomme rien de ce qu’il produit » (Gorz, 1988) p.44. Ce système et la société salariale qui en résulte se développeront pendant un siècle, formant le cadre normatif du travail dans la société occidentale en attachant à l’emploi rémunéré l’ensemble des droits sociaux fondamentaux des individus.

Cette nouvelle économie ne fait pas de place à la pluriactivité. Les campagnes européennes seront le réservoir de main-d’œuvre de l’industrie, et les paysans iront grandir la masse des prolétaires en rejoignant l’usine et la ville. De cette évolution profonde, faisons ressortir deux points importants pour notre sujet. Tout d’abord ces changements, bien qu’extrêmement marquants et extrêmement profonds dans la façon de concevoir l’activité, ne sont pas anciens. Les années 1830-1840 marquent le premier seuil important de déploiement des processus de modernisation des campagnes européennes : déclin de l'économie de subsistance et affirmation d'une agriculture plus productive et rentable dans un contexte d'insertion au marché, modification de la structure de la population active agricole et diminution de la pluriactivité rurale, bouleversement des lieux, modes de vie et composantes de la famille rurale et agricole, mutations agraires, modernisation culturelle et politique, le tout sur fond de vaste mouvement libéral (Pécout, 2005). D’autre part, la pluriactivité n’a jamais disparu, ni les formes les plus traditionnelles d’activité. En France la lenteur à disparaître de la petite exploitation rurale, alors que celle-ci semblait pourtant inéluctable au vu du processus d’intégration de l’agriculture à l’économie de marché, étonnera les économistes. Pour Hubscher (et bien d’autres dans la lignée) cette « anomalie » n’en n’est pas une si l’analyse économique que l’on fait de la petite exploitation s’appuie sur une observation de la structure familiale et du système de lien qui fonctionne autour d’elle, ainsi que sur les flux de capitaux apportés par la pluriactivité qui en limitent les déséquilibres financiers, et non pas sur une simple analyse en termes d’économie d’entreprise (Hubscher,

45

Dès lors rien d’étonnant à voir réapparaître une pluriactivité que certains croyaient enterrée, ou à reconsidérer une pratique laissée à la marge18. Par contre, si la pluriactivité actuelle peut s’inspirer ou se revendiquer de formes passées, les formes contemporaines que l’on voit émerger sont originales et liées à un contexte qui n’a pas grand-chose à voir avec le contexte passé. Réintégrer à la réflexion la longue durée, la géographie, les individus, permet de voir ce que nous pouvons appeler le paysage de notre société moderne, toujours en mouvement, dans des recompositions opérées sur les matériaux laissés : « aucun paysage ne cède la place à un autre. Au contraire, les paysages mêlent en permanence des couches anciennes et nouvelles. Il y aura ainsi des émergences et réémergences qui s’agencent entre elles » (Benasayag, 2007) p.196. De nombreux travaux d’historiens insistent sur la diversité des formes prises par la pluriactivité, leur continuité dans l’histoire, leur souplesse et leur adaptation aux contextes économiques locaux, ou leur échelle de mise en œuvre : l’individu, la famille, la communauté. Deux ouvrages de référence font le tour de la question, un premier très récent abordant les principales questions que pose aujourd’hui la pluriactivité, tous secteurs confondus, à notre mode d’activité actuel (Boudy, 2009) et un deuxième concernant plus spécifiquement la pluriactivité agricole des montagnes françaises (Simon, 2002).

Aujourd’hui comme hier la pluriactivité est présente dans tous les territoires ruraux sans exception, étant vue comme une véritable opportunité dans les pays du Sud (De Janvry, 2005), ou bien, et ce dernier point sera développé plus loin, de manière beaucoup plus ambigüe dans les pays occidentaux. Si la pluriactivité est bien une forme d’activité structurelle des territoires ruraux, sa référence historique à l’activité paysanne fait parfois oublier qu’elle concerne tous les domaines d’activité, depuis tous temps. Après une période de près d’un demi-siècle de marginalisation, la pluriactivité refait parler d’elle et progresse, nettement dans l’emploi salarié : de 2003 à 2005, la population salariée pluriactive augmente plus rapidement que l’ensemble de la population salariée, passant de 977 000 à 1 126 000 salariés (Beffy, 2006), et elle augmente de manière plus discrète dans l’emploi indépendant (Boudy, 2009). Il est important de noter que cette progression se retrouve dans tous les pays occidentaux, et cela quelles que soient les formes de soutien ou de limites qui lui sont appliquées (ibid.). Pourtant, dans les sociétés occidentales européennes la pluriactivité est loin

18

La revue Esprit consacrera un numéro à la pluriactivité, s’interrogeant sur une possible société de pluriactivité à venir. Revue Esprit, Vers une société de pluriactivité, décembre 1995, n°12.

46

d’être reconnue comme une forme d’activité aussi enviable que l’emploi unique. En effet dans ces sociétés où le système de protection sociale est pensé à partir du modèle de l’emploi salarié exercé à plein temps et tout au long de la vie, la monoactivité est la norme et s’en écarter peut être difficile sur le plan juridique, fiscal ou identitaire19.

A travers l’observation de la pluriactivité dans le Haut-Languedoc, nous allons voir comment la pluriactivité s’est adaptée aux évolutions des contextes économiques successifs, pour ne jamais tout à fait disparaître et redevenir une forme d’emploi en phase avec un territoire qui évolue en périphérie des dynamiques économiques des espaces urbains les plus proches.

1)

Première séquence : une pluriactivité traditionnelle qui ne dit pas

son nom (XI

e

-XIX

e

siècle)

Comme dans la plupart des montagnes françaises (Simon, 2002), la pluriactivité sous toutes ses formes n’est pas un phénomène nouveau en Haut-Languedoc. Qu’il s’agisse de ménages d’agriculteurs en quête d’un complément de revenu, ou de non-agriculteurs d’abord soucieux d’une autofourniture alimentaire non exclusive de la vente des surplus de production, ses formes traditionnelles sont en grande partie liées à une composante agricole. Ménages d’ouvriers-paysans du textile de la moyenne vallée de l’Orb, autour de Bédarieux et de l’amont de la vallée du Jaur, à Saint-Pons-de-Thomières et dans ses environs proches, ou mineurs-paysans du bassin houiller de Graissessac, dans les cantons de Saint-Gervais-sur- Mare et de Lunas, les habitants du territoire conjuguaient, à un emploi dans des activités aujourd’hui totalement disparues, une micro-exploitation agricole – jardin potager, carré de vigne, quelques fruitiers, un petit troupeau ovin mené par une ou deux chèvres. La liste des

19

Des courants traversent cependant les sociétés occidentales en faveur d’une logique d'universalisation des droits sociaux, déconnectés du travail, pour résoudre les problèmes de plus en plus marqués de précarisation et d’inégalités engendrés par les mutations du travail productif. « Revenu minimum d'existence », « revenu minimum garanti », « revenu citoyen », «allocation universelle», ou «dividende universel» sont autant de termes qui désignent un revenu individuel et inconditionnel fondé sur l'appartenance citoyenne à une même communauté, et donc attribué à tous, versé sans contrepartie et cumulable avec un revenu d'activité.

47

professions que l’on retrouve dans les archives de ces communes était, dans les années 1950 encore, fort diversifiée (Guiraud, 1993). On comptait également de nombreux cheminots- paysans, artisans-paysans ou même fonctionnaires-paysans, et cela de manière très tardive dans des communes agricoles en déclin restées à l’écart de l’industrialisation, comme sur le haut-plateau de l’Espinouse où B. Kayser note, vers le milieu des années 1970 : « chaque ménage [y] dépend en fait de sources composées de revenu, très différentes d’un cas à l’autre et souvent extérieures à l’activité agricole» (Kayser, 1977). Considérées à l’échelle de l’unité familiale, ces formes multiples de pluriactivité se conjuguent avec l’émiettement des structures foncières, la très petite taille des « exploitations » agricoles concernées et leur grande fragilité durant les phases d’exode rural intense. Le Haut-Languedoc est un parfait exemple de territoire qui assure un double mouvement de survie et de développement par des formes de pluriactivité basées sur les complémentarités agricoles, les mobilités et surtout la proto industrialisation très précoce de la zone.

Haut Languedoc héraultais 1656'899E2676(873 595F!4)326'899E26269*+3! 5 km 5 km 5 km 5 km 3EF48 595F!4)32 165 ,E-423

48 a) La pluriactivité ou l’art de recomposer les activités économiques

Le Haut-Languedoc est une zone de peuplement ancien, investie par les Grecs, les Romains et les Celtes, et qui s’est trouvée pendant un temps très long à un carrefour important d’activités. Au Moyen Age la région connaît son premier grand essor avec la construction d’une abbaye à St-Pons, puis l’installation de l’industrie lainière par les moines. La vie économique est organisée autour d’un système de polyculture et d’élevage, et cette économie paysanne se diversifie à partir du XVIIe siècle. L’évolution démographique sera très forte jusqu’au milieu du XIXe siècle, après la phase de reconstitution des populations décimées par les guerres et la grande peste du XVe siècle (en 1415 population de Cessenon passe de 400 à 40 habitants), et la proto industrialisation de la zone démarre très tôt, dès le XVIIe siècle. Les transformations socio-économiques de l’Occident au XIXe siècle auront raison de cette vie rurale. L’exode rural sera précoce et massif dès 1850, et la déprise rurale se traduit par le développement des friches et des landes sur les terres cultivées et les parcours, la dégénérescence des vergers de châtaigniers et l’abandon des villages. Elle est encore bien visible dans le paysage actuel. Les points de rupture sont repérables sur le graphique suivant (figure 5). Ils mettent en exergue les phénomènes conjoncturels : 1850 et le début prononcé de l’exode rural ; la décennie 1911-1920 marquée par la première guerre mondiale ; l’ensemble de la période encadrant les deux guerres au cours desquelles les statistiques sont manquantes dans la plupart des villages ; enfin à partir de 1962 l’infléchissement de la courbe pour une période de stagnation et une reprise démographique forte à partir de 1999, que le mouvement observé de retour vers le rural devrait confirmer dans les prochaines années. A noter que sur l’axe des années du graphique les pas de temps sont irréguliers. La courbe n’indique pas un mouvement démographique linéaire mais marque les principaux événements et les tendances de fond.

49

Evolution de la population de Prémian, Vieussan et Colombières

0 200 400 600 800 1000 1200 16611793183118361846186118761891189619111921192619311936194619541962196819751982199019992006 COLOMBIERES-SUR-ORB PREMIAN VIEUSSAN

Figure 5: Évolution de la population de la vallée du Jaur (XVIIe siècle-XXIe siècle) 20, Tallon, H., 2010

Comment évoluent les activités dans ces différentes périodes ? L’histoire met en évidence à quel point l’économie de cette zone a toujours été diversifiée : « Au mois de mai [à Colombières], on y fait des vers à soie et la toison des bêtes à laine. On y coupe ensuite les foins qui y sont rares. On y commence la récolte des menus grains au mois de juin et on la continue au mois de juillet. Au mois de septembre, la vendange y donne des vins très bons et en grande abondance. On cueille les châtaignes dans le mois de novembre dans les montagnes, et en décembre les olives dans la plaine » (Mémoires de Lamoignon de Basville, intendant de la province de 1685 à 1718, cité par (Bechtel, 1975) p.94.

Le Haut-Languedoc est traditionnellement un pays d’élevage ovin, et du fait de l’élevage, les terres du Somail et des Garrigues avaient une réelle valeur. Forêts, prairies et pâturages « valaient autant que les terres labourables qu’on ne labourait pas si facilement »

20

Ce graphique a été fait à partir de différentes sources : pour Prémian années 1661, 1793 : archives de la mairie de Prémian, analysées par Henri Lauriol ("Prémian", 1976). Son estimation du nombre d'habitants est basée sur une moyenne de quatre personnes par maison. Pour Prémian années 1836, 1846, 1876, 1896, 1954 : archives de la mairie de Prémian, recensements de la population. Pour Vieussan de 1793 à 1911 : recensements de la population, archives départementales de l'Hérault, cité

par Michel Scanzi in "Vieussan, une commune au XIXe siècle, société archéologique et historique des

Hauts-Cantons, 1995, et à partir de 1968 : recensements généraux de la population de l’Insee. Pour Colombières : jusqu’à 1962, archives Insee, données par la mairie de Colombières, après 1962, Insee

RGP (http://www.recensement.insee.fr/chiffresCles.action?zoneSearchField=&codeZone=34080-

50

(Lauriol, 1980). À Prémian, au XIVe siècle, on trouve mention de dîmes fixées en légumes, millet et grains grossiers, foin sec, agneaux, navets, chevreaux, porcelets, céréales, alors qu’au XVIIIe siècle apparaissent en plus le lin, le vin, les châtaignes, les haricots, les noix et les olives (ibid.). La population active est composée de brassiers, métayers ou tisserands qui travaillent pour d’autres, non-propriétaires. Le tissu a été longtemps une ressource importante de ce territoire, servant d’abord à la satisfaction des besoins personnels dans le cadre de l’activité domestique, mais devenant rapidement objet d’échange. C’est le monastère de St- Pons, fondé en 937, qui est à l’origine de l’industrie lainière en organisant le long de la vallée du Jaur la filature et le tissage, puis la commercialisation, grâce à ses rapports avec d’autres monastères (celui de Marseille lui ouvrira des débouchés à l’international via le port) et les foires sur lesquelles il assure la présence de ses produits. D’autre part, du fait de ses rapports avec l’Aragon où il possédait des biens importants, le monastère pouvait recevoir des laines espagnoles qui assuraient un travail régulier aux tisserands de la vallée du Jaur. Le « lanifice » (soit l’ensemble des activités liées à la confection des draps de laine) est déjà important à St- Pons et dans les hameaux au XVIIe siècle, mais il connaît sa plus forte expansion au XVIIIe siècle. A la fin du XVIIIe siècle se développent de nombreux métiers plus ou moins associés à l’industrie lainière (forgerons, teinturiers, cordonniers…). Parallèlement, la culture de la vigne s’étend, aux dépens de cultures céréalières ou vivrières, dont l’exploitation se fait sous forme de métayage.

La vigne change de fonction économique. Sa part dans l’autoconsommation des familles se réduit, son expansion permet aux paysans de « serrer » des écus, ce qui offre une garantie contre les vicissitudes de l’avenir, donne les moyens d’acquérir des parcelles longtemps convoitées, ou permet de doter les filles (Lauriol, 1980). Ce développement continue jusqu’au moment où la concurrence entre les vignes et les terres destinées à l’alimentation humaine devient critique dans tout le Languedoc. Un arrêté « ordonne qu’à compter du jour de la publication, il ne sera fait aucune nouvelle plantation de vigne (…) [sur les motifs] que la trop grande abondance de plants de vigne dans le royaume occupait une grande quantité de terres propres à porter des grains ou à former des pâturages, causait la cherté des bois par rapport à ceux qui sont annuellement nécessaires » (arrêt du conseil du 5 juin 1731, cité par Henri Lauriol, 1980). Toujours dans le même esprit, la fumure des vignes sera interdite. À cette décision de limiter l’expansion de la vigne coïncide une période d’amélioration des axes de communication, deux éléments qui vont provoquer une petite révolution dans l’économie locale. L’industrie lainière connaît au

51

XVIIIe siècle son plus fort développement et sa qualité s’améliore. Cette activité est organisée sous forme d’ateliers familiaux, regroupés par villages, et contrôlant eux-mêmes la qualité des produits : « Les fileurs et tisserands de la Communauté travaillaient indistinctement pour les jurandes de Riols et de Prémian où l’on comptait 21 fabricants, nombre important pour des petits ateliers produisant assez irrégulièrement, puisque les familles de tisserands avaient généralement une double activité dont l’agricole était impérieuse à certaines époques de l’année » (Lauriol, 1980).

5FF726 .676!32615189626/8F4992626&0126 C 2596E8CBC25E3845BCBC26C 265EBC 2596E8CBC2645732834BC 6384BC +8C1EC 345C 675C 645C .52C 685C 465C 75C 14A56EC 695C 695C 3:5C +8C 85BEEBC2(6E6EC ;<5C 8=5C :5C +8C25E7BE8C ;=5C 935C ;=5C >2643BC 3;5C 685C =;5C +8C?325BEC ;85C 8;5C ;5C

Tableau 1: L’industrie de la laine dans la vallée du Jaur en 1798, Bernard Devic cité par H. Lauriol, 1975

Le tableau 1 ne révèle pas la pluriactivité des familles ou des individus, et déjà le problème du repérage de la pluriactivité se pose dans les documents officiels. En effet, un seul métier est déclaré sur les divers registres. La double activité reste invisible dans les recensements mais est bien présente. Parlant d’un habitant d’un hameau de Prémian, Henri Lauriol relate : « P. T. prenait son fils à Riols et y rapportait le drap. Pascal était donc tisserand, mais il figure sur les recensements de l’époque comme maçon ou journalier ; il faisait certainement les trois métiers suivant les saisons et les commandes. Et voilà pourquoi les chiffres ne traduisent que des situations relatives et que la vie est difficile à traduire en statistiques. On était extrêmement discret sur les ressources et les moyens d’existence et quand il y en avait plusieurs, si c’était possible on déclarait le moins important. Rien sur le travail des femmes et des enfants (enquête administrative sur le travail des enfants), emploi des surnoms pour éviter les vérifications rendues légales par l’institution du Livret de Travail du 9 frimaire AN XII. Réfractaires aussi, souvent, les ouvriers, quand eut lieu la limitation des heures journalières de travail : ils craignaient avec raison une réduction consécutive du salaire. » (Lauriol, 1980). La redistribution des terres issues de la révolution brouillera encore un peu plus les registres d’activité : « Quand il remplissait un questionnaire, en face de la mention profession, [mon père] écrivait : propriétaire21, signe d’une victoire sociale encore jeune. »

(Carrière, 2000). Malgré le peu d’information apporté par les registres administratifs, les

21

52

formes de mobilités d’une activité à l’autre sont évidentes pour les salariés agricoles, qui complètent les périodes non agricoles avec le travail dans les filatures. De même, la difficulté à maintenir une production industrielle régulière témoigne de la forte participation à

Documents relatifs