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pour l’application de la traçabilité

3.2 Traçabilité et sécurité : histoire d’une (r)évolution technologique

Malgré un faible recul, une mise en perspective de la traçabilité avec les pratiques antérieures offre une vision de la complexité de la mise en application et de ses multiples dimensions. A partir des études de cas, on peut distinguer deux phases dans la mise en application de la tra- çabilité au sein de laquelle ont pris place les TIC. Bien que les frontières ne soient pas néces- sairement étanches, on peut considérer comme période charnière l’année 2005 compte tenu de l’obligation de respecter la réglementation à partir de cette date.

3.2.1 De la parcelle à la cave, entre traçabilité choisie et traçabilité réglementée

Pour les responsables des caves coopératives, le point de départ de la traçabilité n’est pas véri- tablement distingué des préoccupations concernant la qualité. Il est situé pour la plupart d’entre eux vers la fin des années 90 c’est à dire bien avant l’obligation administrative et régle- mentaire de traçabilité (2005), période durant laquelle nombre d’entre eux ont orienté leur action vers l’amélioration qualitative de la production à la fois du raisin et du vin. Autrement dit, une certaine forme de traçabilité semble avoir été toujours pratiquée aussi bien par les viticulteurs que par les techniciens des caves au moins à minima et pour leur usage exclusi- vement individuel : ce sont les petits carnets sur lesquels certains viticulteurs consignaient les traitements effectués ; ce sont encore les ardoises posées sur les cuves par certains cavistes permettant d’identifier le contenu des cuves… Cependant, avec la volonté et le choix d’amé- liorer la qualité de manière collective, il s’est agi pour les élus et techniciens des caves de pré- ciser les objectifs, les moyens et les méthodes nécessaires pour faire en sorte que l’ensemble «viticulteurs et personnels des caves» œuvre pour les atteindre.

Dans cette période, bon nombre d’entre ces organisations se sont engagées dans ces opéra- tions avec divers outils et méthodes allant des cahiers des charges à des certifications. L’agriculture raisonnée par exemple a été l’une des méthodes-phare de l’évolution qualitative du vignoble, de même que les démarches HACCP et autres certifications (ISO 9001, NF V01005…) engagées dès ce moment et développées plus tard. Les uns et les autres ont ainsi instauré une production d’information et une circulation d’information qui n’existaient pas jusqu’alors, ouvrant de ce fait une ère ou l’information allait devenir une composante essen- tielle du fonctionnement des caves. L’exemple le plus significatif de cette période est celui de la rémunération différenciée pour laquelle la rémunération du viticulteur est corrélée à la qualité de ses apports de raisins à la cave coopérative lors des vendanges, cette qualité étant

dépendante, entre autres, des caractéristiques des parcelles d’où proviennent les raisins, caractéristiques elles-mêmes définies par des normes techniques… Cette action de différen- ciation comportait de manière sous-jacente un enjeu important à savoir la fiabilité et la cré- dibilité des informations servant à déterminer sa rémunération et l’équité de traitement auprès des viticulteurs-coopérateurs ; toute information non stabilisée,

vérifiée, contrôlée, certifiée et garantie en quelque sorte pouvant susciter mouvements et réactions diverses, il était devenu nécessaire d’assurer une traçabilité incontestable. Se sont donc établies, à partir de cette période, des actions de production, de traitement et de gestion d’information dont l’un des enjeux était d’assurer un contrôle plus étroit de la production principalement au stade du raisin et également de sa transformation. S’amorce par là-même également une normalisation des informations conjointement à une normalisation des conduites et des pratiques profes- sionnelles.

Ainsi dans cette première phase centrée sur les vignes, trois caractéris- tiques marquent la mise en œuvre initiale des diverses formes de traçabi- lité.

3.2.2 Traçabilité et rationnalisation du fonctionnement des caves coopératives

Cette concentration des préoccupations qualitatives sur les parcelles de vignes n’avait de sens que si elle était accompagnée de considérations à pars au moins égales sur l’appareil de trans- formation et sur l’organisation de cette autre phase de production à savoir l’élaboration du vin. On observe alors, toujours dans cette même période, une évolution dans l’organisation et le fonctionnement de l’outil de transformation - le dispositif technique de la cave - à com- mencer par la planification des apports de raisins et conséquemment la gestion des cuves. Ces opérations internes donnent lieu à la production d’autres informations qui, ajoutées à celles relatives aux parcelles, finissent par constituer des bases d’informations ou de données pour lesquelles les supports papier montrent quelques limites (notamment dans l’accès à l’in- formation précise, simplifiée) ou contraintes diverses (multiplication des classeurs ou cahiers, parc des cuves important)46. Ces dernières conduisent la presque totalité des caves -

tout au moins les personnels en charge de gestion des flux de matières comme des informa- tions parcellaires - à rechercher dans l’outil informatique une solution pour faciliter la saisie, l’exploitation des données parcellaires et des cuves… S’ouvre ainsi une période à la fois de remise en question des pratiques et d’apprentissage d’outils informatiques ce qui, en d’autres termes, revient à dire que les organisations se sont engagées dans un processus de rationna- lisation de leurs activités sous le double effet de la pression technologique et plus largement de l’environnement par l’adoption de méthodes visant à la qualité de la production notam- ment.

Deux autres facteurs expliquent l’origine de ce processus de rationalisation et simultanément d’adoption de méthodes et d’outils informatiques dans lesquelles se situe la traçabilité : la réglementation formelle et la demande de la clientèle des caves.

La réglementation formelle

A une rare exception près, les politiques décidées par les caves à la fin des années 90 en matière de qualité des raisins et de leur transformation ont précédé la mesure de traçabilité édictée en 2005. A côté des mesures adoptées de manière volontaire, cette réglementation est venue ajouter une obligation de résultats et non de moyens. Chaque producteur doit être en mesure de fournir des indications sur l’origine des produits utilisés et sur ses clients de manière à permettre aux autorités sanitaires de reconstituer l’intégralité de la traçabilité ; la réglementation le laissant libre de choisir les moyens lui permettant de répondre à cette nou- velle exigence. La mise en œuvre de cette mesure de fait augmentait de manière très signifi-

• La traçabilité a commencé dans les vignes, il y a dix ans avec la standardisa- tion par parcelles des informations et une normalisation des pratiques profes- sionnelles (traitement raisonnés, seg- mentation des apports, rémunérations différenciées…)

• L’objectif premier de la traçabilité est la règlementation sanitaire

• La traçabilité n’est qu’un moyen, ce qui importe en fait c’est l’agriculture raison- née.

46A titre d’exemple les responsables des caves les plus importantes ont à gérer plus de 300 cuves, chacune des cuves pouvant contenir 20

cative la masse d’information et sa gestion. ce qui accentuait la nécessite de recourir à la tech- nologie informatique déjà expérimentée qui finissait par s’imposer plus largement.

Cette construction de la nécessité résultait également d’une pression de la part de sociétés de services informatiques qui dans cette période se sont créées où ont redéfini leur offre de pro- duits et services, s’adaptant ainsi aux charges imposées aux entreprises résultant du contex- te réglementaire. Dès lors, rigueur informatique et rationalisation des procédures de produc- tion et de fabrication des vins rentraient en interaction pour conforter les caves dans leur logique de développement par la rationalisation du processus de production-transformation.

La demande de la clientèle

Le processus de rationalisation et simultanément d’adoption de méthodes et d’outils informatiques trouve également sa justification dans la volonté des responsables de caves de répondre à l’exigence des clients (centrales d’achat, négociants, importateurs étrangers) qui sont demandeurs du respect des critères de qualité mais aussi de traçabilité dans le but de limiter voire d’éviter la responsabilité en cas de crise sani- taire. Dans la pratique cependant, l’exigence de la traçabilité est variable selon le client et le mode de commercialisation ; elle peut être mise en concurrence avec le critère du prix. Seule la vente à l’exportation de vin conditionné ne souffre pas d’exception ce qui renforce la rationnalisa- tion du process pour respecter les règles de traçabilité et pouvoir valori- ser tout ou partie de sa production.

Ainsi dans cette phase centrée sur la cave, trois caractéristiques marquent la rationalisation de la cave concomitante à la mise en œuvre de la traçabilité.