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Les toxicités hépatiques induites par les thiopurines peuvent être regroupées en 3 catégories : (i) l’hypersensibilité allergique, (ii) les réactions cholestatiques idiosyncratiques, et (iii) l’hyperplasie nodulaire régénérative (HNR), communément

appelée maladie veino-occlusive [GISBERT et al. 2007b].

Les toxicités hépatiques dues aux thiopurines se traduisent biologiquement par une

augmentation moyenne, transitoire et réversible des transaminases sériques [DUBINSKY et

al. 2000, 2002]. Les thiopurines peuvent être responsables à la fois de lésions hépatiques cholestatiques et cytolytiques [DE JONG et al. 2003]. Cliniquement, Present et al. ont

rapporté une fréquence d’hépatite de 0,3 % au sein d’une population de 396 patients

ayant une MICI et suivis pendant 3 ans [PRESENT et al. 1989]. Biologiquement, Kirschner,

dans une série de 95 patients pédiatriques, a observé une augmentation des transaminases supérieure à deux fois la limite normale supérieure chez 13,7 % des patients, spontanément résolutive après arrêt du traitement ou diminution de la

posologie [KIRSCHNER 1998]. Ces discordances sur l’incidence de la toxicité hépatique sont

probablement dues aux différences dans les critères cliniques ou biologiques utilisés pour la définir. La première étude prospective sur l’hépatotoxicité des thiopurines a évalué pendant 9 mois 161 patients ayant une MICI, traités par thiopurines à doses usuelles [BASTIDA et al. 2005]. La toxicité hépatique, définie par une augmentation des

transaminases sériques supérieure à trois fois la limite normale supérieure, a été observée chez 10 % des patients, avec un risque majoré en cas de co-traitement par

corticoïdes [BASTIDA et al. 2005]. Par ailleurs, une revue systématique de la littérature,

incluant 3485 patients tous suivis rétrospectivement, a estimé une prévalence globale de l’hépatotoxicité à 3,4 %, et une incidence annuelle de 1,4 %, sans définition explicite de l’hépatotoxicité commune à toutes les études [GISBERT et al. 2007b]. Une large étude

rétrospective de Gisbert et al. sur 786 patients a rapporté une prévalence de l’hépatotoxicité – définie par une augmentation des transaminases supérieure à deux fois la limite normale supérieure – légèrement supérieure avec un taux à 5 % et une incidence à 2,6 % par an par patient [GISBERT et al. 2007c].

La survenue de l’hépatotoxicité est souvent précoce, avec une médiane comprise entre 1,5

et 3 mois après le début du traitement [BASTIDA et al. 2005; BERMEJO et al. 2010; HINDORF

et al. 2006b]. Dans les cas de toxicités hépatiques survenant plus tardivement durant un traitement par thiopurines, d’autres étiologies doivent être préférentiellement recherchées, comme par exemple une hépatite virale ou alcoolique. Il faut également noter que la plupart des patients ont une normalisation spontanée de leurs transaminases sériques malgré la poursuite du traitement. Dans le cas contraire, elle survient après l’arrêt du traitement par thiopurines. Enfin, aucun cas d’hépatite fatale en relation avec

un traitement par thiopurine n’a été rapporté [BASTIDA et al. 2005; GISBERT et al. 2007b,

2007c].

Un autre type de toxicité hépatique aux thiopurines, plus rare, est l’HNR dont les symptômes sont associés à une hypertension portale nécessitant parfois le recours à une

transplantation hépatique [NABER et al. 1991]. L’HNR est une atteinte des cellules

endothéliales entraînant une augmentation de la pression portale [GISBERT et al. 2007b].

C’est une complication retardée des traitements par thiopurines, avec un temps médian d’apparition de 50 mois et seul un faible nombre de cas ont été rapportés dans la littérature [DANIEL et al. 2005; RUSSMANN et al. 2001; SEIDERER et al. 2006; SEKSIK et al.

2011]. Une étude française sur une série de 37 cas d’HNR consécutives à un traitement

par thiopurine a estimé une incidence cumulée de 1,25 % sur 10 ans [VERNIER-MASSOUILLE

et al. 2007]. Deux facteurs majeurs ont été identifiés, dont la présence isolée entraîne une augmentation du risque d’HNR de 7 fois : le genre masculin et une résection de l’intestin

grêle supérieure à 50 cm [SEKSIK et al. 2011]. Ces patients à risque devraient avoir une

surveillance étroite avec une numération plaquettaire associée à un dosage sérique des transaminases, afin d’établir un diagnostic précoce d’HNR avant l’apparition des symptômes cliniques [SEKSIK et al. 2011]. Le dépistage de l’HNR est basé sur un écho-

doppler abdominal et une fibroscopie gastrique. En cas de suspicion d’HNR, une imagerie par résonance magnétique est recommandée car c’est l’examen présentant le meilleur profil sensibilité/spécificité pour détecter les modifications histologiques en cause dans l’HNR [SEIDERER et al. 2005; ZECH et al. 2007]. Parmi les autres facteurs prédictifs de l’HNR,

il a été retrouvé le génotype TPMT hétérozygote, des concentrations intra-érythrocytaires en 6-TGN élevées ou un traitement par 6-TG, bien qu’aucune hypothèse

physiopathologique n’ait été clairement formulée [DE BOER et al. 2005; BREEN et al. 2005;

BUSTER et al. 2008; DUBINSKY et al. 2003a].

4.3.2 Prévention des toxicités hépatiques

Intérêt du dosage des 6-MMPN

Le mécanisme physiopathologique des lésions hépatiques induites par les thiopurines est actuellement mal connu. Bien que certains cas surviennent dans un contexte d’hypersensibilité aux thiopurines, les effets indésirables hépatiques semblent être associés à la présence de concentrations intra-érythrocytaires élevées en dérivés

méthylés, notamment les 6-MMPN [CUFFARI et al. 1996; DUBINSKY et al. 2000, 2002; GILISSEN

et al. 2004; AL HADITHY et al. 2005; NYGAARD et al. 2004; SEIDMAN 2003]. Dans une étude

prospective incluant 92 patients pédiatriques ayant une MICI, une concentration intra-

érythrocytaire en 6-MMPN supérieure à 5700 pmol/8x108 GR a été établie comme valeur

seuil au-delà de laquelle il existe un risque 3 fois supérieur (18 % vs. 6 %) de développer

une hépatotoxicité [DUBINSKY et al. 2000]. De même, Hande et al. ont trouvé une

corrélation positive (p<0,001) entre des concentrations élevées de 6-MMPN et des

valeurs élevées de transaminases [HANDE et al. 2006]. Une étude prospective sur 43

patients pédiatriques leucémiques a également rapporté une corrélation identique

(p<0,001) [NYGAARD et al. 2004]. Cependant, dans une étude prospective regroupant 74

patients ayant une MICI et traités par une thiopurine, 12,2 % d’entre eux avaient des

concentrations en 6-MMPN supérieures à 5700 pmol/8x108 GR et aucun n’a développé de

toxicité hépatique [GOLDENBERG et al. 2004]. Ces résultats sont en accord avec les

conclusions d’une étude prospective de Reinshagen et al. sur 71 patients dont 28 %

avaient des concentrations en 6-MMPN au-delà de 10000 pmol/8x108 GR en l’absence de

signes de toxicité hépatique [REINSHAGEN et al. 2007]. Le niveau de la concentration en 6-

MMPN n’est donc pas le seul déterminant de la toxicité hépatique ; très probablement , la durée de l’exposition du patient à des concentrations élevées est à prendre en compte,

ainsi que d’autres facteurs encore inconnus [DUBINSKY et al. 2000]. L’absence de

standardisation dans les méthodes de dosage des 6-MMPN intra-érythrocytaires peut

également expliquer une partie de ces discordances [ARMSTRONG et al. 2004; AL HADITHY et

Intérêt de la TPMT

Les dérivés méthylés tels que les 6-MMPN étant produits par la TPMT, il est vraisemblable que les patients ayant une activité TPMT élevée ou très élevée vont préférentiellement avoir un métabolisme des thiopurines orienté vers la production de 6-MMPN plutôt que

vers les 6-TGN [DUBINSKY et al. 2002; SPARROW et al. 2005]. L’activité TPMT mesurée dans

les globules rouges étant le reflet de celle retrouvée dans le foie, une activité TPMT très élevée pourrait constituer un facteur prédictif d’hépatotoxicité aux thiopurines [SZUMLANSKI et al. 1992]. Cependant, l’activité TPMT n’étant pas le déterminant majeur du

ratio métabolique [6-MMPN:6-TGN], des ratios défavorables, associés à des concentrations élevées en 6-MMPN et à un risque hépatique, sont aussi retrouvés chez

des patients ayant un phénotype rapide (activité élevée) [VAN EGMOND et al. 2012].

Stratégies d’optimisation thérapeutique pour la prévention des toxicités hépatiques

Chez les patients ayant un métabolisme des thiopurines préférentiellement orienté vers la production des 6-MMPN et présentant une hépatotoxicité, l’association thiopurine/allopurinol peut être proposée, telle que décrite précédemment. Cette association entraîne une diminution importante des concentrations en 6-MMPN

permettant de contrecarrer la toxicité hépatique [ANSARI et al. 2008b; LEONG et al. 2008;

SPARROW et al. 2007].

Une autre stratégie d’optimisation thérapeutique chez les patients présentant des effets indésirables hépatiques consiste à fractionner la dose quotidienne en thiopurine en deux prises journalières. Cette stratégie s’est révélée efficace dans une étude préliminaire chez 20 patients [SHIH et al. 2012].

Enfin, certains auteurs ont rapporté que la 6-MP présenterait une toxicité hépatique plus faible que l’azathioprine, notamment car elle ne possède pas de groupement imidazole. A l’heure actuelle, il n’y a pas dans la littérature de données suffisantes pour étayer cette hypothèse [BERMEJO et al. 2010; GISBERT et al. 2007b, 2007c; HINDORF et al. 2009].

4.4 Toxicité pancréatique

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