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La myélotoxicité est l’effet indésirable des thiopurines le plus fréquent à l’origine de leucopénies modérées (leucocytes entre 2,0-4,0 G/L) et de neutropénies (polynucléaires neutrophiles < 1,5 G/L) [BERGAN et al. 1997; CONNELL et al. 1993]. Aux posologies usuelles,

sa prévalence se situe entre 2 % et 10,5 % des patients traités, selon la durée du suivi et la définition de la leuco-neutropénie [KIRSCHNER 1998; PRESENT et al. 1989]. Un suivi

rétrospectif de 27 ans incluant 739 patients traités par azathioprine pour des MICI a permis de montrer qu’une leucopénie survenait chez 3,8 % des patients, dont 1,2 % de leucopénies profondes (leucocytes < 2,0 G/L) [CONNELL et al. 1993].

La myélotoxicité peut apparaître subitement à n’importe quel moment à partir de deux

semaines après le début du traitement [CONNELL et al. 1993]. Une numération de la

formule sanguine régulière est recommandée tout au long du traitement par l’Agence nationale de sécurité du médicament [ANSM 2010]. En effet, il a été montré qu’elle était le plus souvent normale le mois précédent l’apparition d’une leucopénie profonde [CONNELL et al. 1993]. La myélotoxicité des thiopurines est généralement rapidement

réversible après l’arrêt du médicament ou une réduction de 50 % de la posologie [CONNELL

et al. 1993; PRESENT et al. 1989]. Une méta-analyse – 66 études, 8302 patients – a montré

une incidence de la myélotoxicité de l’ordre de 3 % par patient et par an, et de 0,9 % pour les cas de myélotoxicité sévère définie par un nombre de polynucléaires neutrophiles

études avec un suivi inférieur à 12 mois, l’incidence de la myélotoxicité augmente à 11 % par patient et par an [GISBERT &GOMOLLON 2008].

La survenue de myélosuppression sévère, combinant une leuco-neutropénie, une thrombopénie et parfois même une pancytopénie, a été décrite chez des patients traités

par thiopurines pour des MICI ou d’autres maladies inflammatoires [BACON et al. 1981;

BURKE et al. 1989; GARDINER et al. 2006; GILISSEN et al. 2007; JEURISSEN et al. 1988; LAWSON

et al. 1984; SCHWAB et al. 2002]. De plus, les cas d’aplasie médullaire peuvent avoir une

issue fatale chez environ 1 % des patients développant une myélotoxicité aux thiopurines [GISBERT & GOMOLLON 2008]. Parmi les patients présentant une myélotoxicité, le risque

cumulé de développer une infection, notamment de la cavité orale, des muqueuses ou de

la peau est de 6,5 % [GISBERT &GOMOLLON 2008]. Enfin, une thrombopénie modérée isolée

est également possible, et apparaît chez 2 % des patients traités [CONNELL et al. 1993].

4.2.2 Prévention de la toxicité hématologique

Intérêt du dosage des 6-TGN et des 6-MMPN

La concentration intra-érythrocytaire des 6-TGN sur laquelle est fondée le STP des thiopurines constitue un biomarqueur indirect de l’accumulation des 6-TGN au sein de la moelle osseuse, qui est à l’origine de la myélotoxicité [BERGAN et al. 1997; CUFFARI et al.

1996; ROBLIN et al. 2008].

Lennard et al. ont décrit initialement en 1986 une association entre des concentrations intra-érythrocytaires élevées en 6-TGN et la présence de cas de neutropénie et de myélosuppression suite à un traitement par thiopurine, en lien avec une activité TPMT

basse [LENNARD et al. 1986, 1987, 1989]. Depuis, d’autres études ont confirmé le rôle des

concentrations en 6-TGN élevées dans la survenue de toxicités hématologiques [ANDOH et

al. 2008; DUBINSKY et al. 2000; NGUYEN et al. 2010]. La concentration toxique en 6-TGN se

situerait aux alentours de 400 pmol/8x108 GR bien qu’aucun seuil n’ait clairement été

démontré [DUBINSKY et al. 2000; HINDORF et al. 2006b]. De manière générale, une relation

inverse est retrouvée entre la concentration en 6-TGN et le nombre de leucocytes [OHTSUKA et al. 2010].

Par ailleurs, des auteurs ont décrit une augmentation du risque de myélotoxicité chez les patients ayant des concentrations intra-érythrocytaires élevées en dérivés méthylés. Dans une étude prospective de Hindorf et al. incluant 60 patients, parmi les 10 cas de myélotoxicité observés, seuls 2 patients étaient porteurs d’un déficit en TPMT et les concentrations en 6-TGN n’étaient pas non plus associées au développement des cas de myélotoxicité [HINDORF et al. 2006a]. Une régression logistique a permis de mettre en

évidence que le seul facteur indépendant associé à la myélotoxicité était la concentration intra-érythrocytaire maximale en 6-MeTIMP (OR : 25,1; IC95% : [1,4-467,1] ; p=0,03), les concentrations en 6-MeTIMP étant en moyenne significativement plus élevées parmi les

cas de myélotoxicité (10450 vs. 4550 pmol/8x108 GR ; p=0,046) [HINDORF et al. 2006a]. De

plus, un cas clinique récent a rapporté de manière similaire l’apparition d’une myélosuppression profonde chez un patient ayant des 6-MMPN très élevés à 19000

pmol/8x108 GR, en lien avec une activité TPMT très élevée [SEINEN et al. 2013b].

Intérêt de la TPMT

La concentration intra-érythrocytaire en 6-TGN est inversement corrélée à l’activité TPMT. Ainsi, une activité TPMT basse est fortement associée à des concentrations en 6-

TGN élevées potentiellement toxiques [DUBINSKY et al. 2000; LENNARD et al. 1987, 1989;

SCHÜTZ et al. 1993, 1996]. Il a été retrouvé une surreprésentation supérieure à 6 fois des

patients ayant une activité basse ou intermédiaire parmi les cas de myélotoxicité dus aux

thiopurines dans les LAL [EVANS et al. 2001]. Les patients ayant une activité TPMT basse,

porteurs de deux variants alléliques, ont un métabolisme des thiopurines préférentiellement orienté vers la formation des 6-TGN via la voie de l’HPRT et sont, par

voie de conséquence, prédisposés à la toxicité hématologique [ANSARI et al. 2002a;

CAMPBELL et al. 2002; GARDINER et al. 2006; GISBERT & GOMOLLON 2008; ZELINKOVA et al.

2006]. Ces patients sont à très haut risque de myélosuppression potentiellement mortelle

s’ils reçoivent une posologie standard en thiopurines [LENNARD et al. 1987, 1989]. Cette

hypothèse a été confirmée par l’utilisation d’un modèle murin invalidé pour le gène TPMT [HARTFORD et al. 2007]. Concernant les patients ayant une activité TPMT intermédiaire,

hétérozygotes pour le génotype TPMT, une large méta-analyse – 47 études, 4306 patients – a montré un risque relatif de développer une leucopénie (leucocytes < 1,0 G/L ou < 4,0 G/L selon les études) environ 5 fois plus important par comparaison aux patients ayant

une activité TPMT élevée (OR : 4,9 ;IC95%, 3,20-5,48; p=0,001) [HIGGS et al. 2010].

Cependant, cette méta-analyse incluait des études prospectives et rétrospectives relativement hétérogènes, une définition variable de la leucopénie, moyenne (< 4,0 G/L) à profonde (<1,0 G/L), et différentes méthodes de dosage de l’activité TPMT. Par ailleurs, une réduction de posologie entre 50 % et 90 % peut permettre aux patients ayant une activité TPMT, respectivement, intermédiaire ou basse, de bénéficier d’un traitement par thiopurine en l’absence de toxicité hématologique [ANDERSEN et al. 1998; EVANS et al. 1991;

KASKAS et al. 2003; MEGGITT et al. 2006].

A l’exception de celle de Dubinsky et al. en 2000, la totalité des études cliniques sur la TPMT sont des études rétrospectives. Récemment, une grande étude pharmacogénétique prospective – étude TARGET –, incluant 333 patients et ayant pour but d’évaluer l’intérêt du génotypage de la TPMT pour la prévention des effets indésirables, a comparé un groupe de patients avec une stratégie d’adaptation posologique en fonction du génotype

TPMT à un groupe contrôle [NEWMAN et al. 2011]. Cette étude n’a pas montré de

différences dans la survenue de neutropénie ni entre les deux groupes de patients, ni en comparant les patients hétérozygotes aux patients sauvages pour la TPMT. Cependant, il s’est avéré que les patients du groupe contrôle pour lequel le résultat du génotypage n’était pas communiqué au médecin, recevaient des doses initiales d’azathioprine

inférieures de moitié (0,8-0,9 mg/kg/jour) aux posologies usuelles [NEWMAN et al. 2011].

De plus, les posologies étaient toujours faibles (1,6-1,7 mg/kg/jour) après 4 mois de traitement, en lien avec une absence globale d’efficacité du traitement parmi l’ensemble des patients de cette étude.

Enfin, même si la quasi-totalité des patients présentant une activité TPMT intermédiaire ou faible et traités par une posologie standard en thiopurine vont développer une myélosuppression, un déficit en TPMT n’est retrouvé que chez un quart des patients

4.3 Toxicité hépatique

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