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I. DEVELOPPEMENT ET REPRESENTATION CHEZ L’ENFANT

1. LA THEORIE PIAGETIENNE

Pour Jean PIAGET, l’origine de la pensée humaine ne naît pas de la simple sensation, elle n’est pas non plus un élément inné. Elle se construit progressivement lorsque l’individu, et tout particulièrement l’enfant, entre en contact avec le monde. Grâce à ces contacts répétés, l’enfant développe des unités élémentaires de l’activité intellectuelle, appelé schèmes. Ces schèmes se transforment par l’existence de trois mécanismes majeurs :

 L’assimilation : à chaque fois que l’enfant va percevoir un objet (physique ou psychique), il va essayer de l’assimiler. L’individu incorpore des éléments extérieurs à sa propre structure.

 L’accommodation : l’individu modifie un schème déjà existant dans sa structure en fonction des modifications du monde extérieur.

 L’adaptation : elle correspond à une mise en équilibre progressive entre un mécanisme assimilateur et une accommodation complémentaire.

Pour l’auteur, l’assimilation et l’accommodation sont au centre des premières représentations chez l’enfant.

Par ailleurs, il distingue dans le développement des structures de l’intelligence divers stades caractéristiques, devenus une référence dans l’étude de l’enfant.

1.1.

Le stade de l’intelligence sensori-motrice (0-2 ans)

Il s’agit d’une intelligence sans pensée, sans représentation, sans langage, sans concept, sans fonction symbolique. L’enfant, à cet âge, est alors uniquement doté d’une intelligence pratique, déterminée en présence de l’objet, des personnes (surtout la mère ou personne

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maternante), des situations, et possible principalement par les perceptions et les mouvements, équivalant à une coordination sensori-motrice des actions.

Au cours de cette période, les principales acquisitions de l’enfant sont la causalité, la permanence de l’objet et la représentation symbolique.

L’auteur distingue 6 sous stades dans cette période, chacun se marquant par une évolution qui se traduit par l'utilisation d'une nouvelle technique:

 1er stade (de 0 à 1 mois), celui de l'exercice des réflexes : l'enfant utilise les réflexes innés. Ces schèmes primitifs commencent à changer et à s'harmoniser grâce à de minuscules épisodes d'accommodation. L’enfant n’a aucune réaction suite à la disparition d’un objet.

 2ème stade (de 1 à 4 mois), celui des réactions circulaires primaires : il y a accommodation accrue des schèmes fondamentaux, que le bébé pratique à répétition. Il y a des actions simples et répétitives du nourrisson sur son propre corps. L’enfant a une réaction émotionnelle (pleurs, cris, etc.) à la disparition de l’objet mais n’entreprend aucune recherche.

 3ème stade (de 4 à 8 mois), celui des réactions circulaires secondaires : le bébé devient de plus en plus conscient des événements extérieurs à son corps et les provoque lui-même à répétition. Il acquiert la permanence pratique, il revient au jouet qu’il a laissé. Par contre, si on pose un linge dessus il ne le cherche pas sauf si c’est lui qui l’a mis dessous (ou s’il voit une partie de l’objet, qui fait sens pour lui, dépasser). Il n’a alors pas encore la possibilité de se représenter ce qui n’est pas visible à ses yeux.

 4ème stade (de 8 à 12 mois), celle de la coordination des schèmes secondaires : le nourrisson commence à comprendre les liens de causalité et passe à la vitesse supérieure dans ses démarches exploratoires. Il y a alors la présence de comportements intentionnels. Le bébé a un but précis et il planifie le moyen de l'atteindre. Le bébé recherche systématiquement l’objet. Cependant sa représentation de l’objet n’est pas encore parfaite, il commet l’erreur dite du « stade IV » (ou erreur A non B) : lors du déplacement visible de l'objet il le recherche là où il l’a précédemment trouvé et non pas nécessairement là où il a disparu.

 5ème stade (de 12 à 18 mois), celui des réactions circulaires tertiaires : il y a une exploration de l'environnement plus systématique. Le bébé ne répète qu’une action, mais en y introduisant des variations pour tester leur effet. Le bébé résout le problème du stade précédent tant que les déplacements de l’objet sont visibles. S’ils sont invisibles (par

exemple on met l’objet dans une main et on le met, sans que le bébé ne le voie, sous un coussin), le bébé recherche l’objet dans la main et ne cherche pas ailleurs.

 6ème stade (de 18 mois à 24 mois), celui de la représentation symbolique : il acquiert la capacité de former et de manipuler les symboles (mots et images). Il y a l'invention des moyens nouveaux par combinaison mentale des schèmes. On assiste aussi à l'imitation différée. Le bébé est capable de retrouver l’objet même si les déplacements sont invisibles.

Ainsi, la fin de cette première période est marquée par l'accès à la fonction symbolique, « qu’il vaudrait d’ailleurs mieux appeler sémiotique car elle recouvre à la fois les signes arbitraires et sociaux et les symboles qui eux sont motivés (ressemblance entre le symbolisant et le symbolisé) ». Lorsqu'il acquiert cette fonction, le bébé est capable de se représenter des objets et situations non directement perceptibles, à l'aide de signes (mots) ou de symboles (dessins). PIAGET précise que l’intervention de symboles imagés est nécessaire car le système de signes sociaux, c’est-à-dire le langage, ne peut traduire toutes les expériences vécues par l’individu. De même, une même expérience vécue par plusieurs individus différents amènera nécessairement une représentation différente chez chacun d’entre eux. De plus, la symbolisation imagée est primordiale pour évoquer et penser toutes les perceptions reçues par l’individu car le langage est inapte à décrire ce domaine selon PIAGET.

La fonction symbolique est tenue pour acquise lorsqu'on observe chez le bébé cinq types de conduites : l'imitation différée, le jeu symbolique, le dessin, l'image mentale et le langage.

Pour l’auteur, la fin de cette période des activités sensori-motrices marque le passage aux premières activités représentatives, permis essentiellement par l’imitation. Celle-ci s’effectue progressivement, à partir du 2ème stade (celui des réactions circulaires primaires) où ces conduites d’imitation commencent à apparaître. Dès le stade des réactions circulaires secondaires, elles sont intériorisées par l’enfant et deviennent systématiques et surtout intentionnelles ! L’enfant est alors capable par exemple de reproduire un son qu’il connaît. Lors des stades suivants, il sera également capable de reproduire des mouvements déjà exécutés auparavant et demeurant invisibles au moment où il les reproduit : il s’agit alors de l’imitation différée. Cela le mène alors, à la fin de cette période, à la pratique du faire semblant, « faire comme si » : la fonction symbolique se met en place. L’enfant a désormais la capacité d’évoquer un objet, une idée, un signifié malgré l’absence du signifiant. Mais cette distinction se fait également progressivement. En effet, lors de cette période sensori-motrice, il n’y a alors pas encore de représentation car le signifiant (l’objet) n’est donné avec son signifié (la fonction, l’utilité de l’objet en question) que lorsque l’enfant peut le percevoir. Ce n’est que vers 18-20 mois que l’enfant va commencer à se

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1.2.

Le stade de l’intelligence préopératoire (2-6 ans)

PIAGET distingue à nouveau deux périodes successives dans ce stade :

 La période de la pensée symbolique/ préconceptuelle (2-4 ans) : L’enfant est capable de se représenter mentalement ce qu’il évoque.

Cette période est marquée par l’élaboration de premières représentations de gens ou de choses en associant leurs similarités, c’est-à-dire en établissant des « préconcepts ». PIAGET les définit comme des « notions attachées par l’enfant aux premiers signes verbaux dont il acquiert l’usage ». Ils constituent les prémisses de la catégorisation et de la classification.

Cette période est également caractérisée par l’égocentrisme de l’enfant, qui traduit une indifférenciation entre le sujet et l’objet et une confusion entre sa pensée propre et la pensée d’autrui. Il y a alors une incapacité chez l’enfant à se décentrer et à se placer du point de vue d’autrui. Selon PIAGET & INHELDER, dans leur ouvrage L’image mentale chez

l’enfant, cela serait provoqué par un déséquilibre de l’assimilation et de l’accommodation

car l’assimilation serait le processus majeur de cette période. L’enfant va petit à petit se reconstruire le monde sur un plan représentatif, mais pour cela il doit le faire à partir de lui- même : cela explique que l’égocentrisme intellectuel domine à cette période. Sa pensée ne pourra se reposer que sur des choses concrètes, il ne peut encore accéder aux concepts abstraits et généraux.

Par ailleurs, lors de cette période, l’enfant accède au raisonnement transductif : il peut passer d’un cas particulier à un autre cas particulier pour tenter d’en extraire une conclusion, mais le plus souvent celle-ci est encore erronée à cet âge. L’enfant, à ce moment là, ne sait pas encore penser la généralité et reste enfermé dans la particularité. Enfin, l’enfant accède également à la pensée animiste : il peut prêter des caractéristiques humaines (intentions, sentiments, humeurs, conscience) aux objets et évènements en leur attribuant un rôle actif, en fonction de sa propre réalité et non de leurs propres caractéristiques.

 La période intuitive (4-6 ans) :

Elle est marquée par l’intuition, la centration, les précatégories : les collections figurales ou non figurales. Les collections figurales peuvent être des configurations auxquelles l’enfant attribue une signification ou des alignements d’éléments qui se ressemblent ou s’accordent pour des raisons qui changent constamment car il ne saisit pas encore l’utilité d’une règle constante. Les collections non figurales sont des ensembles complémentaires, mais pas

encore des classes logiques, sans hiérarchie inclusive des ensembles d’éléments (l’enfant n’accède donc pas à la notion d’inclusion des classes).

L’équilibre entre l’assimilation et l’accommodation se construit.

L’enfant parvient désormais à envisager les choses comme extérieures de lui-même. Il se libère un peu de son égocentrisme. De plus, ses perceptions visuelles l’aident maintenant à comprendre la réalité sur un mode intuitif, l’amenant souvent vers des conclusions erronées.

Lors de cette période, l’enfant va avoir tendance à se centrer sur un seul aspect de la réalité au détriment des autres aspects, comme s’il ne pouvait en traiter qu’un à la fois : c’est l’effet de centration. Cela va engendrer, par exemple, des difficultés à appréhender de façon correcte la notion de conservation (acquise au stade suivant).

Cette période fait la transition entre la pensée préconceptuelle et la pensée opératoire.

1.3.

Le stade des opérations concrètes ou de l’intelligence opératoire (7-

12 ans)

L’intelligence de l’enfant reste dépendante de la présence dans le champ de perception des éléments sur lesquels l’enfant porte sa réflexion. Son raisonnement reste concret mais devient désormais logique.

Mais cette nouvelle forme d’intelligence est désormais marquée par la réversibilité de toute opération : l’enfant peut concevoir que toute action a son action inverse. L’enfant a désormais une pensée réfléchie et plus mobile.

Lors de cette période, l’enfant acquérir certaines notions telles que les conservations physiques (volume, poids, matière) et spatiales (invariance du nombre, classification, sériation, groupements multiplicatifs en combinant les deux dernières procédures), mais cette pensée procède par tâtonnements précise PIAGET.

1.4.

Le stade des opérations formelles (12-16 ans)

Cette période est caractérisée par 5 éléments : le passage du concret à l’abstrait, la prévision des conséquences à long terme, la logique déductive, et la résolution systématique des problèmes. L’accès à la logique formelle constitue l’ultime étape dans le processus d’adaptation au réel, débuté dès la naissance. L’adolescent parvient à établir des hypothèses détachées du monde concret, à raisonner de façon hypothético-déductive (si….., alors…), et à déduire des conclusions.

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