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THEATRE MAGNETIQUE THEATRE BIOMECANIQUE

Jusque là la scénographie futuriste, italienne ou russe, a tâtonné vers la mo- dernité véritablement révolutionnaire. Les artistes russes prennent leur envol grâce au théâtre politique, révolutionnaire, qui les pousse vers des pièces engagées d’agit- prop, où en tout cas des constructions neuves et symboliques de la scène. Les artistes italiens quand à eux, synthétisent, jouent avec les différentes disciplines, explorent le Music Hall, le monde des marionnettes, déconstruisent le théâtre, la scénographie telle qu’on la connu aujourd’hui, envisagent de supprimer l’acteur, de se concentrer sur des décors, des évocations de couleur, sur la lumière, enfin font des recherches sans qu’aucune technique ne paraissent fausses ou particulièrement vrais. C’est d’ailleurs le propre d’une avant-garde, de rechercher sans poser de point final. On ne peut donc pas dire que l’invention du théâtre magnétique par Prampolini, ou la théorisation de la biomécanique par Meyerhold est tout ce pour quoi les futuristes ont travaillés. C’est une étape en plus, qui vient après la période symboliste et poli- tique pour Meyerhold1 et après tout ce qui a déjà été cité pour Prampolini. Ce n’est

pas non plus une fracture avec ce qui a été fait avant, ce n’est qu’une étape, une suite logique du parcours, potentiellement plus importante que d’autres, mais c’est tout à fait subjectif. Créé à peu près dans les mêmes années, dans la première moitié des années vingt, le théâtre magnétique de Prampolini et les principes de bioméca- nique à travers la mise en scène du Cocu Magnifique de Meyerhold sont intéressante à étudier. Nous avons vu à plusieurs reprises, que malgré des idéaux proches sinon similaires et inspirés les uns des autres, les artistes italiens et russes ont rarement réalisé des oeuvres véritablement similaire. Principalement pour des questions de contexte probablement, et parce que même si Marinetti ne cessera de proclamer être une influence des futuristes russes, il n’est pas la seule, et qu’au terme de leurs 1. B. PICON-VILAIN, « la mise en scène du Cocu Magnifique de Meyerhold (1922) », Textyles [En ligne], 16 | 1999, mis en ligne le 30 juillet 2012 URL : http://textyles.revues.org/1122 ; DOI : 10.4000/textyles.1122.

1,2. Boite de scène pour le premier qart du Marchand de coeur de Pram- polini et Casavola, 1926, Tempera su cartoncino, 25x35 cm Collezione privata, Roma.

3. Scénograpie de L. Popova pour le

Cocu Magnifique de Crommelynck

Perspective sur le pavillon présentant le Théâtre magnétique à Paris en 1925.

Photo représentant les exercices de Bioméca- nique de Meyerhold.

recherches ils auront d’avantage pris leur liberté du mouvement de Marinetti. Ce- pendant, une fois encore, les recherches de chacun se sont entremêlés et dans un soucis d’ajouter du dynamisme et du mouvement à l’espace scénique, Prampolini et Meyerhold, deux hommes de théâtre influent des deux avant-gardes, se sont tournés vers des principes assez similaire de biomécanique que l’on pourrait résumé comme étant « l’art de se mouvoir synchroniquement - selon un nouvel ordre géométrique »

2. Prampolini ne reprendra pas le terme usité et théorisé par Meyerhold, on retrouve

cependant cette définition en filigrane dans nombreux de ses projets. Mais ce n’est pas le seul principe qui régit sa réflexion. Il n’aura de cesses, avec Balla et Depero notamment, de mettre en forme l’abstrait, de rechercher le “produit expérimentale” notamment en portant son attention sur des objets abandonnés ou mécanique. Il y a une recherche presque sentimentale, émotive en tout cas, dans sa poursuite mé- canique et constructive de la scénographie. On retrouve un peu tout ces principes réunit dans sa scénographie pour la pièce Le marchand de coeur de Casavola en 1926. Dans cet essai scénographie, on retrouve d’ailleurs une veine très soviétique au tra- vail de l’artiste, sans doute dans l’aspect épuré, géométrique, et primaire des cou- leurs. Pour Meyerhold, sa mise en scène étonnante d’une pièce belge prend place dans son « Octobre Théâtral ». En effet, à partir de l’automne 1920 ou Lounatchars- ki nomme Meyerhold au commissariat du peuple à la culture, Meyerhold se lance dans une sorte de guerre civile contre le théâtre réactionnaire. Le journal Vestnik Téatra se fit porte parole du mouvement et parla d’un « front théâtral »3. Si en réa- lité il sera remercié de son poste en 1921 par le même Lounatcharski sous prétexte que « L’enthousiaste Meyerhold enfourcha immédiatement le cheval de bataille du Futurisme et entraîna les avocat de l’ “octobre théâtral” à l’assaut des bastions de l’académisme » et que « [il doit] reconnaître l’incompatibilité de l’extrémisme de Meyerhold avec les exigences de l’administration d’état. ». Si Meyerhold du aban- donner l’idée d’une révolution générale du théâtre russe, il n’aura de cesse après ça 2. M. MARONI, Prampolini futurista, disegni, dipinti, progetti per il teatro 1913-1931, Skira, 2006, p.88 - tra- duction de la citation personnelle.

de continuer la lutte dans son propre théâtre, et le Cocu Magnifique l’année suivante sera un véritable manifeste de ce nouveau théâtre. Et si Prampolini remportera le Grand Prix du Théâtre Mondial4 grâce à sa maquette du théâtre Magnétique, Meye-

rhold recueillera autant de critique violente et houleuse que de véritable salutation de son génie pour sa pièce extrêmement controversée.