4.4 Chaˆınes de Markov stables
5.1.1 Th´ eor` eme ergodique
D´efinition 5.1.1 Une transformationT : (Ω,A)→(Ω,A) d´efinie sur l’espace probabilis´e(Ω,A,P) est dite bijective bimesurable etP-invariante si elle est bi-jective, mesurable, d’inverse mesurable et si P(T(A)) =P(A)pour toutA∈ A.
On note I = {A ∈ A / T(A) = A} la sous-tribu de A form´ee des ´el´ements invariants parT. Une transformation est ergodique si, de plus, A∈ I implique P(A) = 0 ou1.
Remarquons queI ={A∈ A/ T(A) =A}est une sous-tribu de A.
Lien avec les processus stationnaires. Soit X = (Xn)n∈Z un processus r´eel stationnaire d´efini sur l’espace probabilis´e (Ω,A,P). Alors la loi imagePX
est une probabilit´e sur RZ,B(RZ)
. La tribu B(RZ) est celle engendr´ee par les pav´es ´el´ementairesA=Q
k∈ZAko`uAk=Rsauf pour un ensemble fini d’indices k.
La transformationT d´efinie parT(x)i= (xi+1) pourx= (xi)i∈Zv´erifieT(A) = Q
k∈ZAk+1, elle est bijective, bimesurable etP-invariante ; on l’appelle op´erateur de d´ecalage.
On noteJ =X−1(I), la tribu image deI parX.
LorsqueT est ergodique,i.e.P(A) = 0 ou 1 quandA∈ J on dit que le processus X = (Xn)n∈Z est ergodique.
Ce cadre sera celui dans lequel nous utiliserons ces notions.
41
Proposition 5.1.1 SoitT une transformation bijective bimesurable etP-invariante et soitf : (Ω,A)→(R,BR), une application mesurable telle queEf2<∞, alors
Rn(f) = 1 n
n
X
k=1
f ◦Tk L
2
−→n→∞EIf.
Preuve de la proposition 5.1.1. Soit C l’adh´erence dans L2(Ω,A,P) de l’en-veloppe convexe de {f ◦Tk / k ∈ Z}. Alors, par le th´eor`eme de projection orthogonale (voir par exemple, Doukhan, Sifre, th´eor`eme 3.81, page 124, vo-lume 1, 2001), il existe un uniquef ∈C v´erifiantkfk2= inf{kgk2/ g∈C}. Si on d´emontre quekRn(f)k2 →n→∞kfk2, la preuve du th´eor`eme de projection implique aussikRn(f)−fk2 →n→∞0. De plusRn(f) =f +Rn−1(f)◦T. Par suite
kf◦T−fk2≤ kf◦T−Rn−1(f)◦Tk2+ 1
nkfk2+kRn(f)−fk2. LaP-invariance deT implique alors que le premier terme du membre de droite de cette in´egalit´e vautkf−Rn−1(f)k2→0 et donc quef◦T =f. Par suite,fest I-mesurable. Comme Rn(f)→f dansL2, on en d´eduit aussi que EIRn(f)→ EIf =f. Notons alors queEIRn(f) =EIf pour conclure.
Pour prouver kRn(f)k2 →n→∞ kfk2, soit g =P
|j|≤kajf ◦Tj ∈C une com-binaison convexe, telle que kgk2 ≤ kfk2+. Par invariance de T, notons que kRn(g)k2≤ kgk2≤ kfk2+. D’autre part,
kRn(f−g)k2=k
k
X
j=−k
aj(Rn(f)−Rn(f◦Tj))k2≤
k
X
j=−k
ajkRn(f)−Rn(f◦Tj)k2
alors, en utilisant l’invariance, kRn(f)−Rn(f◦Tj)k2≤ 1 n
k+j
X
i=k+1
(kf◦Tjk2+kf◦T−jk2)≤ 2j
nkfk2 (5.1) Par suite kRn(f −g)k2 ≤P
|j|≤k 2jaj
n kfk2 ≤ 2knkfk2 →n→∞ 0. On en d´eduit quekfk2≤lim supnkRn(f)k2≤ kfk2+et le r´esultat suit.
Corollaire 5.1.1 Si on suppose seulement queE|f|<∞, Rn(f)−→L1 n→∞EIf.
Preuve.Il existe une suitegm∈L2telle quekgm−fk1→m→∞0 (on peut mˆeme choisirgm∈L∞). Alors
kRn(f)−EIfk1 ≤ kRn(f −gm)k1+kRn(gm)−EI(gm)k1+kEI(gm−f)k1
≤ 2kf −gmk1+kRn(gm)−EI(gm)k1.
5.1. INTRODUCTION 43 La proposition pr´ec´edente implique donc lim supnkRn(f)−EIfk1≤2kf−gmk1. On conclut en passant `a la limite m→ ∞.
Le th´eor`eme ergodique, objectif de cette section est aussi fond´e sur l’in´egalit´e suivante.
Lemme 5.1.1 (in´egalit´e maximale de Hopf ) SoitT bijective, bimesurable, P-invariante et soitf ∈L1, on poseS0(f) = 0et sik≥1,Sk(f) =Pk
Corollaire 5.1.2 Faisant les hypoth`eses du lemme 5.1.1, on a : P
Le r´esultat suit en sommant les in´egalit´es pr´ec´edentes et en faisant tendrenvers l’infini. En effet,|f|=f∨0−f∧0 etP(R−c >0) +P(R+c <0) =P(|R|> c) pour toute variable al´eatoire r´eelleR.
Th´eor`eme 5.1.1 (ergodique) Soit T bijective, bimesurable, P-invariante et soit f ∈L1, alors
En utilisant le mˆeme principe que pour prouver l’in´egalit´e (5.1), on d´emontre quekRn(g)−Rn(g◦Tj)k∞≤2jkgk∞/n. Par cons´equent
Par suite,
On obtient, alors en utilisant le corollaire 5.1.2, P
Dans le cas g´en´eral, on consid`ere une suite de fonctions born´ees gm telles que kf −gmk1→m→∞0. Alors
Les relations 1) et 2), pr´ec´edentes, impliquent P Ceci est vrai pour chaquec >0, le r´esultat suit.
Pour un processus stationnaire, ce th´eor`eme peut ˆetre reformul´e en consid´erant l’op´erateur de d´ecalageT.
Corollaire 5.1.3 Soit (Xn)n∈Z un processus stationnaire. Si f : RZ → R est
Remarques. Lorsque le processusX est ergodique : 1
5.1. INTRODUCTION 45 Exemples de processus ergodiques. Apr`es ces remarques, nous obtenons exemples suivants de suites ergodiques.
– Une suite i.i.d. est une suite stationnaire est ergodique. On utilise la loi du 0−1 de Kolmogorov.
– Par suite, les sch´emas de Bernoulli sont aussi ergodiques. En effet si la suite X = (Xi)i∈Z est d´efinie a partir d’une suite iid ξ= (ξi)i∈Z et d’une fonction H via l’´equation (4.1), on af◦Ti(X) =f◦H◦Ti(ξ), et par cons´equent, d`es queE|f(X)|est finie, on obtient quen1Pn
i=1f◦Ti(X) converge versE(f(X)).
Ceci ´etant vrai en particulier pour toute les fonctions mesurables born´ees de RZ dansR, on en d´eduit l’ergodicit´e deX.
– Si la relation Cov (f(X0), f(Xn))→0 lorsquen→ ∞pourf ∈ F, une classe de fonctions qui engendre lin´eairement un sous espace vectoriel dense dansL1 dans celui des applications mesurables et born´ees alors la suite est ergodique.
En effet, cette relation implique avec le lemme de Cesaro le fait que 1
n
n
X
k=1
f◦Tk(X)→n→∞Ef(X) dansL1.
Ce r´esultat demeure exact par densit´e pour chaque fonction born´ee. Par suite le corollaire 5.1.3 impliqueEJf(X) =Ef(X) et donc l’ergodicit´e. Les exemples qui suivent sont de ce type.
– Une suite gaussienne stationnaire est ergodique lorsque sa covariance tend vers 0 (une suite constante Xn =ξ0∼ N(0,1) n’est bien sˆur pas ergodique).
Supposons que X0 ∼ N(0,1). Alors, si le d´eveloppement d’Hermite de f s’´ecritf =P∞
k=0ckHk alors
Cov (f(X0), f(Xn)) =
∞
X
k=1
c2k
k!rkn =G(rn)
la fonction G(r) ainsi d´efini est continue sur [−1,1] (G(1) = Ef2(X0)) et G(0) = 0. Ceci conclut `a l’ergodicit´e.
– Les suites faiblement d´ependantes (voir leur d´efinition (5.5)) sont le plus sou-vent ergodiques, comme le prouve le mˆeme raisonnement.
– Un dernier exemple (non d´evelopp´e) est celui des suites associ´ees telles que rn→0. Une suite stationnaire est associ´ee si pour chaque entiernle vecteur Y = (X1, . . . , Xn) est associ´e, c’est `a-dire si
Cov (f(Y), g(Y))≥0
lorsqueE(f2(Y) +g2(Y))<∞et les fonctionsf, g:Rn→Rsont croissantes coordonn´ee par coordonn´ee. Alors si le vecteur (Y, Z)∈Rn+m est associ´e et les fonctions f et gv´erifient
|f(y)−f(y0)| ≤
n
X
i=1
ai|yi−yi0|, |g(z)−g(z0)| ≤
m
X
j=1
bj|zj−zj0|
alors on a la relation1
Cov (f(Y), g(Z))| ≤
n
X
i=1 m
X
j=1
aibjCov (Yi, Zj)
Cette in´egalit´e permet de conclure. Notons enfin que chaque suite iid est associ´ee comme l’est toute fonction “croissante” de suites de ce type.
Application. Soit (Xn)n∈Z une suite stationnaire et ergodique de variables al´eatoires centr´ees et de carr´e int´egrable Alorscdn,p= n−|p|1 Pn
k=|p|+1XkXk−|p|
estime cp = EX0Xp sans biais (c’est-`a-dire, Edcn,p = cp) et cdn,p → cp p.s. et dans L1 (il est consistant). Pour le voir, on applique l’´enonc´e pr´ec´edent avec f(ω) =ω0ωp.
Soit (ξn)n∈Z, par exemple, une suite stationnaire et ergodique telle queEξ02<∞.
Si|a|<1 alors Xn=P∞
k=0akξn−k est une suite stationnaire et ergodique telle queEX02<∞et
Xn=aXn−1+ξn, ∀n∈Z.
De plus, la solution pr´ec´edente est l’unique suite stationnaire satisfaisant cette relation. On l’appelle processus auto-r´egressif d’ordre 1.
A pr´esent, les arguments pr´ec´edents permettent de d´emontrer queacn =Pn
k=2XnXn−1/Pn
k=1Xn2−→
ap.p., si on a aussiEξ0= 0 etEξ0ξp= 0 lorsque p6= 0.