On cherche ici des conditions pour que les th´eor`emes limites obtenus pour des suites ind´ependantes s’´etendent `a des s´eries chronologiques.
Recherchant une ind´ependance asymptotique, on est conduit `a la condition sui-vante
|Cov (f(Xi1, . . . , Xiu), g(Xj1, . . . , Xju))| ≤θrψ(u, v, f, g) (5.5) pour des fonctionsf, gappartenant `a des classesF,Get une suiteθr↓0 lorsque r↑ ∞, et
i1≤ · · ·iu≤j1−r≤j1≤ · · · ≤jv
ici la fonctionψd´epend des fonctionsf, get du nombre de leurs arguments. Un cas particulier classique est celui du m´elange fort pour lequelF =G =L∞ et ψ(u, v, f, g) = 4kfk∞kgk∞. De nombreux exemples de mod`eles satisfont cette condition (voir Doukhan, 1994). La borne sup´erieure desθr v´erifiant l’in´egalit´e pr´ec´edente s’´ecrit dans ce cas
αr= sup{|P(A∩B)−P(A)P(B)|; A∈σ(Xi, i≤0), B∈σ(Xj, j≥r)}
Toutefois cette condition n’est pas satisfaite par certains mod`eles tr`es simples comme
Xn =1
2(Xn−1+ξn)
5.3. COURTE PORT ´EE 53 si la suite ´equidistribu´ee et ind´ependante (ξn) a une loi de Bernoulli ; en effet la condition pr´ec´edente s’´ecrit en termes des tribus engendr´ees par le processus.
Dans ce cas la solution stationnaire s’´ecrit Xn=
∞
X
k=0
2−1−kξn−k= 0, ξnξn−1· · · en base 2
ce qui permet de conclure car il est ais´e de voir que Xm est une fonction de Xn pour n > m. Par suite, l’inclusion des tribus engendr´ees par ces variables permet de conclure : la condition de m´elange fort en termes de tribus n’est ainsi pas satisfaite.
Doukhan et Louhichi (1999) introduisent alors une condition en termes de classes de fonctions lipschitziennes permettant d’´eviter ce type d’inconv´enient.
Introduisons doncL l’ensemble des fonctionsg:Rv→Rpour un entierv≥1, telles quekgk∞= supx∈Rv|g(x)| ≤1 et
Lip(g) = sup
(x1,...,xv)6=(y1,...,yv)
g(x1, . . . , xv)−g(y1, . . . , yv)
|x1−y1|+· · ·+|xv−yv|
Le cadre de d´ependance faible le plus commun est celui pour lequelG =L et respectivement F=L (cas non causal) ouF=B∞ ={f mesurables, kfk∞≤ 1}(cas causal) ; alors on note respectivement
ψ(u, v, f, g) = ψ1(u, v, f, g) =uLip(f) +vLip(g), ψ(u, v, f, g) = ψ10(u, v, f, g) =vLip(g)
De plus les mod`eles d´ej`a ´evoqu´es satisfont leurs conditions. Par exemple les sh´emas de Bernoulli satisfont ces conditions. Ici
θr≥E
H((ξi)i∈Z)−H (ξi)|i|≤r
(la suite (ξi)|i|≤r est celle obtenue en posant 0 pour des indices tels que|i| >
r) et la condition pr´ec´edente s’applique avec ψ01 ou ψ1 selon que le sch´ema de Bernoulli est causal ou pas. Ainsi θr = E|ξ0|P
|i|>r|ai| pour un processus lin´eaireXn=P
iaiξn−i, et le processus est causal lorsque ai = 0 pouri <0.
Des th´eor`emes de limite centrale sont obtenus dans ce cadre.
De nombreuses applications sont d´evelopp´ees dans Ango-Nz´e, Buhlmann et Dou-khan (2002). Nous omettrons ici les r´ef´erences concernant ces techniques car leur lourdeur d´epasse les ambitions de ce cours.
Notons simplement que le cas de fonctiong(x1, . . . , xu) =x1· · ·xu est envisag´e dans le chapitre suivant. Nous indiquons quelques ´etapes de la preuve d’un th´eor`eme de limite centrale.
Les in´egalit´es de moments du chapitre 6 permettent de contrˆolerE|Sn|p et un th´eor`eme de limite centrale s’obtient en utilisant la m´ethode de Lindeberg. Si ESn2 ∼σ2nalors on calcule
∆n=E
f Sn
√n
−f(σN)
pour des fonction de classesC3`a d´eriv´ees born´ees. Il s’agit simplement de prou-ver que ∆n →0 lorsquen→ ∞. Pour y parvenir on consid`ere des suites
q=q(n)<< p=p(n)<< n lorsque n↑ ∞ alors on pose
Sn
√n =U1+· · ·+Uk+V aveck=k(n) =h
n p(n)+q(n)
i et
Uj = 1
√n
(j−1)(p+q)+p
X
i=(j−1)(p+q)+1
Xi
alorskVk2→0 et les variables qui interviennent dans chacun de ces blocs sont d’indices au moins ´ecart´es deq. La propri´et´e de d´ependance faible permet donc de prouver leur ind´ependance asymptotique. Le reste de la preuve suit le cas ind´ependant et utilise un d´eveloppement de Taylor4.
Pour conclure nous rappelons simplement un ´enonc´e adapt´e au cas de suites causales.
Th´eor`eme 5.3.1 (Dedecker & Rio, 1998) Soit(Xn)n∈Z une suite station-naire et ergodique v´erifiantEXn= 0, EXn2= 1 et telle que la s´erie
∞
X
n=0
X0E(Xn|σ(Xk/k≤0))
converge dansL1, on pose Sn =X1+· · ·+Xn, alors la suiteE(X02+ 2X0Sn) admet une limite σ2 telle que
√1
nS[nt] →n→∞σWt, en loi dans l’espace de Skorohod D([0,1]).
Ce th´eor`eme conduit `a des ´enonc´es du type pr´ec´edent pour les mod`eles des chapitres pr´ec´edents (Dedecker et Doukhan, 2003) dans le cadre de d´ependance faible obtenu avec la fonctionψ10.
On admettra ici que des conditions du type pr´ec´edent impliquent de fa¸con na-turelle les th´eor`emes limites d´efinissant la d´ependance faible.
4. voir le lemme 1.1, page 15 du cours d’estimation et introduction aux tests.
Chapitre 6
Moments et cumulants
Ce chapitre est d´edi´e `a la mise en place d’outils importants des s´eries tempo-relles.
L’usage constant de moments repose sur leur importance pour obtenir les pro-pri´et´es asymptotiques de certains estimateurs, moments ou lois limites.
L’usage des cumulants est li´e `a l’estimation spectrale ou multispectrale qui sont d´eterminantes pour l’analyse des s´eries chronologiques. Plus pr´ecis´ement la den-sit´e spectrale d’un processus stationnaire s’´ecrit
g(λ) =
∞
X
k=−∞
Cov (X0, Xk)e−ikλ
Cette fonction ne caract´erise en aucun cas la d´ependance d’un suite non lin´eaire car nous avons d´ej`a exhib´e de telles suites orthogonales et pas ind´ependantes.
Ceci a induit l’introduction de caract´eristiques d’un ordre sup´erieur. Par exemple, la densit´e multispectrale sera d´efinie surCp−1 par
g(λ2, . . . , λp) =
∞
X
k2=−∞
· · ·
∞
X
kp=−∞
κ(X0, Xk2, . . . , Xkp)e−i(k2λ2+···+kpλp)
De plus, les lois gaussiennes sont caract´eris´ees par le fait que leurs cumulants d’ordre>2 sont nuls.
6.1 M´ ethode des moments
Rappelons simplement que la m´ethode des moments permet d’obtenir des th´eor`emes limite grˆace au fait que :
Th´eor`eme 6.1.1 (Feller) SiUn est une suite de variables al´eatoires telle que EUnp →n→∞EUp, pour chaque entier p≥0
55
alors
Un→n→∞U, en loi
si de plus la variableU admet une transform´ee de Fourier analytique au voisi-nage de 0 ; c’est le cas lorsqu’il existeα >0 v´erifiant Eeα|U|<∞.
En effet la propri´et´e d’analycit´e qu’elle implique entraˆıne que la loi de U est bien caract´eris´ee par ses moments.
6.2 D´ efinitions
SoitY = (Y1, . . . , Yk)∈Rk un vecteur al´eatoire, on pose
φY(t) = Eeit·Y =Eexp
i
k
X
j=1
tjYj
, mp(Y) = EY1p1· · ·Ykpk, lorsque
p = (p1, . . . , pk), t= (t1, . . . , tk)∈Rk,
|p| = p1+· · ·+pk =r, E(|Y1|r+· · ·+|Yk|r)<∞.
Notonsp! =p1!· · ·pk!,tp=tp11· · ·tpkksit= (t1, . . . , tk)∈Rketp= (p1, . . . , pk).
Lorsque la condition de moment pr´ec´edente vaut pour un entier r∈N∗, alors la fonctiont7→logφY(t) admet un d´eveloppement de Taylor sous la forme
logφY(t) = X
|p|≤r
i|p|
p!κp(Y)tp+o(|t|r), lorsquet→0
Les coefficients κp(Y) sont appel´es cumulants de Y d’ordre p ∈ Nk lorsque
|p| ≤r.
Rempla¸cant le vecteur Y par un vecteur de dimension s = |p| comportant respectivementp1r´ep´etitions deY1, . . .,pkr´ep´etitions deYk, on se ram`ene au cas o`u p= (1, . . . ,1) et on poseκ(1,...,1)(Y) =κ(Y). De plus, siµ={i1, . . . , iu} ⊂ {1, . . . , k}
κµ(Y) =κ(Yi1, . . . , Yiu), mµ(Y) =m(Yi1, . . . , Yiu).
En identifiant des d´eveloppements de Taylor, Leonov et Shyraev (1959) (voir Rosenblatt, 1985, page 33-34) obtiennent les relations
κ(Y) =
k
X
u=1
(−1)u−1(u−1)! X
µ1,...,µu u
Y
j=1
mµj(Y) (6.1)
m(Y) =
k
X
u=1
X
µ1,...,µu u
Y
j=1
κµj(Y) (6.2)
6.2. D ´EFINITIONS 57 Les sommes pr´ec´edentes sont consid´er´ees sur toutes les partitionsµ1, . . . , µu de l’ensemble{1, . . . , k}. Lorsquet→0, la formule de Taylor et le d´eveloppement de log(1 +T) `a l’origine fournissent successivement
φY(t) = 1 + X
donc, si l’on identifie le coefficient correspondant `a p= (1, . . . ,1) les u−uplets tels quep1+· · ·+pu=psont aussi donn´es par les partitions de{1, . . . , k} au facteur combinatoireu! pr`es qui correspond au nombre de leurs permutations ; on choisit r = k pour d´eriver la relation (6.1), car alors |p| = k, p! = 1 et (it)p =iktk.
Nous rappelons maintenant quelques notions tir´ees du livre de Saulis et Statu-levicius (1991).
Le moments recentr´es sont une forme de g´en´eralisation de la covariance, il sont un indicateur de l’ind´ependance des coordonn´ees d’un vecteur al´eatoire.
L’´enonc´e remarquable suivant de Saulis and Statulevicius (1991) explique bien la nature des cumulants. Il en donne une repr´esentation en termes des moments recentr´es.
Th´eor`eme 6.2.1 (Saulis, Statulevicius (1991))
κ(Y1, . . . , Yk) =
les sommations sont consid´er´ees sur toutes les partitions µ1, . . . , µu de l’en-semble {1, . . . , k} et les nombres entiers Nu(µ1, . . . , µu) ∈
0,(u−1)!∧k
2
! d´efinis pour chacune de ces partitions satisfont aux relations
N(k, u) = X
µ1,...,µu
Nu(µ1, . . . , µu) =
u−1
X
j=1
Ckj(u−j)k−1,
k
X
u=1
N(k, u) = (k−1)!.
La borne utile suivante est obtenue grˆace `a cette repr´esentation
Lemme 6.2.1 Soient Y1, . . . , Yk ∈ R des variables al´eatoires centr´ees. Pour toutk≥1, nous posonsMk= (k−1)!2k−1max1≤i≤kE|Yi|k, alors
|κ(Y1, . . . , Yk)| ≤ Mk, (6.3)
MkMl ≤ Mk+l, sik, l≥2. (6.4) Par cons´equent :
u
Y
i=1
|κp(Y1, . . . , Ypu)| ≤Mp1+···+pu (6.5) Preuve du lemme 6.2.1.Le second point de ce lemme suit de l’in´egalit´e ´el´ementaire a!b! ≤ (a+b)! qui s’´ecrit aussi Ca+ba ≥ 1, et la premi`ere est cons´equence du th´eor`eme 6.2.1 et du lemme suivant
Lemme 6.2.2 Pour tous j, p≥1 et pour toutes variables al´eatoires r´eelles, kc(ξj, ξj−1, . . . , ξ1)kp≤2j max
1≤i≤jkξikjpj (avec kξkq =E1/q|ξ|q) Preuve du lemme 6.2.2.L’in´egalit´e de Jensen implique
kc(ξ1)kp≤ kξ1kp+|Eξ1| ≤2kξ1kp,
PosonsZj =c(ξj, ξj−1, . . . , ξ1), alors Zj =ξj(Zj−1−EZj−1) et par l’in´egalit´e de H¨older,
kξjZj−1kpp≤ kξjkppjkZj−1kppj/(j−1)
par suite, utilisant l’hypoth`ese de r´ecurrence pour le couple (q, j−1) avecq= pj/(j−1), les in´egalit´es de Minkowski et de H¨older donnent
kZjkp ≤ kξjZj−1kp+kξjkp|EZj−1|
≤ 2kξjkpjkZj−1kq, q=p j j−1
≤ 2jkξjkpj max
0≤i<jkξikj−1q(j−1)
≤ 2j max
0≤i≤jkξikjpj
6.3. D ´EPENDANCE ET CUMULANTS 59