I. Modélisation utilisant les théories de transfert de matière existantes
1. Le transfert de matière lors d’une absorption
1.2. Les théories de transfert de matière
Le modèle le plus utilisé pour résoudre les problèmes de transfert de matière lors de l’absorption gaz
liquide est la théorie du double film de Lewis-Whitman développée en 1924. D’autres théories existent
pour modéliser le transfert de matière comme la théorie de pénétration de Higbie introduite en 1935 ou
la théorie de renouvellement de surface de Danckwerts présentée en 1951.
Enfin, des théories mixtes film/pénétration ont vu le jour avec les travaux de Toor et Marchello (1958)
et de Dobbins (1956).
1.2.1. La théorie du double film [Whitman (1923), Lewis et Whitman (1924)]
Le modèle du double film de Whitman suppose l’existence d’un film liquide stagnant adjacent à
l’interface gaz liquide.
Le transfert de matière dans ce film repose uniquement sur la diffusion du CO2, dans le cas d’une
absorption physique, en plus de la cinétique dans le cas d’une absorption chimique. Le reste du liquide
est supposé parfaitement agité (convection) et de concentrations uniformes.
Dans ce modèle, on imagine donc que toute la résistance au transfert côté liquide est située dans un
film mince stagnant à l’interface gaz/liquide.
Astarita et al. (1983) ont montré un profil linéaire de la concentration du CO
2 dans le film liquide avecla loi de Fick en régime stationnaire (figure C.1).
Le coefficient de transfert de matière dans le cas d’une absorption physique s’exprime donc en
fonction de l’épaisseur du film et de la diffusivité du CO2:
k
L0=
DCO279
Figure C.1. Profil de concentration de soluté transféré de la phase liquide vers la phase gazeuse selon la théorie du double film lors d’une absorption physique
L’absorption chimique
Lors de l’absorption chimique, la concentration de CO2 n’est plus linéaire dans le film suite à la
réaction chimique et suit le profil indiqué dans la figure C.2. Dans ce cas, la consommation du soluté
par la réaction chimique permet une plus grande solubilisation de celui-ci à travers l’interface gaz
liquide. C’est pourquoi l’absorption chimique permet une plus grande capacité de transfert de matière
de la phase gazeuse vers la phase liquide par rapport à une absorption purement physique.
Figure C.2. Profil de concentration de soluté transféré de la phase liquide
80
1.2.1. La théorie de pénétration [Higbie (1935), Danckwerts (1970)]
La théorie de Higbie (1935), dite théorie de « pénétration », suppose un phénomène de transfert
instationnaire où des éléments du fluide sont ramenés à la surface par convection pour être en contact
avec le gaz pendant un certain temps tc, puis sont remélangés dans le liquide.
En effet, le temps de contact entre le gaz et le liquide n’est pas assez long pour que le régime
permanent s’établisse. Les paquets de liquide sont continuellement ramenés à l’interface gaz/liquide
sous forme de « tourbillons » pour rester en contact avec le gaz pendant un temps tc court et constant.
La vitesse d’absorption physique dépend donc du temps d’exposition des éléments liquides.
Ainsi, le bilan de matière est effectué sur le CO2 en régime transitoire avec uniquement les termes de
diffusion et d’accumulation. Selon cette théorie, la condition limite à l’interface est la concentration de
CO2 à l’équilibre [CO2]i tandis que celle à l’infini (loin de l’interface) est la concentration initiale de
CO2.
L’intégration du bilan de matière en régime instationnaire conduit à l’expression suivante du
coefficient de transfert de matière côté liquide :
k
L0(t) = 2 √
DCO2πt
(C.6)
1.2.2. La théorie de renouvellement de surface [Danckwerts (1951), (1970)]
La théorie de renouvellement de surface émise par Danckwerts (1951) est similaire à la théorie de
pénétration où les éléments de fluide se renouvellent à la surface mais pour des temps de contact qui
ne sont pas constants, dû au caractère aléatoire du mouvement du liquide. Ainsi, des éléments situés au
sein du liquide remontent à l’interface gaz liquide et leur temps d’exposition avec le gaz n’est pas
constant. La surface est ensuite renouvelée à une fréquence de renouvellement s.
Le bilan de matière est similaire à celui de Higbie, mais une distribution d’âges est prise en compte et
supposée indépendante de la fréquence de renouvellement. Le coefficient de transfert de matière
physique dans ce cas s’exprime selon l’équation C.7.
k
L0= 2 √D
CO2s (C.7)
Enfin, plusieurs variantes de la théorie de Danckwerts existent et sont reportées par Skelland et Tedder
(1987).
1.2.3. Les théories mixtes [Toor et Marchello (1958), Dobbins (1956)]
La théorie de la pénétration du film s’inspire de la théorie du double film et de la théorie de
pénétration. En effet, elle repose sur le fait que la résistance totale au transfert est bien localisée dans
un film mais que la capacité du film n’est pas négligeable devant la masse du fluide. Ainsi, il y a
transfert instationnaire mais de profondeur finie : l’épaisseur du film. Le bilan sur le CO2 effectué en
régime transitoire est similaire à celui de Higbie mais la condition (aux limites) à l’infini devient finie
(δL) et reste égale à la concentration initiale de CO2.
Roustan (2003) présente une expression de kL approchée à travers l’intégration du bilan de matière.
k
L0=
DCO2δL
[1 +
3Y1+
π22Y] avec Y =
DCO2 tc81
Il est intéressant de remarquer que pour des temps très longs et par conséquent de grandes valeurs de
Y, le modèle rejoint celui du film puisque :
k
L0 t→∞→
DCO2δL
(C.9)
En revanche, pour des temps courts correspondant à des faibles valeurs de Y, le modèle rejoint celui
de Higbie :
k
L0 t→0→ 2 √
DCO2πt
(C.10)
Enfin, Dobbins (1956) affirme que la théorie de renouvellement de surface est applicable uniquement
pour des fréquences s élevées. Ainsi, en partant de la théorie de Danckwerts, ils proposent une
expression de kL
0:
k
L0= √D
CO2s coth(√
s δL2DCO2