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CHAPITRE 5 : DISCUSSION GENERALE

5.3. De la théorie à la pratique

Un des objectifs de l’utilisation de questionnaires brefs et rapides repose sur l’amélioration du suivi de la personne (e.g. évolution de l’estime de soi chez des personnes dépressives). L’un des problèmes qui se pose à l’étude de la dynamique de tout construit

psychologique est l’obtention de nombreuses mesures répétées, qui permettent de constituer les séries temporelles (Jason et al., 1999), surtout dans le cadre d’analyses fractales. Afin de pallier à ce problème et de permettre une appréhension rapide du comportement, des travaux devront s’attacher à discriminer des indices généraux du fonctionnement des dimensions auto- évaluatives. Aussi, afin d’entreprendre une telle perspective, trois points doivent être clarifiés. Dans un premier temps, il s’agit de vérifier si les propriétés du modèle à long terme se retrouvent pour un fonctionnement à court terme. Une hypothèse supposerait que le coefficient de moyenne mobile θ soit un indice à moindre échelle du fonctionnement fractal des séries. La relation entre ce paramètre et l’exposant H de Hurst nécessite d’être approfondie. D’un autre côté, il se peut que le comportement observé sur une série courte ne reflète pas nécessairement en terme de stabilité, de stationnarité ou de processus sous-jacents, le comportement observé pour une longue période de temps. De tels arguments ont été avancés par Madison (2001) concernant la réalisation de tâches de tapping. Dans ce cas précis, la détermination d’indices de fonctionnement pour les séries courtes est également nécessaire. Dans le cadre d’un travail mené sur des séries courtes, se pose évidemment le problème de la longueur minimale des séries. Selon Cook et Campbell (1979), 50 observations suffisent à déterminer de manière satisfaisante les modèles ARIMA. Cependant, après avoir testé plusieurs longueurs d’une même série, nous avons pu mettre en évidence que l’adéquation du modèle aux données était plus facilement réalisable et satisfaisante pour davantage d’observations (environ 150). Bien que 50 mesures répétées soient parfois suffisantes pour la modélisation, ce nombre rend plus difficile la phase d’identification du modèle ARIMA (Velicer & Harrop, 1983).

Afin de rendre possible la détermination d’indices de fonctionnement, il s’agit dans un second temps de s’assurer de la robustesse de nos résultats. Selon Wagenmakers et al. (in press), certains processus à court terme, tels qu’un modèle auto-régressif associé à un bruit blanc indépendant, peuvent générer des spectres de puissance comparables à ceux du comportement 1/f. Les auteurs proposent l’application de différenciations fractionnaires (procédures ARFIMA, Granger & Joyeux, 1980 ; Hosking, 1981, 1984), afin de discriminer entre ces deux hypothèses (dépendances temporelles à court ou à long terme). Nous n’avons pas réalisé ce type d’analyse et la question de l’authenticité du comportement fractal de nos séries reste en suspens. Il est nécessaire à l’avenir de vérifier ce second point. L’objectif serait de définir une ou plusieurs statistiques inférentielles permettant de discriminer ces deux fonctionnements. Toutefois, le modèle de moyenne mobile obtenu, ainsi que la nature fractale

de nos séries rendent compte, à la fois, de nos données et de la théorie.

Une autre perspective consisterait à tenter de reproduire, par simulation, le fonctionnement du système. Un certain nombre de travaux (Granger, 1980, Pressing, 1999 ; Wagenmakers et al., in press), suggèrent que le comportement fractal peut émerger de l’agrégation de multiples processus linéaires (de type auto-régressif ou de moyenne mobile), fonctionnant sur des échelles de temps différentes. Haussdorf et Peng (1996) suggèrent même qu’un tel comportement pourrait émerger de l’agrégation de processus de bruit blanc, sous certaines conditions. Le caractère multidimensionel du soi et la nature fractale des séries temporelles qu’il produit incitent, en effet, à concevoir son fonctionnement comme celui d’un système complexe d’éléments interconnectés. Une simulation sous forme d’automate cellulaire hiérarchique paraît à ce titre envisageable (voir par exemple Vallacher et Nowak, 1997). Considérant le modèle de Fox et Corbin (1989) comme une vision sur-simplifiée du système, on pourrait considérer de manière plus large un modèle à k niveaux. Le modèle ne possèderait qu’une cellule au niveau supérieur, reliée au niveau inférieur avec n cellules, elles-mêmes reliées à n cellules au niveau sous-jacent. Un tel modèle présenterait donc une structure hiérarchique similaire à celui du modèle initial de Fox et Corbin, avec ni-1 cellules à chaque niveau, i variant de 1 à k en partant du niveau supérieur.

Les règles de fonctionnement du modèle restent à définir. Au niveau cellulaire, il serait tentant de doter chaque cellule d’un processus de moyenne mobile, avec différentiation sans constante, tel que celui que nous avons mis en évidence dans nos séries. Au vu de la littérature sur le sujet, il semblerait important, de doter ces cellules d’échelles de temps différentes (Haussdorf & Peng, 1996 ; Pressing, 1999 ; Wagenmakers et al., in press). Enfin il serait nécessaire de doter cet automate de règles de diffusion de l’information de cellule à cellule, c’est-à-dire dans la logique hiérarchique de niveau à niveau. Les résultats de l’étude préliminaire décrite précédemment nous inciteraient à opter pour une diffusion réciproque des informations, oscillant dans une logique auto-régressive entre les flux ascendant et descendant.

Le fonctionnement d’un tel automate pourrait alors être évalué au travers de séries temporelles produites par des cellules situées dans les niveaux supérieurs du modèle, sensées correspondre aux dimensions évaluatives sur lesquelles nous avons travaillé. Les résultats obtenus sur nos séries empiriques semblent posséder des caractéristiques suffisamment précises (obtention d’une pente linéaire dans le spectre de puissance en coordonnées log-log, y compris pour les hautes fréquences, aucun phénomène de cross-over dans les analyses de dispersion), pour fournir des critères de discrimination des résultats obtenus par simulation. On devrait alors être en mesure de tester diverses combinaisons de règles de fonctionnement de l’automate, afin de cerner (1) si un tel automate est capable de générer des séries fractales similaires à celles que nous avons observées empiriquement, et (2) quelles seraient les combinaisons de règle permettant d’approcher au plus près les signatures fractales que nous avons relevé.