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La théorie des perspectives

Chapitre 1- Comment mesurer les préférences ? Méthodes et théories

1.3 Les critères de choix

1.3.2. La théorie des perspectives

Parmi les théories des choix dans le risque alternatives à la TEU, la plus remarquable est sans doute la théorie des perspectives (Kahneman et Tversky 1979). Cette théorie a été développée afin de pouvoir expliquer un certain nombre de comportements incohérents avec la TEU. Elle généralise la TEU en y rajoutant deux éléments supplémentaires :

1) La fonction de valeur : La fonction d’utilité de Von Neumann et Morgenstern est remplacée par une fonction de valeur. Elle admet un point de référence et les pertes et gains sont considérés à partir de ce point. Le point de référence peut être le statu quo. Cette fonction de

15 Dans toutes les démonstrations, pour simplicité, nous avons décrit le cas ou l'ensemble des conséquences et dénombrable. Les démonstrations sont généralisables au cas où l'ensemble des conséquences est indénombrable.

valeur a une pente plus forte dans la zone des pertes que dans la zone des gains, ce qui reflète une surpondération des pertes par rapport aux gains, c'est-à-dire une « aversion aux pertes16 ». Elle est concave dans la zone des gains et convexe dans la zone des pertes. Cela se traduit de la manière suivante: la variation du poids des gains est décroissante en s'éloignant du point de référence. Par exemple, le premier 1000 euros gagnés (depuis le point de référence) a plus de valeur que le deuxième millier d'euros (passage entre 1000 et 2000), et ainsi de suite. P our le domaine des pertes, la convexité peut s'expliquer avec l'exemple suivant : un individu est prêt à prendre des mesures pour éviter la perte de 1000 euros qui lui semble pénible, mais la même personne ne fait pas autant d'effort pour réduire une perte de 10000 à 9000, car la perte du neuvième millier d'euro semble moins pénible que le premier. La forme de la fonction de valeur est définie comme suit (Tversky et Kahneman, 1992):

𝑣 𝑥 =

𝑥

𝛼

𝑠𝑖 𝑥 ≥ 0

−𝜆(−𝑥)

𝛼

𝑠𝑖 𝑥 < 0

(1-2)

x est la somme du gain ou de la perte, α détermine la concavité/convexité de la fonction de valeur pour les gains et les pertes, et λ détermine le degré de l'aversion aux pertes. Il y a une aversion aux pertes quand 𝜆 > 1.

1) La fonction de poids décisionnelle : Les valeurs ne sont pas pondérées par les probabilités, comme dans la TEU, mais par des poids décisionnels. La fonction des poids décisionnels w(.) est une fonction qui dépend des probabilités objectives p. w est une fonction sous additive17. Elle implique la sous-estimation des probabilités fortes et la surestimation des probabilités faibles (figure 2.3). Cette fonction est définie par Tversky et Kahneman (1992) de la façon suivante:

𝑤 𝑝 = 𝑝

𝛽

( 𝑝

𝛽

+ 1 − 𝑝

𝛽

)

1/𝛽

(1-3)

17 Le fait que la fonction de poids décisionnelle soit sous additive, c’est à dire que w(p)+w(1 -p) < 1, montre en général un certain pessimisme. (Kahneman et Tversky 1979)

Exemple de l'aversion aux pertes (Kahneman et al., 1991)

Question A : suite à un retard de

production, les acheteurs d'une marque populaire de voiture doivent maintenant attendre deux mois avant d'être livrés. Le vendeur, qui vendait cette voiture au

prix du catalogue, décide de la vendre

maintenant 200 dollars plus cher. Vous jugez cette pratique:

Acceptable (29%), injuste,(71%) N=123

Question B : suite à un retard de

production, les acheteurs d'une marque populaire de voiture doivent maintenant attendre deux mois avant d'être livrés. Le vendeur, qui vendait ces voitures avec une réduction de 200 dollars, décide de les vendre maintenant au prix

du catalogue. Vous jugez cette

pratique:

Acceptable (58%), injuste (42%) N=123

L’imposition d'une surcharge (considérée comme une perte) est jugée plus injuste que la suppression d'une réduction (considérée c omme une diminution de gain).

p est la probabilité objective d'un gain ou d'une perte, β un paramètre tel que 0 < 𝛽 < 1 . Si 𝛽 = 1, 𝑤 𝑝 = 𝑝 et les poids décisionnels sont les probabilités objectives. Lorsque β diminue de 1 vers 0, les grandes probabilités sont de plus en plus sous -estimées et les petites probabilités sont de plus en plus surestimées.

Figure 2.3. Fonction de pondération des probabilités

Schmidt et al. (2008) ont suggéré une troisième génération de la théorie des perspectives (TP3)18 qui possède davantage de pouvoirs explicatifs. Ils ont conservé les notions de fonction de valeur et la pondération des probabilités. La seule différence de cette version avec les versions antérieures est qu’elle permet que le point de référence soit une loterie. Supposons trois loteries f, g et h, appartenant à F. Lorsque le point de référence est la loterie h, 𝑓 ≻𝑕 𝑔 signifie que f est préféré à g, vu depuis

h. Ce point de référence, h, peut être le statu quo. La fonction de la valeur relative est notée 𝑣(𝑓𝑖, 𝑕𝑖). Elle peut être interprétée comme la désirabilité de la conséquence de f dans l'état du monde si, comparée avec la conséquence de h dans le même état. La fonction est croissante dans le premier élément. Lorsque f et h donnent le même résultat dans l'état i, c'est-à-dire, 𝑓𝑖 = 𝑕𝑖 alors 𝑣(𝑓𝑖, 𝑕𝑖) = 0.

18 La deuxième génération comprend les théo ries qui considèrent la fonction de poids décisionnels de manière cumulative, par exemple Starmer et Sugden, (1989) et Tversky et Kahneman (1992). 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0,01 0,11 0,21 0,31 0,41 0,51 0,61 0,71 0,81 0,91 w( p ) p β=0,5 β=0,7 β=1

Schmidt et al. (2008) définissent la fonction de valeur relative de la manière suivante:

𝑣(𝑓

𝑖

, 𝑕

𝑖

) = 𝑢(𝑓

𝑖

− 𝑕

𝑖

)

(1-4)

A ve c u ( . ) l ' é qu i va le n t d e l a f on c t io n de va le ur , dé f in i e te l q ue :

∀𝑧 > 0, 𝑢 −𝑧 = −𝜆𝑢(𝑧)

.

Le critère de choix de la théorie des perspectives est la fonction 𝑉 𝑓, 𝑕

qui est l'espérance de la fonction de valeur relative. Elle attribue une

valeur à chaque f, vu depuis n'importe quelle référence h. Etant donné

1-4, nous pouvons écrire ce critère de manière suivante:

𝑉 𝑓, 𝑕 = 𝑢(𝑓

𝑖

− 𝑕

𝑖

)𝑊(𝑠

𝑖

; 𝑓, 𝑕)

𝑛

𝑖=1

(1-5)

Où 𝑊(𝑠𝑖; 𝑓, 𝑕) est le poids décisionnel attribué à l'état du monde si

lorsque f est évalué depuis h.

Dans la TP3, à la différence de la version originale de l a TP, les probabilités cumulées sont prises en compte à la place des probabilités simples. Selon cette hypothèse, la probabilité transformée d'un gain est la probabilité transformée de gagner au moins cette somme, moins la probabilité transformée de gagner plus. La somme de toutes les probabilités transformées doit être égale à un. Cette hypothèse ne sera pas approfondie ici, car dans la suite de ce document, nous allons utiliser une loterie qui ne comporte que deux conséquences possibles. Parmi ces deux conséquences, l'une est consedérée comme un gain par rapport au référence et l'autre comme une perte. Sachant que dans cette théorie les gains et les pertes sont considérés de façon symétrique, et dans ce cas particulier, la prise en compte de la probabilité cumulée ou simple ne changera pas les démonstrations.

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