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Amener des changements dans le climat de la classe

4.6. La théorie de l’équilibre pour expliquer l’influence du feed-back

groupe contrôle (changement en direction opposée). Les auteurs mettent également en évidence une tendance à un lien négatif entre le nombre d’années d’expérience et la réceptivité au feed-back.

4.6. La théorie de l’équilibre pour expliquer l’influence du

feed-back

4.6.1.PETIT VS GRAND DÉSÉQUILIBRE

Les résultats de la recherche de Pambookian (1974) étayent dans un premier temps l’affirmation que le feed-back a des effets sur l’enseignant et, dans un deuxième temps, indiquent que ces effets deviennent plus prononcés lorsque la distance perçue augmente sensiblement. Pour le groupe d’enseignants dont cette distance est moindre, les changements positifs sont effectivement plus difficiles à réaliser, car la marge d’action est petite. Ce qui surprend les auteurs dans ces constatations, c’est la différence significative entre les enseignants dont cette distance perçue est modérée et ceux dont elle est considérable. Ces derniers, malgré l’apparente étendue des potentialités d’amélioration, ne changent que faible- ment, voire dans une direction opposée. A cause d’un état de forte anxiété occasionné par les évaluations, ils deviennent en effet souvent plus rigides dans leurs comportements.

A l’inverse, Rotem et Glasman (1979) indiquent que le feed-back est efficace lorsqu’il est informatif (description des comportements et indications pour d’éventuels changements) et provocant (créant un déséquilibre inconfortable qui encourage à changer). Centra

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(1973a), citant la théorie de l’équilibre, fait l’hypothèse que plus la distance entre les perceptions des élèves et celles de l’enseignant est grande, plus les changements devraient être importants.

4.6.2.LES PRINCIPES DE LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE

Globalement, la théorie de l’équilibre postule que chaque individu a un besoin de cohérence cognitive. Lorsque cette cohérence n’est plus assurée, le sujet va tendre à retrouver un état d’équilibre (Gilly, 1980, chap. VIII). L’équilibre suppose un état (momen- tanément) stable entre les éléments d’un système, autrement dit la position d’une balance au repos. Ce concept d’équilibre ou de ba- lance est analogue à celui de congruence (Osgood & Tannenbaum, 1955) où "The principle of congruity in human thinking can be stated quite succinctly : changes in evaluation are always in the direction of increased congruity with the existing frame of refe- rence" (p. 43) et à celui de dissonance cognitive qui est "un état de tension de plus ou moins grande amplitude selon l’importance des éléments pour l’individu et le degré auquel ils sont réellement conflictuels. Cette tension a une force motivationnelle : l’individu est poussé à réduire les dissonances, soit en diminuant psycholo- giquement l’importance des éléments dissonants, soit en changeant l’un des éléments dans le but de restaurer la consonance" (Newcomb, Turner & Converse, 1970, p. 130).

Si la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1962) a connu, grâce à son ancrage dans le champ de la psychologie sociale, une notoriété plus importante que la théorie de l’équilibre (Heider, 1946, 1958), cette dernière semble néanmoins plus adéquate dans la situation qui nous occupe ici. Sans entrer dans les détails de cette théorie, nous en présentons les principes appliqués à une triade, à savoir l’enseignant (E), l’élève (é) et la perception du comporte- ment par les élèves (C). Pour Heider (1958, p. 202-203), "a triad is balanced when all three of the relations are positive or when two of the relations are negative and one is positive. Imbalance occurs when two of the relations are positive and one is negative. The case of three negative relations is somewhat ambiguous".

Par « relation », on entend (Léonard, 1972) soit une attitude (p.ex. aimer, estimer), soit une union (p.ex. appartenance, proximité, causalité). De plus, chaque élément peut avoir une valence positive ou négative. Ces valences constituent la signification du champ social pour un sujet donné. On peut alors dresser l’inventaire des conditions d’équilibre et de déséquilibre dans le cas de notre triade (figure 8). é E C é E C é E C é E C é E C é E C é E C é E C (a) (b) (c) (d) (e) (f) (g) (h) Equilibre Déséquilibre E : enseignant é : élève C : perception du comportement de l’enseignant par les élèves

Relations positives Relation négatives

FIGURE 8. — Situations d’équilibre et de déséquilibre.

Lorsque l’enseignant reçoit un feed-back et que la distance perçue est importante, il se trouve dans la situation de déséquilibre (f). Pour parvenir à une situation d’équilibre, plusieurs alternatives sont possibles (Gilly, 1980, p. 186). La première solution consiste pour l’enseignant à amener les élèves de sa classe à percevoir de

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manière différente son comportement (a). Ce moyen est visible, par exemple, lorsque l’enseignant explique aux élèves la nécessité de sa sévérité pour leur propre intérêt. La deuxième solution (c) est de changer sa relation vis-à-vis des élèves (du positif vers le négatif). Cependant, cette solution peut être une source contagieuse de tension dans l’ensemble des relations d’enseignement. La troisième solution consistera pour l’enseignant à percevoir momentanément son comportement comme inadapté (d), ce qui l’incitera à l’amé- liorer afin que la distance perçue soit suffisamment faible pour se retrouver dans la situation d’équilibre (a).

4.6.3.CRITIQUES À L’ÉGARD DE LA THÉORIE DE L’ÉQUILIBRE

Le concept d’équilibre – comme celui de balance, de congruence ou de dissonance – a fait l’objet de nombreuses critiques. La principale concerne le manque de précision quant aux situations dans lesquelles la théorie s’applique. Le niveau d’abstraction contextuelle (qui peut être souvent une qualité d’un modèle théorique) ne permet pas de prendre en compte les caractéristiques particulières de chaque situation qu’elle se propose d’expliquer. L’introduction de la publication de Zajonc (1960, p. 280) exprime bien ce problème : "The concept of consistency […] has in recent years been productive of systematic theories and programs of research. […] Consistency doctrines, however, lack specification of the conditions under which their predictions will hold. People like to make sense of their world, but they also seek out the magician to be entertained by incongruity. Historically, the concept of consistency resembles the concept of vacuum in physics – a useful doctrine for organizing knowledge, although full of exceptions and contradictions".

Cet aspect pousse à définir un cadre plus circonscrit (ou mieux le clarifier), avec des limitations (voir p.ex. Léonard, 1972), au risque de ne pouvoir comprendre les phénomènes observés à la lumière de cette théorie. Par exemple, l’origine et la nature des relations peuvent être différentes entre les sujets concernés, ou encore, la relation d’appartenance n’est pas symétrique dans la plupart des

situations. Ces difficultés nous apparaissent très clairement dans la plaisanterie syllogistique de Festinger (cité par Zajonc, 1960) : « J’aime les poulets, les poulets aiment les grains, donc je dois aimer les grains ou alors je risque d’éprouver de l’incongruence ». Une autre faiblesse de cette théorie – qui découle également de la critique susmentionnée – est la difficulté de trouver un point de référence dans la complexité du système de représentation des acteurs concernés. Pour l’enseignant, par exemple, la relation avec l’élève n’est pas vécue de manière aussi triviale que positivement ou négativement. Les diverses facettes de cette relation peuvent être influencées par l’image de l’écolier, des objectifs de change- ment, de l’enseignant type, etc. (Gilly, 1999). Il peut donc en découler des aspects normatifs, mis en évidence chez les élèves par Abernot (1982) sous la dénomination de norme fluctuante.

Finalement, une autre remarque que l’on peut adresser – cette fois plus à l’appropriation par certains auteurs de la théorie de l’équi- libre pour expliquer les changements observés suite au feed-back – concerne les multiples alternatives qui s’ouvrent à l’enseignant lorsqu’il se trouve en situation de déséquilibre. Si Gilly (1980), comme nous l’avons mentionné plus haut, explique que l’issue la plus probable de cette incongruence est un changement manifeste de comportement de la part de l’enseignant, certains auteurs (p.ex. Gage, Runkel & Chatterjee, 196422) suggèrent d’autres options pour l’enseignant : réinterpréter la perception des élèves (c’est-à- dire le feed-back) dans une acception plus proche de ses propres représentations, ou plus simplement encore, tolérer l’asymétrie.

22 Recherche princeps, prototype de toutes les recherches ultérieures dans le champ, selon Gilly (1980).

"The use of student perception data in reflective in-

quiry on teacher education programs has promise as an effective way for preservice teachers to examine the learning environment which they’ve created."

R.A. Duschl & H.C. Waxman (1991, p. 268)

Chapitre 5

Insertion du processus de feed-back