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5.4 vers un processus réflexif

5.5. Obstacles à la formation et perspectives

Les premières difficultés que l’on peut pressentir concernent le partenariat entre le maître de stage27, le superviseur et le stagiaire. Comme dans tout dispositif de formation – spécialement ceux impliquant plusieurs formateurs – ce partenariat nécessite d’être discuté (Desgagné, 1996), et de nombreux facteurs limitent ou empêchent les concertations (Raymond & Lenoir, 1998; Busque & Herry, 1998). Lorsqu’il s’agit d’une méthode de formation laissant une certaine autonomie au stagiaire (par l’auto-évaluation), il faut

27 Nous appelons « maître de stage », l’enseignant sur le terrain qui accueille dans sa classe le stagiaire, et « maître-guide » ou « superviseur », le formateur qui suit l’élève-enseignant dans l’institution de formation des maîtres.

d’autant plus prêter attention au processus de collaboration et de concertation entre les acteurs de cette formation (Bélair, 1999). Néanmoins, ce partenariat peut apparaître "comme un lieu privilé- gié, pour l’enseignant de métier, pour poursuivre, approfondir et parfaire sa propre formation" (Robillard & Saint-Louis, 1998, p. 128).

Un obstacle supplémentaire, lors de la mise en place du dispositif « feed-back - réflexion », est certainement le changement de rôle du maître de stage, dont l’influence sur la formation est central (Boudreau & Baria, 1998). En effet, ce dernier doit faire le deuil d’une part de pouvoir et de suprématie dans l’évaluation formative du stagiaire (Bélair, 1999) puisque les élèves y participent. Sa position peut être difficile à situer, entre une posture d’évaluateur (sommatif) et d’appui, entre un statut de référence pour le stagiaire et une attitude de laisser-faire favorisant l’autonomie (Chenu, 2000). Pour répondre aux besoins de ce type de formation et tenir compte de la diversité des parcours des futurs enseignants, le maître de stage ne doit pas transmettre un savoir, mais plutôt créer des situations (Perrenoud, 1996), saisir les opportunités, observer, écouter, ré-orienter, etc. "Il n’est pas possible en formation […] de simplement – par magie –, convoquer l’auto-évaluation du formé" (Vial, 2000, p. 183). Les compétences d’expert sont difficiles à insuffler au novice mais, à nouveau, ces difficultés relatives à l’encadrement des stagiaires peuvent donner au maître de stage des occasions de réfléchir sur sa propre pratique et de s’améliorer encore (Boutet, 2001).

Un autre aspect qui demande une certaine circonspection concerne l’utilisation du feed-back. Ce dernier "ne peut remplir sa fonction de régulation que pour autant que l’on puisse, ou que l’on veuille bien, l’utiliser et que l’on ne se sente pas trop agressé par un tel instrument ou par ceux qui le manipulent" (Linard, 1974-1975, p. 592). Le danger – bien réel et rencontré fréquemment dans les situations de stage, selon De Ketele (1986) – est que le feed-back (ou l’auto-évaluation) soit employé au détriment du stagiaire. Denton, Calarco et Johnson (1977) mentionnent par exemple que les évaluations des élèves peuvent servir comme un contrôle des

Insertion du processus de feed-back dans la formation des enseignants 89

compétences du stagiaire, ou plus directement pour prendre des décisions par rapport à sa formation. Ceci explique peut-être en partie les réticences voire les résistances que les stagiaires peuvent déployer (Perrenoud, 2001).

Les éléments prometteurs que l’on peut relever, outre les bénéfices attendus en terme d’attitude réflexive, sont multiples. Il y a tout d’abord la « visibilité » des changements qu’offrent les perceptions des élèves (Guskey, 1986) qui est source de renforcement et de motivation. Moos et Otto (1972, p. 37) rapportent que "Regular feedback of process data provides a way to monitor the evolution and function of a system over time and may help to bring about desired changes in program goals". Plusieurs recherches (p.ex. Witt, Noell, LaFleur & Mortenson, 1997) montrent d’ailleurs que le feed-back des élèves est un moyen pour l’enseignant de contrô- ler son comportement (particulièrement lors de la mise en place de nouveaux comportements) en le rendant visible et permettant ainsi de le réguler, bien que les élèves peuvent être parfois lents à remarquer des changements (Bray & Howard, 1980).

Parmi les autres avantages, et de façon très pragmatique, l’emploi de questionnaires peut se révéler utile pour les stagiaires dans la mesure où les différents items reflètent des comportements précis. En effet, si le stagiaire reçoit une évaluation lui indiquant par exemple qu’il ne soutient pas assez ses élèves et qu’il ne sait pas dans quelle direction changer son comportement pour améliorer cela, revenir sur les différents items qui constituent cette mesure de soutien peut lui fournir des pistes utiles (Fraser & O’Brien, 1985). L’objectif n’est pas d’avoir un score de la représentation des élèves pour chaque question, mais bien de voir, par les éléments qui com- posent une dimension, ce que cette dernière mesure exactement et surtout concrètement.

Il est fort difficile de dresser une liste exhaustive de l’ensemble des perspectives liées à l’utilisation du feed-back – telle que nous l’avons présentée dans les développements précédents – tant leurs retombées peuvent être diverses. A ce sujet, dans un plaidoyer pour une réflexion sur la pratique, Perrenoud (1998a, 2001) décrit et

commente une dizaine de raisons de faire de cette posture réflexive un objectif central de la formation initiale des enseignants. Selon cet auteur, réfléchir sur sa pratique peut aider à vivre un métier difficile, favoriser l’accumulation de savoir d’expérience, accrédi- ter une évolution vers la professionnalisation, ouvrir la coopération avec les collègues, accroître les capacités d’innovation dans divers domaines, etc. Certains de ces bénéfices attendus sont également repris par d’autres auteurs, comme par exemple Hertz-Lazarowitz et Od-Cohen (1992) qui mentionnent les répercussions des collabo- rations et échanges au niveau de l’amélioration du climat de l’école (attitudes positives des enseignants, système de soutien plus solide, etc.).

Chapitre 6