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L’attachement des clercs au latin

Chapitre 5 Les théologiens du règne de Charles VI et la langue française

On a souligné au dernier chapitre un certain nombre de théologiens maîtrisant le registre savant de la langue française, au nombre desquels on pourrait très bien inclure Pierre Plaoul. Mais en tant que théologien, Pierre Plaoul n’est pas une figure atypique. On verra que ses collègues immédiats ont eu bon nombre d’occasion de faire état de leur bonne maîtrise, orale ou écrite, de la langue française. En remettant l’œuvre française de Pierre Plaoul dans le contexte élargi des études en théologie, j’espère pouvoir distinguer les tendances qui régissent l’usage de la langue française par les théologiens.

Avant même d’établir la population des universitaires ayant utilisé le français, je crois qu’il importe de donner une vue d’ensemble des docteurs de la faculté de théologie. En usant des mêmes critères méthodologiques énoncés ci-bas, pour la même période de 1380 à 1422, on compte en tout 244 maîtres, dont 141 sont des réguliers contre 103 séculiers. Aussi faut-il toujours garder ces chiffres en tête lorsqu’on considère ceux qui ont utilisé le français : on verra qu’ils ne comptent que pour environ 9% du total.

Méthodologie

La relative étroitesse du volume de données relatives à l’usage du français par les théologiens du règne de Charles VI permet d’user d’une approche prosopographique. Je ferai donc la liste de ces universitaires en me basant essentiellement sur les excellents travaux de Thomas Sulivan237, qui rendent la tâche de recensement incroyablement plus facile que de travailler à partir d’éditions de sources anciennes. Afin d’avoir une vue d’ensemble, il m’a paru nécessaire d’aborder la période au sens large. C’est pourquoi j’ai retenu tous les universitaires, du clergé régulier autant que séculier, ayant été docteurs durant le règne de Charles VI (1380-1422). C’est donc dire que si un théologien a passé le doctorat en 1420, il a été pris en compte, nonobstant que la vaste majorité de son activité intellectuelle en tant que docteur en théologie aura eu lieu après le règne de

237 Sullivan, Parisian Licentiates, op. cit., et Benedictine monks at the university of Paris, AD

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Charles VI. Il en va de même pour la période qui précède le règne de Charles VI : comme l’ouvrage de Sullivan recense les années 1373-1500, ceux qui ont reçu leur doctorat dans les années 1373-1380 sont aussi recensés. Pour maintenir la simplicité de l’enquête, je n’ai pas comptabilisé les théologiens ayant reçu leurs doctorats avant 1373. Pour faire cela il aurait fallu suppléer aux travaux de Sullivan, ce qui aurait représenté une recherche considérable dans d’anciennes séries d’éditions de sources. D’ailleurs, comme les dates de décès de ces théologiens sont souvent très incertaines, on ne peut jamais être certain que ces candidats au doctorat aient vécus jusqu’en 1380, satisfaisant ainsi aux critères de l’enquête. Considérant l’âge moyen où on recevait le doctorat à la fin du Moyen Âge, il est raisonnable de conjecturer, même quand on ignore leur date de décès, que ceux ayant reçu leur doctorat à partir de 1373 vécurent au moins jusqu’en 1380. Les universitaires qui ont seulement été licenciés en théologie n’ont pas été retenus, à l’exception de Jacques Legrand, reconnu pour l’importance de son œuvre en français. Il est d’ailleurs l’exception à la règle puisqu’il est le seul licencié à n’avoir jamais reçu le doctorat à avoir écrit en français. En général, les clercs réguliers sont beaucoup plus nombreux que les séculiers à avoir reçu la licence sans avoir reçu le doctorat.

Le terrain de cette enquête est donc assez vaste, allant du dernier quart du XIVe siècle jusqu’à la moitié du XVe siècle. Comme l’écart chronologique est considérable, je présente donc les entrées dans leur ordre chronologique de réception du doctorat afin de ne pas fausser la vue d’ensemble d’un phénomène étalé sur près d’un siècle. Chaque entrée se concentre essentiellement sur l’usage de la langue française de chaque théologien, avec une attention toute particulière au genre, au niveau de langue, et surtout au contexte de rédaction de chaque contribution. Je donnerai aussi un résumé des informations bibliographique de chaque docteur, en mettant l’accent sur l’origine géographique, l’origine linguistique, les études et sur les réseaux d’influence, intellectuels ou politiques, au sein desquels ils s’inscrivent. Le critère de l’utilisation du français est volontairement très large. Dans certains cas un théologien peut avoir composé plusieurs œuvres originales en français, alors que dans d’autres il peut ne s’agir que d’une comparution devant une cour de justice où ce dernier aura dû s’exprimer en français. Je préciserai aussi chaque occasion où un théologien aura écrit ou parlé en

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français avant même le début de ses études en théologie. Je mentionnerai également tous les cas où l’utilisation du français est explicitement attestée, même si on n’en conserve pas le texte238.

Chaque entrée est intitulée selon le nom français du théologien, de son ordre religieux s’il y a lieu et de sa date d’obtention du doctorat. Sauf si indication contraire, je renvoie aux excellents registres biographiques de Thomas Sullivan, afin d’alléger la bibliographie. Pour les utilisations de la langue française, je donne toutefois des réféfences explicites.