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3. LE STOCKAGE ELECTROCHIMIQUE

3.2. LA TECHNOLOGIE PLOMB-ACIDE

3.2.2. Texture et structure de la matière active positive

Il convient en premier lieu de spécifier ce que nous entendons par « texture » et par « structure », la terminologie utilisée en anglais étant généralement beaucoup moins précise que celle utilisée en français, ce qui tend au final à apporter la même imprécision en français qu’en anglais. Aussi, pour reprendre la terminologie définie dans la référence [19, Rouquérol et al., 2003], la « texture » (dite encore parfois structure morphologique) regroupe la géométrie des particules et celle des pores dans un matériau, et la « structure » (dite encore parfois structure cristallographique) concerne l’arrangement géométrique des atomes (ou des ions) qui constituent le réseau cristallin.

La seconde explication à apporter à ce niveau est le choix, a priori arbitraire, de décrire la matière active positive (ou PAM pour Positive Active Mass en anglais) et non la matière active négative (ou NAM en anglais). Le premier élément de réponse est que ce travail bibliographique a été réalisé en vue de mieux comprendre le phénomène de « coup de fouet » (chapitre 4 § 3), principalement observé au niveau de l’électrode positive. Le second élément de réponse est que l’électrode positive est généralement celle qui limite la durée de vie des batteries plomb-acide, d’où un intérêt globalement supérieur pour la PAM que pour la NAM, la PAM occupant du reste une place beaucoup plus importante dans la littérature. Pour autant, et comme il est souligné dans la référence [20, D’Alkaine et al., 2000] dans laquelle l’électrode négative est étudiée, un travail du même ordre de la NAM mériterait d’être réalisé.

Une description détaillée de la texture de la PAM est notamment proposée dans la référence [21, Dimitrov et al., 2001], ou encore dans la référence [22, Pavlov, 2004] qui récapitule un certain nombre de travaux. La PAM y est ainsi présentée comme un assemblage de particules élémentaires16de PbO2, particules regroupées en agglomérats, eux-mêmes regroupés en agrégats et dont l’interconnexion constitue le squelette :

Figure 6. Schéma de la texture de la matière active positive [21, Dimitrov et al., 2001].

Dans le but de décrire ultérieurement un modèle visant à expliciter l’origine des phénomènes de coup de fouet (chapitre 4 § 3), nous adopterons ici la vue schématique de la matière active positive proposée dans la référence [23, Caumont et al., 2000], elle-même inspirée du modèle de Winsel ou modèle AOS (Aggregate-Of-Spheres) [24, Winsel et al., 1990]. Elle diffère de la présentation

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précédente uniquement en ce sens que le terme d’ « agrégat » y est réservé pour le squelette, associant ainsi les agrégats représentés dans la figure 6 aux agglomérats.

On peut noter ici que selon la terminologie recommandée par l’IUPAC [25, Rouquerol et al., 1994], les agglomérats correspondent à un assemblage de particules liées entre elles de façon rigide, et les agrégats à un assemblage de particules liées entre elles de façon non rigide. En ce sens, la figure 7 tend à respecter cette terminologie.

Figure 7. Schéma de l’électrode positive vue en coupe : deux échelles de grains.

Ce schéma simplifié permet finalement de gagner en clarté, en soulignant notamment les deux niveaux de structure de la matière active présentés comme tels dans de nombreux papiers [26, Pavlov et al., 1984], [27, Pavlov et al., 1986], [28, Pavlov et al., 1987], [29, Pavlov et al., 2000] :

§ la microstructure constituée par les agglomérats ;

§ la macrostructure constituée par les chaînes d’agglomérats.

Nous pouvons souligner ici que cette vue schématique est fidèle à la fois à la description précédente, ainsi qu’aux observations au MEB que nous avons pu faire à partir de divers prélèvements effectués sur nos cellules expérimentales :

(a) (b)

Figure 8. Observations au MEB de la surface de la matière active positive à l’état de pleine charge ; (a) image des

agrégats ; (b) image des agglomérats.

Il est alors important de souligner que cette structure à deux échelles de la matière active entraîne deux types de porosité bien distincts. La porosité, généralement comprise entre 40 % et 60 % selon les fabricants et les applications [30, Ferg et al., 2005], est ainsi constituée :

Séparateur rempli d’électrolyte

(H2SO4 ; 3-5 M)

Matière active positive

(PbO2) et électrolyte (H2SO4 ; 3-5 M)

Couche de corrosion

(PbOn ; 1 < n < 2)

Collecteur

(alliage de plomb) Agglomérat departicules de PbO2

Zones de jonction des agglomérats formant des agrégats, ou « cous des sphères » pour reprendre le modèle de Winsel

§ de mésopores17

et de petits macropores18 au c ur des agglomérats de particules de PbO2 ; § de gros macropores entre les agrégats ou chaînes d’agglomérats.

Figure 9. Schéma de l’électrode positive vue en coupe : deux échelles de pores.

On peut noter au passage que le terme de « micropores » est utilisé dans la figure 9 pour désigner les pores situés au c ur des agglomérats, comme il l’est du reste fait très largement dans la littérature sur le sujet. Toutefois, il s’agit là uniquement d’un problème de nomenclature. Dans ce cas, les auteurs choisissent en effet de souligner la distinction entre les deux catégories de pores qui constituent la PAM, distinction alors faite par rapport au rayon de 100 nm. Si ce choix ne correspond pas à la convention établie par l’IUPAC [25, Rouquerol et al., 1994] (chapitre 4 § 1.3), il se justifie en permettant de simplifier ainsi la description de la PAM. Les spécialistes du domaine de la texture préfèrent néanmoins s’en remettre à la nomenclature en vigueur, exemple donné dans la référence [30, Ferg et al., 2005], dans laquelle les auteurs soulignent ainsi que la PAM ne présente pratiquement pas de micropores, c’est à dire de pores ayant une ouverture inférieure à 2 nm selon la définition de l’IUPAC. C’est la terminologie que nous avons choisie d’adopter dans ce rapport.

A ce stade de la description de la matière active positive, il est intéressant de souligner les faits suivants, très largement acceptés dans la littérature [31, Bode, 1977, p 190-191], [26, Pavlov et al., 1984], [27, Pavlov et al., 1986], [32, Lam et al., 1994, p 263], [30, Ferg et al., 2005] :

§ les mésopores constituent la majeure partie de la surface active (environ 85 % de celle-ci d’après la référence [27, Pavlov et al., 1986]19), c’est à dire de la surface sur laquelle se déroulent les

réactions électrochimiques ;

§ les macropores constituent la majeure partie du volume poreux (environ 70 % de celui-ci d’après la référence [27, Pavlov et al., 1986] 20), assurant ainsi les flux d’espèces entre le volume (côté séparateur) et l’intérieur des plaques, et par suite la conductivité ionique ;

§ le squelette d’agrégats assure quant à lui la tenue mécanique de la matière active, et par suite la conductivité électronique.

Soulignons qu’il ne s’agit là évidemment que de tendances, et qu’il n’apparaît pas possible d’établir de relation univoque entre la porosité, la distribution de taille des pores et celle des particules, et la surface spécifique (§ 1.2). On peut du reste rappeler ici que la matière active positive

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Pores ayant une ouverture comprise entre 2 nm et 50 nm, selon la terminologie recommandée par l’IUPAC [25, Rouquerol et al., 1994].

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Pores ayant une ouverture supérieure à 50 nm, selon cette même terminologie.

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Dans cette Référence, la distinction est faite entre micropores et macropores avec pour délimitation un rayon de 0.1 µm. Les auteurs ont montré que près de 95 % de la surface active est alors due aux micropores. En prenant compte de la terminologie de l’IUPAC et des résultats donnés dans cette Référence, nous obtenons que près de 85 % de la surface active est constituée par les mésopores.

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Les auteurs ont montré que près de 60 % du volume poreux est due aux micropores. Suite à la remarque faite précédemment, nous obtenons ici que près de 70% du volume poreux est constitué par les macropores.

Macropores (d > 100 nm) Mésopores (2 nm < d < 50 nm) + Macropores (50 nm < d < 100 nm)

n’est pas uniquement constituée de PbO2, mais qu’elle présente également des cristaux de PbSO4 dont la contribution viendrait ainsi s’ajouter à la complexité dans la volonté de relier ces différents paramètres, point notamment discuté dans la référence [33, Beketaeva et al., 1990] pour le cas de l’électrode négative.

Pour en revenir à la description de la matière active, il est intéressant de noter ici que certains auteurs en ont rapporté une composition en deux phases distinctes [22, Pavlov, 2004] :

§ une phase de PbO2 cristalline, semi-conducteur électronique dont la bande interdite serait

d’environ 1,4 eV [34, Mindt, 1969] ;

§ une phase de PbO2 amorphe, ou dioxyde de plomb hydraté PbO(OH)2

(PbIVO2 +H2OPbIVO(OH)2), dite encore structure « gel » [35, Pavlov et al., 1989], [36, Pavlov, 1992]. Cette phase se formerait en fin de charge en raison du dégagement d’oxygène à l’électrode positive, pourrait atteindre 30% du PbO2 et jouerait, selon divers auteurs [22, Pavlov, 2004], [37, Fitas et al., 2000], un rôle important dans les performances électrochimiques des batteries plomb-acide, en tant que charnière entre agrégats et conducteur protonique.

Il est enfin à noter que la phase cristalline se présente elle-même sous deux formes allotropiques :

§ une forme orthorhombique, dénommée α-PbO2, présentant un arrangement d’octaèdres en zigzag (Figure 10). Cette variété est produite lors de l’étape de formation de la matière active, à des pH peu acides, sa concentration étant ainsi plus élevée au c ur des plaques (là où la diffusion d’acide est rendue difficile), et tend à décroître au profit de l’espèce β-PbO2 au cours des cycles, référence [38, Brissaud et al., 1997] ;

§ une forme rutile, dénomméeβ-PbO2, présentant un arrangement linéaire d’octaèdres (Figure

10), et offrant une plus grande mobilité électronique que la variétéα-PbO221.

Notons ici que la différence de conductivité électronique entre les deux phases pourrait être expliquée par la présence de défauts de structure en espèce cationique Pb2+, plus nombreux pour la formeα-PbO2que pour la formeβ-PbO2 [39, Rüetschi, 1992].

Figure 10. Arrangement des octaèdres duα-PbO2 et duβ-PbO2 [34, Mindt, 1969].

Si la formeα-PbO2 est souvent associée à la tenue mécanique de la matière active positive et à la durée de vie des batteries plomb-acide, tandis que la forme β-PbO2 est souvent associée à leurs performances électrochimiques et donc à leur capacité [40, Lambert et al., 2000], l’influence du rapport α/β fait néanmoins l’objet de résultats très controversés dans la littérature [39, Rüetschi, 1992], [22, Pavlov, 2004].

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L’ordre de grandeur de la conductivité duα-PbO2 est de 103 S.cm-1, celle duβ-PbO2 de 104 S.cm-1, selon la Référence [34, Mindt, 1969].