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2. DIDACTIQUE DE L’ECRITURE

2.5. TEXTUALISATION (OU MISE EN TEXTE)

« La mise en texte peut être décrite comme l'ensemble des processus par lesquels le rédacteur met sous forme linéaire des « idées » - référents et prédications sur ces référents - qui au départ ne le sont pas, et ce pour atteindre un objectif communicatif. » (Woodley, 1993, cité par Mangenot, 1997b : 160).

La non-superposition des idées et leur textualisation sous forme linéaire est à la source des difficultés dans l’apprentissage de l’écrit étant donné que les idées affluent sans ordre et le souci de les hiérarchiser et de les enchaîner pour écrire un texte bien structuré devrait tenir compte de leur dimension discursive, c’est-à-dire, tenir compte de leur réalité communicative qui suppose la présence d’un lecteur/ récepteur auquel le scripteur doit fournir tous les éléments nécessaires pour le guider dans sa lecture et optimaliser les conditions de celle-ci.

« La nécessité intellectuelle que requiert l’activité scripturale – la linéarisation de l’énoncé en rapport avec l’enchaînement des idées – la transformation de l’ordre de l’oral pour réaliser du scriptural, l’organisation de sa propre énonciation à rendre

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compréhensible pour le destinataire, sont autant de mécanismes à maîtriser dans l’apprentissage de la langue écrite » (Weber, 2008 : 67).

En langue seconde et étrangère, la textualisation est considérée comme une tâche plus difficile, plus laborieuse, plus consommatrice de temps et moins productive qu’en langue maternelle41 : les scripteurs font très souvent des pauses relativement longues, écrivent lentement, produisent de courts textes et recourent souvent à l’utilisation d’un dictionnaire (Silva, 1993 : 661-662) (cf. 2.2. Enseignement/apprentissage de l’écriture). Pour l’équipe de conception du site web EduTIC, c’est « l’activité de rédaction proprement dite. Le scripteur y est confronté à des opérations assez complexes pour générer des énoncés qui doivent être syntaxiquement et grammaticalement acceptables »42.

La textualisation comprend donc le marquage des relations entre des énoncés successifs au moyen de l’intervention des stratégies de cohérence discursives et de cohésion interphrastique. Elle nécessite la disponibilité et le recours à une large diversité de marques linguistiques (Schneuwly, 1988). Elle exige la tenue en compte des contraintes relevant simultanément de la phrase (syntaxe, orthographe, choix lexical, etc.) et du texte (type de texte, cohérence, structure, etc.). Il s’agit de recourir à des opérations (ou des mécanismes) de textualisation dans le but d’assurer la cohésion du texte à produire.

Selon Yves Reuter (2000), les opérations de textualisation concernent la matérialisation en unités et la linéarisation du discours. Quant à Bernard Schneuwly, il identifie ces opérations de textualisation « qui agissent au niveau local de la construction de la chaîne textuelle » (1988 : 39-40). Il postule trois types d’opérations de textualisation : opérations de cohésion, opérations de connexion/segmentation et opérations de modalisation (prise en charge du contenu par l’énonciateur).

Chez Jean-Paul Bronckart (1990), les opérations (ou les mécanismes) de textualisation sont fondamentalement articulés à la linéarité du texte. « [I]ils en explicitent, à l’intention du

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Nos étudiants palestiniens rencontrent des problèmes non négligeables lors de l’activité de textualisation. Ces problèmes sont manifestes quand les étudiants se trouvent dans des situations où écrire un texte en arabe pour s’adresser à l’administration de l’université ou présenter des travaux écrits à leurs enseignants leur est demandé. En partant de ce postulat, il est possible de se rendre compte des difficultés vécues par ces étudiants lors de la rédaction d’un texte en langue étrangère.

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Université du Québec à Trois-Rivières, EduTIC - Didactique du français, Adresse URL : http://www2.uqtr.ca/hee/site_1/index.php?no_fiche=4038&heip=752bcd1cf1a48c3bc358ed003b3ef567 (page consultée le 18 février 2013)

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destinataire, les grandes articulations hiérarchiques, logiques et/ou temporelles. ». Il en distingue trois grandes catégories : la connexion, la cohésion nominale et la cohésion verbale, la prise en charge énonciative43.

Ces catégories s’associent à la prise en charge énonciative pour constituer la cohérence du texte. En effet, la prise en charge énonciative soutient la cohérence pragmatique du texte, « en exprimant les évaluations et leurs sources à l’égard de l’un ou l’autre aspect du contenu thématique. » (Bronckart, 2009 : 30). Ses mécanismes visent à orienter l’interprétation du texte par son/ses lecteurs(s). Ils explicitent le type d’engagement énonciatif de l’auteur du texte et qui confèrent à ce dernier sa cohérence interactive. Parmi ces mécanismes, il y a la distribution des voix et la modalisation.

Les opérations de textualisation sont également une des quatre opérations principales dont se constitue la compétence scripturale d’après Yves Reuter (2000 : 69). Pour lui, ces opérations, concernant l’organisation macro- et micro-structurelle du texte, sont « sous le contrôle de l'articulation contextuelle (avec des paramètres de la situation de communication) de l'articulation intertextuelle (avec les autres messages convoqués : interlocution, références, dialogisme, cadre générique…), de l'articulation cotextuelle (les éléments antérieurs et postérieurs du même message : anaphores, cataphores, cohésion thématique, etc.) ». Pour la mise en place de ces opérations de textualisation, la présence d’une compétence textuelle chez le scripteur est indispensable.

Conclusion

Ce chapitre nous a permis de mieux connaître les difficultés rencontrées par nos apprenants palestiniens lorsqu’ils sont amenés à écrire des textes en français. Ces difficultés n’épargnent pas la production textuelle et y marquent des traces au niveau de la forme et du contenu comme au niveau micro- et macro-textuel. Elles entretiennent des liens étroits avec les représentations de l’écriture, le rapport à l’écrit ainsi que la qualité des enseignements et des activités proposés.

43 Les mécanismes de prise en charge énonciative contribuent à la textualisation : d’une part à préciser quelles sont

les instances responsables des énoncés dans le texte, d’autre part, avec les modalisations, à signaler les évaluations portées à l’égard des énoncés formulés, comme le degré de l’adhésion par exemple. (Canelas-Trevisi & Rosat, 1997 : 29)

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Il paraît donc nécessaire de proposer des activités de production écrite qui rompent avec les pratiques pédagogiques traditionnelles qui se tiennent en classe de langue maternelle et étrangère. Il s’agit des activités qui tiennent compte de la surcharge cognitive et qui sont insérées dans un cadre social où l’apprenant sera amené à produire et à interagir en langue étrangère, et recevra de l’étayage de la part d’un scripteur expérimenté. Les activités prennent alors en considération la présence d’un environnement de rédaction physique et cognitif motivant et favorable à la rédaction.

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CHAPITRE 3

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