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teur et psychologue néo zélandais, discours devant

la Conférence générale à

Montevideo, le 16 novembre

1954.

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Clarence Edward Beeby (1902-1998), éducateur et psycho- logue néo-zélandais, a été influent dans le développement du système éducatif néo-zélandais, comme directeur du Conseil néo-zélandais de la recherche éducative à partir de 1936 puis Ministre de l’Éducation dès 1940. Plus tard il devient ambassadeur en France et fonctionnaire de l’Unesco à Paris. Il contribue aux études et recherches de l’Unesco, qui, dans ses premières années, s’attache à étudier la psychologie des peuples dans le but d’aboutir à la compréhension internationale.

Il prononce ce discours lors de la 8e session de la Confé- rence générale de l’Unesco, réunie à Montevideo, en Uruguay, en novembre 1954.

« Et maintenant, si je puis me tourner vers le programme de l’Unesco, la délégation de Nouvelle-Zélande et la Commission nationale de Nouvelle-Zélande, dont je suis le Président, m’ont demandé de féliciter le Directeur général pour son nouveau programme. Nous croyons que c’est un meilleur programme que tous ceux que nous avons eus […].

Nous, en Nouvelle-Zélande, ressentons quelque préoc- cupation au sujet de ce que pourraient être les résultats si le nouveau programme était mené à bien jusqu’aux extrêmes. Nous ne croyons pas aux programmes d’assistance technique, à l’aide technique de quelque sorte qu’elle soit, […] aux régions sous-développées ; mais nous partageons certaines des craintes

13. Source : Actes de la Conférence générale, Montevideo 1954, Comptes- rendus des débats, pp. 114-115. Original : anglais.

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exprimées, je comprends, par d’autres membres, que cela pour- rait conduire à un certain déséquilibre dans le programme de l’Unesco. Certains des projets d’assistance technique ont été parmi nos projets les plus réussis et spectaculaires. Ce serait trop schématiser que d’opposer d’un côté l’assistance technique, et d’un autre côté la compréhension internationale. Il n’y a pas beaucoup de compréhension internationale dans un ventre vide ou dans un esprit ignorant, et l’assistance technique devrait four- nir les conditions sous lesquelles la compréhension internatio- nale peut exister. Mais je pense parfois que de possibles dangers pourraient résulter d’un malentendu sur notre vieux concept de l’Unesco de la libre circulation des idées.

Nous parlons parfois comme si tout ce qu’on avait à faire pour permettre aux idées de circuler dans toutes les directions était de supprimer les barrières. Mais quand on supprime les barrières, les idées ne circulent pas dans toutes les directions, pas plus que l’eau. Si on a de l’eau à différents niveaux et qu’on enlève les barrières, l’eau coule vers le bas et c’est ainsi, je pense, que le font les idées. Les idées, si on se contente d’enlever les barrières, descendent, et la descente, dans ce cas, se fait des pays techni- quement très développés vers les pays avec un faible niveau de développement technique […].

Par exemple, les idées, les philosophies, les religions de l’Extrême-Orient, et les modes de vie orientaux en général, ont moins de chances de devenir connus dans les pays du monde très développés techniquement que les idées circulant dans la direction opposée.

Maintenant, un simple programme d’assistance technique pourrait intensifier cet état de choses. On peut accélérer le flux des matériaux, et avec eux, le flux des idées […], mais il faut user de ce processus avec sagesse. Qu’est-ce qui pourrait se passer si on n’en use pas avec sagesse ? Premièrement, on tendrait à avoir un bas niveau de culture à travers le monde entier, et le monde serait appauvri par la perte des turbulences et de la diversité des cultures variées. D’un autre côté, on pourrait aussi arri- ver au point où certains pays seraient toujours des donneurs et d’autres pays toujours des récepteurs. On courrait le risque

qu’une organisation internationale comme celle-là devienne peu à peu un endroit où les pays qui ont rencontrent les pays qui n’ont pas, et leur distribuent une sorte d’assistance. Je sais que ce n’est pas ce que le Conseil exécutif veut et je suis complètement sûr que ce n’est pas non plus ce que le Directeur général veut, ni non plus ce que veut aucune délégation. […]

La fonction de l’Unesco, telle que je la vois, est double à cet égard. Tout d’abord, elle doit aider à guider certains ensembles d’idées, en particulier dans la science et dans l’éducation, des idées qui apporteront de l’assistance aux peuples qui ont un bas niveau de développement technique. L’autre fonction – tout aussi importante – est d’aider à pomper – si je puis poursuivre l’analogie – contre la force de cette gravité, les idées, philoso- phies, arts, religions, tout ce que vous voulez, des pays qui sont technologiquement sous-développés. C’est-à-dire que le travail de l’Unesco est de voir qu’il y a une circulation d’idées dans les deux directions. […] L’Unesco doit continuer à effectuer cette […]

fonction de faire s’échanger les idées entre les peuples […]. Je ne connais aucune organisation dans le monde, à part l’Unesco, qui puisse accomplir cette fonction d’aider à pomper les idées contre le courant des produits technologiques et mécaniques […]. Ici je vois une fonction importante et dynamique pour le Dépar- tement des activités culturelles de l’Unesco, et, aussi en partie, pour le Département des sciences sociales. Ils auront toujours à assurer l’échange d’idées entre les peuples au même niveau […]. Si on voit l’ensemble du programme de ce point de vue, on acquiert une conception nouvelle et dynamique de la fonction de ces départements. […] Ce que cela signifie, c’est que l’Organi- sation dans son ensemble, avec toute sa variété et sa complexité interne, va avancer vers un but […]. Ce que ce but sera, aucun de nous qui avons été en connexion avec l’Unesco au fil des années ne peut en douter. L’Unesco doit être consacrée au but priori- taire d’aider les êtres humains, à travers le monde, à vivre dans des conditions, matérielles et spirituelles, telles qu’ils puissent se comprendre les uns les autres, qu’ils puissent partager la riche

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diversité de leurs cultures communes et puissent apprendre à vivre ensemble en paix. »

Dans ce discours, Clarence Beeby développe une réflexion sur l’équilibre à tenir entre activités d’assistance technique et acti- vités de coopération intellectuelle. Il y a longtemps eu un débat, au sein de l’Unesco, depuis sa création, entre activités opérationnelles ou activités de contribution à la compréhension internationale.

Clarence Beeby pose aussi la question de la promotion de la libre circulation de l’information. Cette idée, défendue dès les premières années, notamment par les États-Unis, a été un fil rouge dans la politique de l’Unesco au fil des décennies. Clarence Beeby est précurseur en pointant que cette libre circulation de l’informa- tion risque de se faire au bénéfice des pays les plus riches et les plus développés, des grandes puissances. Dans les années 1970-80, les pays du Sud réclameront, à l’Unesco, un « nouvel ordre mondial de l’information et de la communication » (NOMIC), c’est-à-dire une répartition plus équitable, entre pays du Nord et pays du Sud, de la production et de la diffusion de l’information.

Aujourd’hui, le Secteur de la Communication et de l’infor- mation œuvre activement à promouvoir la liberté d’expression, le développement des médias, ainsi que l’accès à l’information et au savoir, conformément au mandat de l’Unesco consistant à " faci- liter la libre circulation des idées, par le mot et par l’image ". Ces actions contribuent directement à la réalisation des Objectifs de développement durable énoncés dans le Programme de dévelop- pement durable à l’horizon 2030, en accordant un soin particulier à répondre aux mutations sociales, politiques, et économiques de l’ère numérique.

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