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2.4 Assemblages

3.1.2 Tests de validation sur assemblages

Les paragraphes qui suivent tentent d’apporter des éléments de réponse à la question que nous nous sommes posé en début de section 3.1 : Peut-on considérer qu’un joint d’adhésif au sein d’un assemblage a les mêmes propriétés que le polymère réticulé en masse ?

Une méthode directe et évidente consisterait à caractériser l’adhésif au sein de l’assemblage afin de comparer les résultats à ceux obtenus à l’état massif. Malgré l’existence d’essais normalisés, la caractérisation sur assemblage demeure très délicate : celle-ci exige la plus grande rigueur au niveau de la mise en œuvre, de la mesure et de l’exploitation des résultats. De plus, nous ne cherchons pas a priori à caractériser une nouvelle fois l’adhésif, mais à valider ou non l’utilisation des données acquises à l’état massif. La méthode que nous avons suivie permet de s’affranchir de l’étape la plus difficile : l’examen des résultats d’essais en vue d’« extraire » un comportement in situ. Pour cela, nous avons exploité la simulation numérique en nous basant sur les données directement issues des capteurs (charge, déplacement). Les coefficients matériau du modèle étaient bien entendu ceux obtenus à l’état massif.

3.1.2.1 Essais sur cylindres

Le critère principal concernant les essais était la commodité de la mise en œuvre. Nous avons

donc opté pour une géométrie cylindrique14, aisément usinable en alliage d’aluminium (§ 2.3.1),

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3.1. ESSAIS MÉCANIQUES TRADITIONNELS 45

qui avait en outre l’avantage de pouvoir être utilisée aussi bien en cisaillement qu’en traction. Pour l’assemblage des cylindres, un dispositif spécifique a été conçu. Constitué d’une gorge centrale en V, évidée pour faciliter le collage, ce dispositif assure l’alignement des deux parties de l’éprouvette (FIG. 3.8 et FIG. 3.9). L’épaisseur du joint est fixée par l’intermédiaire d’un clinquant en acier de 300 µm. Afin de garantir une configuration identique pour toutes les éprouvettes, le surplus de colle est supprimé avant réticulation.

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FIG. 3.8 – Une gorge en V permet d’assurer le centrage des éprouvettes

cylindriques durant la mise en œuvre.

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FIG. 3.9 – Dispositif d’assemblage des cylindres.

Il fallait également pouvoir acquérir, avec une précision suffisante, les données expérimentales charge/déplacement nécessaires à la validation numérique (§ 3.1.2.2). L’essai de torsion consiste

à appliquer un moment selon l’axe de l’éprouvette par l’intermédiaire d’un bras de levier. Du côté du mors fixe de la machine, le couple résultant C est mesuré par l’intermédiaire de jauges extensométriques. La configuration utilisée permet d’imposer une vitesse angulaire de 10-4 rad.s-1, soit une vitesse de déformation au sein de l’adhésif de l’ordre de 3.10-3s-1dans

le domaine élastique. Un capteur de déplacement linéaire LVDT15permet de contrôler l’angle de

torsion θ16 (FIG. 3.10). La charge et le déplacement sont relevés avec des incertitudes absolues

respectives de ± 0,2 N.m et ± 5 µm. Les résultats des essais sont reportés sur la figure FIG. 3.11.

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FIG. 3.10 – Dispositif de mesure de l’angle de torsion sur les éprouvettes

cylindriques. Un capteur LVDT déporté permet d’évaluer le déplacement relatif des barres de mesure et consécutivement l’angle de rotation theta.

L’essai de traction est plus délicat à réaliser car il faut pouvoir mesurer un déplacement de quelques dizaines de micromètres seulement. Pour cela, nous avons employé un extensomètre dont la résolution est de l’ordre du micromètre ; la base de mesure étant de 11,0 mm. Une cellule de charge de 5000 daN assure la transcription de l’effort avec une incertitude absolue inférieure à ± 0,2%. L’essai est contrôlé en vitesse de charge qui est fixée à 3 daN/s. Les résultats

charge/allongement sont présentés sur la figure FIG. 3.12.

La dispersion obtenue est très importante bien que l’écart-type des épaisseurs considérées soit relativement satisfaisant : 60 µm pour une moyenne à 330 µm. Il est possible de traiter les données en retranchant une estimation de l’allongement des substrats et en normant

l’allongement « résiduel » par l’épaisseur du joint de colle (FIG. 3.13). L’amélioration de la

dispersion est cependant intimement liée à l’alignement des cylindres qui doit être contrôlé de 15

Linear Voltage Differential Transformer.

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3.1. ESSAIS MÉCANIQUES TRADITIONNELS 47

FIG. 3.11 – Résultats des essais de torsion sur cylindres.

FIG. 3.12 – Résultats bruts (charge/allongement) des essais de traction

sur cylindres.

manière plus précise. Cela souligne davantage toute la difficulté que représente la caractérisation sur assemblage. Ces essais constituent néanmoins une base de départ suffisante pour évaluer la pertinence des résultats obtenus à l’état massique.

FIG. 3.13 – Résultats traités des essais de traction sur cylindres : estimation de la contrainte et de la déformation moyenne au sein de l’adhésif.

3.1.2.2 Confrontation numérique des résultats

La confrontation des résultats entre la caractérisation à l’état massif et les tests sur assemblage a consisté à simuler numériquement ces derniers ; les coefficients matériau du modèle étant issus des données massives.

L’éprouvette a été modélisée par éléments finis17 tridimensionnels (FIG. 3.14), ce qui nous

permettait d’éprouver la sensibilité à l’alignement des tests mécaniques. Nous avons par ailleurs raisonnablement raffiné la zone du joint pour ne pas « lisser » l’état de déformation pluriaxial. Le chargement est appliqué de manière à reproduire la configuration d’essai : application d’un

couple pour la torsion et d’un effort réparti pour la traction. Afin de respecter le principe de B.DE

SAINT-VENANT, le chargement est repoussé suffisamment loin de la zone du joint. On se place par ailleurs dans l’hypothèse des petites perturbations (§ 5.2.2).

Pour simuler le comportement de l’adhésif nous avons choisi d’utiliser un modèle élasto-

plastique18isotrope à écrouissage cinématique et critère de von Mises (§ 5.3.3). Les coefficients

du modèle correspondent à une identification menée sur éprouvettes haltères pour une sollicitation quasi-statique.

Les résultats numériques sont présentés sur les figures FIG. 3.15 et FIG. 3.16. Si nous nous

contentons d’examiner la partie élastique, la rigidité en traction est correctement rendue19 alors

que celle en cisaillement est largement surestimée. Cette différence ne peut pas uniquement s’expliquer par des imprécisions expérimentales ou la sensibilité du modèle. Pour l’adhésif β,

17

La méthode des éléments finis est évoqué dans le chapitre 7.

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Nous ne considérons ici que la montée en charge et pour ne pas alourdir le modèle, les effets visqueux ne sont pas considérés.

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3.1. ESSAIS MÉCANIQUES TRADITIONNELS 49

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FIG. 3.14 – Détail du maillage et simulation numérique des essais de

torsion sur cylindre.

il semble donc qu’il n’y ait pas de corrélation directe entre les données matériau issues de l’état massif et celles régissant le comportement des assemblages.

Par ailleurs, l’examen de la partie plastique montre que le critère de von Mises n’est pas adapté pour rendre compte des phénomènes agissant au sein d’un joint de colle : dans le cas de la traction, il n’y a pas de « détection » de la plasticité et celle-ci apparaît bien trop tôt pour le cisaillement. Nous verrons par la suite qu’avec le confinement, le polymère devient sensible à la pression hydrostatique et que d’autres formes de critère sont nécessaires.

FIG. 3.15 – Comparaison des essais de traction sur cylindres et de la simulation numérique correspondante. Le modèle élasto-plastique basé sur le critère de von Mises n’est pas adapté à la simulation du comportement de l’adhésif confiné au sein d’un assemblage.

FIG. 3.16 – Comparaison des essais de torsion sur cylindres et de la

simulation numérique correspondante. En utilisant le comportement de l’adhésif massif pour simuler la réaction d’un joint, nous surestimons très largement la rigidité apparente.