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c Exemples d’espèces et de cycles valides dans nos contextes

V. Els Trocs

2. Tests statistiques

Afin de valider statistiquement les observations (occurrence/concentration) des taxons identifiés sur le gisement, différents tests ont été réalisés. Malgré l’augmentation de l’échantillonnage entre 2014 et 2016 pour atteindre un nombre d’échantillons plus conséquents et représentatifs, les séries ne suivent pas de loi normale (test de Shapiro-Wilk, tableau 7). Nous avons donc utilisé des tests non paramétriques qui conservent au moins 80 % de la puissance du test paramétrique (Schwartz, 1993).

Les analyses statistiques ont porté sur la présence/absence d’œufs contenus dans les échantillons, ainsi que sur la concentration des œufs retrouvés par échantillons.


TROCS I TROCS II TROCS III

W 0,6899 0,8220 0,8070

P value <0.0001 0,0002 <0.0001

Tableau 7 : test de Shapiro-Wilk, α > 0.05

T.I T.II T.III

% échantillons positifs 27,8 40,9 66,7

nombre de taxon 3 5 6

concentration 0,67 0,95 4,4

Absence/Présence

Afin de vérifier la significativité de cette augmentation, un test exact de Fisher a été effectué sur l’ensemble des helminthiases et pour chaque taxon (annexe IV). Ce test est fondé sur le nombre d’échantillons positifs par niveaux d’occupation. L’augmentation des helminthiases est donc significative entre la seconde et la troisième période d’occupation ainsi que de la première période d’occupation à la troisième (tableau 8).

Pour confirmer que les données ne soient pas biaisées par la présence d’un parasite qui créerait une augmentation globale, mais serait imputable à l’augmentation d’une parasitose, le test a également été réalisé sans tenir compte du Dicrocoelium sp. Ce parasite est le plus présent dans les échantillons du gisement (occurrence/concentration). Le test donne des résultats similaires (tableau 9).

Comme pour le test précédent, il y a une augmentation significative des taxons helminthiques de la seconde phase à la troisième phase d’occupation et de la première à la troisième. Ceci ne peut être imputable au Dicrocoelium sp. Plus l’on progresse dans les niveaux d’occupations néolithiques, plus la fréquence d’échantillons positifs augmente.


TROCS I TROCS II TROCS III

TROCS I 0,1954 0,0005

TROCS II 0,1954 0,0470

TROCS III 0,0005 0,0470

Tableau 8 : test de Fisher, P value < 0.05, tous taxon confondus

TROCS I TROCS II TROCS III

TROCS I 0,1799 0,0002

TROCS II 0,1799 0,0326

TROCS III 0,0002 0,0326

Concentration

La concentration en œufs par échantillon a également été testée. Comme pour le pourcentage d’échantillons positifs, la significativité de la densité de parasites retrouvés par niveau d’occupation a été réalisée avec un test Mann-Witney (tableau 10).

Les résultats sont très sensiblement différents. Le test est significatif entre la première et la seconde phase d’occupation. Ce résultat est bien sûr à prendre avec précaution, car la P value est très proche de rejeter notre hypothèse. Un test de Kruskal-Wallis a également été réalisé pour les trois assemblages avec une P value < 0.0001. Ce test confirme bien, comme les autres, que l’augmentation des parasitoses est significative.

Que cela soit d’un point de vue qualitatif ou quantitatif, il y a une augmentation des helminthiases, significative entre la deuxième et la dernière période d’occupation néolithique.

3.

Discussion des résultats

Le gisement d’Els Trocs a livré une séquence stratigraphique couvrant le Néolithique. L'occupation s'étend de la fin du 6e millénaire av. J.-C. à la fin du 4e millénaire av. J.C. Il a été occupé saisonnièrement de façon répétée (Lancelotti et al, 2014 ; Rojo-Guerra et al., 2014 ; Rojo-Guerra et al. 2015). Les datations au radiocarbone ont distingué trois phases d’occupation néolithique, avec une sédimentation différentielle entre les trois phases d’occupation (figure 106), fouillées sur la même superficie. Un grand nombre de vestiges céramiques a été découvert avec plus de 30 000 tessons. La plupart des tessons proviennent de Trocs I (60% du total), qui a livré en particulier une « chaussée » en céramique qui comprend environ 15 000 tessons : 19% des céramiques ont été retrouvées dans Trocs II, 15% dans Trocs III et 6% dans Trocs IV. Ce dernier niveau a été caractérisé comme une occupation gallo-romaine avec un mélange de tessons du niveau sous-jacent.Ce gisement est à ce jour le seul site ayant livré une stratigraphie documentant les différentes phases du Néolithique fournissant un assemblage faunique aussi important publié pour la péninsule ibérique (Rojo-Guerra et al., 2013,

TROCS I TROCS II TROCS III

TROCS I 0,0419 < 0.0001

TROCS II 0,0419 0,0035

TROCS III < 0.0001 0,0035

2014). L’assemblage faunique, très bien conservé, est composé d’amphibiens, de mammifères, d'oiseaux, et de reptiles. Un total de 4 657 restes de caprinés (principalement des moutons) a été identifié parmi 12 846 fragments de mammifères de taille moyenne et grande dans les niveaux néolithiques. Ils représentent près de 80% des taxons domestiques. Les autres espèces domestiques et sauvages sont moins abondantes. Ce spectre faunique montre la forte implication des groupes humains dans les activités d'élevage de caprinés. Une quantité significative de phytolithes de chaumes et de feuilles de graminées, en particulier de la sous-famille des Poaceae de Pooideae, a été identifiée, mais il ne reste pratiquement aucune trace de restes d'inflorescence ou de grains matures. L'absence des inflorescences de graminées et de leurs graines au sein de l’assemblage des phytolithes révèle qu'elles ont été récoltées entre la fin du printemps et le début de l'été, pour ensuite être déposées à l'intérieur de la grotte peut-être comme une sorte d’aménagement du sol. Cette analyse renforce clairement l’hypothèse de l'utilisation saisonnière de la grotte (Lancelotti et al., 2014).

Deux interprétations peuvent expliquer l’augmentation du nombre d’échantillons positifs et l’augmentation de la concentration en œufs.

La première va dans le sens d’une occupation plus intense au cours des différentes occupations néolithiques. En effet, plus un lieu est occupé, que ce soit par des animaux ou par des humains, plus le nombre d’œufs pouvant être retrouvés est élevé. Le nombre de vestiges d’activité anthropique devrait donc augmenter. Or, pour Els Trocs il est possible de constater que ce n’est pas le cas (figure 106). Le nombre de restes archéoozologiques diminue entre la première phase et la deuxième phase d’occupation. De plus, la majorité des céramiques retrouvées se trouvaient dans la première phase d’occupation. La proportion de céramique retrouvée dans le premier niveau d’occupation est à relativiser, car une grande partie des vestiges provenait de l’aménagement d’une « chaussée » de céramique. Le nombre de restes archéoozoologiques augmente entre la deuxième et la troisième phase, mais si l’on fait un ratio par rapport à la puissance de sédimentation et que l’on observe les dates d’occupation, le nombre de restes est plus faible. De plus cette hypothèse ne peut expliquer l’apparition de nouveaux taxons au fur et à mesure de l’occupation de la grotte et ne peut être donc validée.

La seconde est que les helminthiases se seraient diffusées et auraient progressé avec le développement des sociétés agricoles. Cette interprétation va dans le sens d’autres données acquises dans les sciences de l’archéologique ou dans les études ethnologiques (Cohen & Armelagos, 1984 ; Armelagos, 2003 ; Armelagos & Harper, 2005; Steckel & Rose, 2002 ; Bennike & Alexandersen, 2007 ; Cohen & Crane-Kramer, 2007).

Ascaris sp, et Macracanthryhunchus sp. n’apparaissent sur le gisement qu’à partir de la seconde phase d’occupation du site, 4 511-4 320 B.C Ascaris sp. est un parasite commun aux suinés et aux humains. Macracanthoryhnchus sp. est un parasite des espèces de suinés. L’Homme peut être infesté en cas de consommation de coléoptère infesté, qui est l’hôte intermédiaire. Des restes de suinés ont pourtant été retrouvés dès la première phase

TROCS I TROCS II TROCS III

NMI vertébrés 2370 1386 1654

NMI domestique 782 390 384

Figure 106 : graphique mettant en relation la puissance sédimentaire associée aux restes archéozologiques retrouvés par niveau d’occupation néolithique et tableau représentant le nombre de restes pour 10 cm de

d’occupation. Ces deux taxons ont également été observés à La Draga situé a 250 km plus à l’ouest, proche du littoral. Ils y ont été identifiés à des dates plus anciennes, 5 320-4 980 B.C qui sont similaires à celles de la première phase d’occupation d’Els Trocs. L’absence de ces deux taxons durant la première phase d’occupation suggère que les premiers suinés présents sur le site n’étaient pas infestés. Puis à la suite de contacts avec les autres populations néolithiques et leurs bétails infestés, les suinés retrouvés à Els Trocs auraient été infestés. Cette hypothèse suppose qu’avec le début du Néolithique moyen il y aurait une intensification des échanges entre les populations humaines entre elles. D’autres données de la culture matérielle vont dans ce sens. Cette hypothèse suppose également que si elle est valide, les populations de sangliers endémiques n’étaient pas infestées par ces taxons avant l’arrivée des populations néolithiques.

Paramphistomum sp. a également été identifié seulement à partir de la seconde phase d’occupation du site. L’environnement influence directement l’accomplissement de son cycle. Les températures déterminent le développement embryonnaire des larves, l’émission des cercaires et l’activité des gastéropodes qui sont les hôtes intermédiaires infestants. Les hôtes intermédiaires sont des mollusques aquatiques qui ont besoin de sols marécageux riches en carbonate de calcium et non acides pour la création de leur coquille. Lorsque les températures vont dépasser les 13°C les miracidiums seront infestants et pourront infester les mollusques réceptifs. Le mollusque a besoin d’une température supérieure à 10°C pour reprendre son activité (Rieu, 2004). Plusieurs études ont fait état qu’en altitude une génération de Paramphistomum sp. pouvait se développer sans cependant que ne soit jamais précisé ce que les auteurs entendent par « altitude » (Dorchies, 1988 ; Szmidt-Adjide et al., 1996). En condition extérieure les œufs ne peuvent survivre à des températures trop basses. N.P. Kisilev rapportait en 1967 que des œufs stockés à une température inférieure à 8°C n’avaient pas survécu plus de 24 h. Les cercaires enkystées peuvent survivre jusqu’à six semaines seulement à des températures de 6°C (Postal, 1984). Le gisement d’Els Trocs se situe à 1500 m d’altitude dans les Pyrénées centrales. Or le biotope de Trocs et ses environs n’est pas favorable au développement et à la survie de ce parasite. En hiver, le site et ses alentours, comme aujourd’hui devaient être enneigés avec des températures négatives sur plusieurs semaines. Il ne nous semble pas avec l’ensemble des données en notre possession que les œufs, particulièrement, et peut-être les mollusques, auraient pu survivre dans ces conditions. Les animaux

devaient donc être infestés dans les plaines et les œufs auraient été émis après que les têtes de bétail aient été transportées en altitude. Ce résultat va dans le sens d’autres analyses menées sur le

gisement (Rojo-Guerra et al. 2014; Lancelloti et al., 2014). L’anthropisation modifie l’environnement et aurait pu engendrer en plaine une multiplication des gîtes de gastéropodes. « L’habitat idéal serait un mélange de flaques d’eau et de boue, telles que les empreintes laissées par les troupeaux sur les sols humides » (Rieu, 2004, p.113).

Les populations de parasites sont en premier fragmentées par hôtes puis par biotopes.

L’ensemble des données paléoparasitologiques d’Els Trocs tendent à démontrer qu’à partir de la seconde phase d’occupation du site (Néolithique moyen), l’emprise des populations humaines sur leur territoire était telle qu’elles aient pu déplacer des communautés de parasites. Les helminthiases se seraient également (cf. tests statistiques) accrues tout au long du Néolithique.