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Entre terre et eaux, le delta du Mékong

Avec 55 000 km², le delta du Mékong est un des méga­deltas asiatiques (figure 4.14) : 18 millions de personnes y vivent (330 habitants/km², 20 % de la population du Vietnam), notamment en cultivant 7,5 millions d’hectares de terres formées par les alluvions du fleuve accumulées depuis plus de 6 000 ans (Takagi et al., 2016).

Tonlé Sap Thaïlande Laos Cambodge Chine Mékong Mékong Mékong Hanoï 100 km © d-maps.com Ho Chi Minh Ville 100 km © d-maps.com Mékong Région d’étude

Figure 4.14. Le delta du Mékong au Vietnam.

Bien que limitrophe de la mégapole de Ho Chi Minh Ville17, le delta du Mékong ne

contribue qu’à moins de 10 % de la production industrielle du pays. La région est pourtant cruciale pour l’économie du pays par les productions agricoles et aquacoles de ses habitants.

La riziculture est une composante clef de l’économie et de la culture vietnamienne. En dépit des vicissitudes de l’histoire, la production nationale est croissante depuis la fin des années 1970 et le pays assure sa souveraineté alimentaire depuis le début des années 1990 (figure 4.15). Il commence alors à s’imposer comme un des acteurs

Ce document est la propriété exclusive de Hubert Cochet (hubert.cochet@agroparistech.fr) - lundi 04 février 2019 à 14h10

majeurs du marché mondial du riz en disputant à la Thaïlande le deuxième rang des exportateurs, derrière les États­Unis. Aujourd’hui, le Vietnam exporte environ 15 % de sa production annuelle et contribue à 20 % des échanges mondiaux (figure 4.16).

0  10    20   30   40   50 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 2001 2005 2009 2013

Millions de onnes de riz paddy

■Exportation

■Consommation domestique

Figure 4.15. Évolution de la production de riz au Vietnam (FAOStat, 4/2017).

0% 5% 10% 15% 20% 25% 19611963196519671969197119731975197719791981198319851987198919911993199519971999200120032005200720092011

Part des exportations mondiales

■Vietnam

■Cambodge

Figure 4.16. Part des exportations vietnamiennes dans le marché mondial du riz (FAOStat, 4/2017).

Les paysans du delta du Mékong tiennent une place centrale dans ces résultats : avec 25 millions de tonnes de riz paddy produits en 2015, le delta concentre 57 % de la production nationale (General statistics office, 2016). Comptant pour moins de 3 % de la surface rizicole mondiale, la production du delta du Mékong couvre 10­12 % des échanges internationaux, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire de nombreuses régions du monde déficitaires en céréales. Une éventuelle contraction des récoltes de riz dans le delta — due au changement climatique par exemple — aura des effets délétères globaux, dépassant largement les limites de la région.

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Embouchure du Mékong à l’extrême sud du Vietnam, le delta est une plaine allu­ viale de faible altitude — 0,5­5 m au­dessus du niveau de la mer —, parcourue par les quatre bras du Mékong et un réseau très dense de tributaires et de canaux. L ’hydrologie est complexe et agrège :

− des précipitations importantes (1 400 mm/an) et saisonnées (figure 4.17) ;

− le débit saisonnier du fleuve (2 500 à 27 000 m3/s) dépendant des précipitations sur

les 810 000 km² du bassin versant ;

− les marées dont l’influence de l’onde est décroissante sur 100 km depuis l’embouchure.

Crue 1 cycle de riz/an

2 cycles de riz/an 3 cycles de riz/an

Repiquage Saison sèche Saison des pluies

Précipitations mensuelles (mm) Température moyenne mensuelle ( °C ) Précipitations annuelles : 1400 mm 0 50 100 150 200 250 0 25 50 75 100 125

Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin Juillet Août Sept. Oct. Nov. Déc.

Figure 4.17. Diagramme ombrothermique de Cái Bè et calendriers de culture du riz, moyenne 1982­2012 (Champeaux, 2016 ; Climate­data.org).

La crue du Mékong est ambivalente. Dévastatrice quand elle dépasse le niveau des digues isolant les terres des cours d’eau, elle contribue à l’alluvionnement du delta et à la vidange des eaux saumâtres remontant dans les terres en saison sèche. Historiquement indispensable pour l’irrigation des rizières en saison des pluies, elle implique des aménagements conséquents et une savante gestion de l’eau pour drainer et mettre en valeur les zones les plus basses de la plaine alluviale.

La commune de Thiện Trí dans le district de Cái Bè, province de Tiền Giang, a

été retenue comme région d’étude (figure 4.23 et figure 4.8)18. Du fait de l’éloigne­

ment de l’embouchure, les eaux de surface sont douces, sans intrusion d’eau de mer. L’onde de marée est cependant très marquée dans la zone, avec une inversion des flux deux fois par jour dans les cours d’eau. L’amplitude dépasse deux mètres entre la marée haute de vives eaux et la marée basse.

18. Le choix de ce site doit beaucoup aux professeurs Nguyễn Ngoc Thùy, directeur des relations inter­ nationales, et Nguyen Van Ngai, doyen de la Faculté d’économie de l’université Nông Lâm d’Hô­Chi­ Minh­Ville. Nous leur exprimons nos vifs remerciements.

Ce document est la propriété exclusive de Hubert Cochet (hubert.cochet@agroparistech.fr) - lundi 04 février 2019 à 14h10 Chenaux élargis Mỹ Thiện Chuà Vĩnh Long Sa Đéc

Hô Chi Minh Ville Cái Bè Tiền (Mékong) marée montante Tiền (Mékong) marée descendante canaux route nationale route de district

Mékong(bras nord)

chenaux principaux chenaux secondaires Vĩnh Long Sa Đéc Chuà Mỹ Thiện

Hô Chi Minh Ville Cái Bè

Chenaux élargis

Figure 4.18. Marées et flux dans les chenaux de la commune de Thiện Trí, delta du Mékong (Champeaux, 2016, p. 12).

Dans la plaine inondable, une pente très faible (0,03 % en moyenne) distingue le bourrelet de berge du Mékong, plus sableux, des zones les plus basses, plus argi­ leuses, pour un dénivelé de deux mètres. Ce microrelief, peu perceptible, explique l’exposition différenciée des terres à l’inondation lors de la crue (septembre­ novembre) et du cycle journalier des marées (figure 4.19) :

− au sud, le sommet du bourrelet de berge est toujours émergé. Les habitations y sont implantées, comme les élevages et les vergers ;

− au nord, les terres les plus basses, marécageuses, sont inondées quelle que soit la marée. Il n’est possible de les mettre en valeur qu’à condition de les endiguer pour les isoler de la crue ;

− entre ces extrêmes, les terrains les plus au sud ne sont inondés que lors des marées

hautes de vives eaux19. Une vaste partie centrale est inondée deux fois par jour, à

marée haute. La mise en valeur de ces terres passe par la capacité à utiliser l’alter­ nance quotidienne de la marée pour drainer et irriguer les parcelles, notamment pour la riziculture.