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Terminaison de la transcription

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B. Contexte de l’étude

II. Régulation de la transcription

3) Terminaison de la transcription

La terminaison de la transcription met fin à la synthèse de l’ARN par le démantèlement irréversible du CET. Deux catégories de signaux de terminaison sont rencontrées chez la bactérie (Figure 17 ③ & ④). La première est la terminaison intrinsèque (Rho- indépendante) qui nécessite la présence d’une séquence ADN spécifique codant pour une structure ARN en tige-boucle localisée en amont d’une séquence de 7 à 8 nt, riches en uracile (U), à l’extrémité ’ du transcrit naissant (Figure 17 ③ et Figure 20A) (Gusarov and Nudler, 2001; Komissarova et al., 2002; Penno et al., 2015; Yarnell and Roberts, 1999). Les terminateurs intrinsèques sont souvent retrouvés à la fin ou entre les gènes des opérons

pour permettre la régulation de l’expression génique (pour revue : (Le et al., 2018)). La séquence U-riche du terminateur conduit à la formation d’un hybride rU/dA peu stable au sein du CET qui favorise un état de pause (Toulokhonov and Landick, 2003). Cette pause laisse le temps à la structure en tige-boucle de se former dans le canal de sortie de l’ARNP, un évènement conduisant à la déstabilisation irréversible du CET (Burmann et al., 2012; Gusarov and Nudler, 2001; Komissarova et al., 2002; Yarnell and Roberts, 1999). Différents modèles de déstabilisation ont été proposés (Peters et al., 2011; Washburn and Gottesman, 2015) qui, dans une revue bibliographique récente (Ray-Soni et al., 2016), sont déclinés en deux versions principales:

Le modèle « Hybrid Shearing », propose que la formation de la structure tige-boucle dans le canal de sortie de l’ARNP « tire » sur la portion aval de la chaine ARN, détruisant ainsi l’hybride ARN:ADN et la bulle de transcription. Dans ce modèle la déstabilisation irréversible du CET ne nécessite pas de mouvement de l’ARNP le long de l’ADN (Figure 20B-C) (Larson et al., 2008).

Le modèle par « hyper-translocation » prévoit, au contraire un mouvement de l’ARNP vers l’avant (de à pb) provoqué par la formation de la structure tige-boucle. Ce mouvement conjugué à l’absence d’addition de nucléotide à la chaine ARN conduit à une réduction progressive de la taille de l’hybride ARN:ADN et à la déstabilisation du CET (Figure 20B-C) (Larson et al., 2008; Santangelo and Roberts, 2004).

Il est important de noter que, quel que soit le modèle, l’inactivation et la déstabilisation du CET impliquent divers changements allostériques (Toulokhonov et al., 2001; Toulokhonov and Landick, 2003; Toulokhonov et al., 2007), qui peuvent eux-mêmes être sujets à régulation (Larson et al., 2008).

Figure 20: Terminaison intrinsèque de la transcription. (A) Exemple de terminateur intrinsèque (terminateur λtr2). La structure ARN en tige-boucle précède une séquence ’-terminale riche en Uraciles. Les résidus en rouge sont ceux déshybridés en premier de l’hélice ARN:ADN tandis que ceux en bleu représentent les points préférentiels de terminaison. (B) Diagramme simplifié du processus de terminaison intrinsèque. ① Le CET marque une pause à cause de la séquence riche en Uraciles en partie ’ de l’ARN naissant (en rouge). Le domaine « Clamp » mobile de l’ARNP est représenté en rose. ② La pause du CET permet la formation de la structure tige boucle (Ttb) dans le canal de sortie de l’ARN et le repositionnement du domaine « Clamp » en

configuration ouverte. Cette étape engage la fusion des paires rU:dA dans la partie amont de l’hydride ARN:ADN. ③ La fusion complète de l’hydride ARN:ADN est proposée être due à un effet de levier de l’ « hairpin » sur le « Clamp » qui va soit tirer la chaine ARN dans le canal de sortie sans mouvoir l’ARNP le long de l’ADN (modèle « Hybrid Shearing ») soit, au contraire, pousser l’ARNP le long de l’ADN. Dans ce dernier cas, la chaine ARN ne serait pas rallongée simultanément en raison d’une configuration inadaptée du site catalytique de l’ARNP, conduisant au raccourcissement progressif de l’hydride ARN:ADN (modèle de terminaison par « hyper-translocation »). ④ Le processus s’achève par la dissociation du CET. (C) Réseau d’interactions ARN/ADN dans la bulle de transcription selon les étapes. Figure adaptée de (Ray-Soni et al., 2016).

b. Terminaison facteur-dépendante

Le second type de terminaison de la transcription nécessite la présence d’au moins un cofacteur protéique tel que Rho, Mfd, ou CodY (terminaison facteur-dépendante). Le facteur

CodY est présent uniquement chez certaines espèces Gram+ comme Bacillus subtillis (Stenz

et al., 2011). Son mécanisme d’action a été peu étudié mais semble impliquer la formation d’un complexe avec l’ADN qui fait obstacle à l’avancement du CET (Stenz et al., 2011). Les facteurs Rho et Mfd sont eux beaucoup plus conservés dans le règne bactérien (D'Heygere et al., 2013; Roberts and Park, 2004).

Le facteur protéique Mfd (130 kDa) a été décrit initialement pour son rôle dans la reconnaissance des ARNP bloquées par un dommage à l’ADN (Figure 21) dans le contexte de la réparation associée à la transcription (Transcription Coupled Repair [TCR]) (Portman and Strick, 2018). Dans ce cas, Mfd se lie simultanément à la sous-unité β de l’ARNP bloquée et à un segment d’ADN situé environ pb en aval. L’action de Mfd n’est possible que si le facteur σ a été relargué après la conversion en complexe d’élongation (Park et al., 2002), ce qui n’est parfois pas complètement le cas (voir partie B-II-1, pages 9). Après fixation, Mfd dissocie le CET arrêté (Graves et al., 2015; Park and Roberts, 2006) et recrute les facteurs protéiques UvrA et UvrB de la voie NER (Nucleotide Excision Repair) de réparation (Figure 21) (pour revue : (Pani and Nudler, 2017; Portman and Strick, 2018)). Une étude in vitro a montré que Mfd pouvait former un complexe avec l’ARNP avançant à environ 4 pb/s sur l’ADN pour éloigner l’ARNP du site du dommage et permettre le relargage rapide du transcrit (Graves et al., 2015). Le processus de terminaison de la transcription induit par Mfd s’acheverait par la dissociation de l’ARNP (Figure 21).

Figure 21 : Mécanisme de terminaison de la transcription induite par Mfd. Mfd est recruté au niveau d’une ARNP bloquée par une lésion de l’ADN ( ). Mfd subit des réarrangements structuraux lui permettant de recruter le complexe UvrA2B et de transloquer l’ARNP vers l’avant, une

activité ATPase-dépendante. Cette translocation, qui n’est pas accompagnée de l’allongement concomitant du transcrit, conduit à un effondrement de la bulle de transcription et au relargage du transcrit. La dissociation du complexe Mfd:ARNP permet au complexe UvrA2B (avec UvrC) d’initier le processus

de réparation du dommage à l’ADN. Figure issue de (Portman and Strick, 2018).

Diverses études suggèrent que le rôle de Mfd n’est pas limité au TCR et s’étend à la résolution d’autres phénomènes d’arrêts transcriptionnels, en particulier ceux induits par des protéines liées à

l’ADN (Le et al., 2018) ou au transcrit naissant (Park et al., 2002). Dans ces cas, Mfd va aider le CET à passer l’obstacle (« transcription through the roadblock ») ou bien induire sa dissociation. Mfd a notamment été impliqué dans la résolution des conflits entre CET et réplisomes (Park et al., 2002). Chez E. coli, Mfd est beaucoup moins abondant que les ARNP et semble utiliser un mécanisme de reconnaissance originale des CET arrêtés pour pallier ce désavantage. En effet, des expériences récentes de nanomanipulation à l’échelle de la molécule unique ont montré que Mfd était capable de transloquer seul sur l’ADN avec une processivité d’environ pb et une vitesse de pb/s (Le et al., 2018). Ces paramètres, plus faibles que ceux d’un CET fonctionnant normalement (vitesse de pb/s dans les mêmes conditions d’étude), permettraient à Mfd de patrouiller l’ADN en continu à la recherche de CET arrêtés suivant un mécanisme qualifié de « release and catch-up » (Le et al., 2018). Il est démontré dans la même étude que Mfd est capable, du moins in vitro, de s’opposer à la rétrotranslocation du CET ou bien de réaligner (et réactiver) des CET séverement rétrotransloqués. Ceci aiderait le CET à passer les obstacles, sauf lorsque ceux-ci sont trop résistants, auquel cas Mfd induirait la dissociation du CET (Le et al., 2018). Cette activité presente une certaine forme de redondance avec celles de GreA/B, NusG, RfaH et Rho. Les facteurs NusG, RfaH et Mfd auraient plutôt des rôles de prévention de la rétrotranslocation à l’inverse de GreA/B et Rho qui « géreraient » plus en aval les CET arrêtés et les problèmes qui en découlent (formation de structures « R-loops », par exemple).

Chez Bacillus subtilis, des signaux de terminaison ressemblant aux terminateurs intrinsèques (structure tige-boucle suivie d’une séquence riche en uraciles) mais n’étant pas capables, seuls, d’induire la dissociation du CET ont été identifiés (Mondal et al., 2016; Potter et al., 2011). Ces terminateurs « sous-optimaux » contiennent généralement moins de résidus uracyles dans la section ARN ’-proximale que les terminateurs intrinsèques canoniques et requièrent la participation du cofacteur NusA (Mondal et al., 2016; Yakhnin and Babitzke, 2002). Des terminateurs intrinsèques sous-optimaux, cette fois stimulés par la présence de NusG, ont également été identifiés chez les mycobactéries (Czyz et al., 2014). Ces terminateurs sont également caractérisés par une section ARN ’-proximale appauvrie en uraciles (Czyz et al., 2014). Ces données démontrent que la frontière entre terminateurs intrinsèques et terminateurs facteur-dépendants n’est pas toujours nette. Elles illustrent également l’importance des facteurs NusA et NusG comme régulateurs des signaux de

l’élongation de la transcription. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, ces facteurs sont également capables de fortement réguler la terminaison Rho-dépendante. De façon intrigante, cette régulation semble également s’exercer parfois sous la forme d’une stimulation (voire d’une activation) de terminateurs Rho-dépendants « sous-optimaux ».

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