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Mécanisme de la terminaison Rho-dépendante

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B. Contexte de l’étude

III. Terminaison de la transcription Rho-dépendante

3) Mécanisme de la terminaison Rho-dépendante

En , Jin et ses collaborateurs ont établi que l’efficacité de la terminaison Rho- dépendante pouvait être modulée par des mutations de Rho ou de l’ARNP susceptibles

d’affecter la vitesse de translocation de ces enzymes (Jin et al., 1992). Des résultats similaires ont été obtenus en faisant varier la concentration en nucléotides (et donc la vitesse de translocation de l’ARNP) (Jin et al., 1992). Ces données révèlent l'existence d'un couplage cinétique entre Rho et l'ARNP qui contraint la fenêtre d’opportunité pour la terminaison Rho-dépendante. Cette fenêtre est également dépendante de la processivité de Rho qui semble assez limitée, du moins in vitro, autour de 60 à 80 nt (Gocheva et al., 2015; Walmacq et al., 2004).

Des expériences de nanomanipulation à l’échelle de la molécule unique ont démontré que Rho était capable de transloquer sur l’ARN à une vitesse d’environ nt/s, soit à fois plus vite que l’ARNP, le long de l’ADN dans les mêmes conditions (Gocheva et al., 2015). Ces expériences ont également confirmé que Rho transloquait l’ARN suivant un mécanisme de «

tethered tracking » (Gocheva et al., 2015; Koslover et al., 2012). Ce mécanisme, initialement

déduit d’expériences biochimiques astucieuses, stipule que Rho conserve son interaction initiale avec le site Rut en cours de la translocation (Steinmetz and Platt, 1994). Cela est rendu possible par la séparation entre les sites dédiés à la reconnaissance initiale (PBS) et à la translocation (SBS) du transcrit et se traduit par la formation d’une boucle ARN entre les deux sites qui grandit en cours de translocation (Figure 26) (Gocheva et al., 2015; Koslover et al., 2012; Soares et al., 2014; Steinmetz and Platt, 1994).

Figure 26 : Mécanisme de « tethered tracking ». Figure issue de (Gocheva et al., 2015).

Les structures les plus récentes de l’hexamère Rho suggèrent que le site SBS transloque l’ARN suivant un mécanisme dit « d’escorte » où chaque nucléotide est successivement pris en charge par une sous-unité qui lui fait traverser le canal central de l’hexamère grâce à des mouvements structuraux des boucles Q et R médiés par l’hydrolyse de l’ATP dans la poche ATPase adjacente (Figures 23 et 27) (Thomsen and Berger, 2009; Thomsen et al., 2016). Un mécanisme similaire d’escorte a été proposé pour l’ADN hélicase E du papillomavirus (Enemark and Joshua-Tor, 2006).

Figure 27 : Modèle de translocation par « RNA escort ». Représentation de la translocation de l’ARN (en orange) dans le canal central de l’hexamère suivant l’état d’hydrolyse de l’ATP (E : échange de nucléotides, T : fixation de l’ATP, T* : hydrolyse de l’ATP, D : produits d’hydrolyse). Figure issue de (Thomsen et al., 2016).

Bien que le mécanisme d’escorte stipule que chaque nucléotide est pris en charge de la même façon par le SBS, des expériences d’interférence aux sondes chimiques indiquent que la présence d’un groupement ’OH dans la chaine ARN n’est réellement critique que tous les 7 nt en moyenne (Rabhi et al., 2011b; Schwartz et al., 2009). Cette contradiction apparente pourrait être expliquée par les contacts PBS-Rut persistant en cours de translocation (« tethered tracking ») qui provoquent une asymétrie au sein de l’anneau hexamèrique où l’une des six interfaces entre monomères n’est pas pontée par la chaine ARN (Figure 28). La déstabilisation induite par la perte d’un groupement ’OH serait ainsi périodiquement plus forte lorsque cette interface moins « solide » doit prendre en charge un nouveau nucléotide (Soares et al., 2014). Cette interface, plus susceptible de s’ouvrir transitoirement et de laisser ressortir la chaine ARN de l’anneau hexamèrique (Figure 28) pourrait expliquer la relativement faible processivité (60-80 nt) du facteur Rho (Soares et al., 2014).

Figure 28 : Translocation de Rho expliquant l’importance d’un groupement 2’OH tous les ~7 nt dans la chaine ARN.L’ARN (en violet) se lie au PBS puis au SBS dans le canal central déclenchant la fermeture de l’anneau hexamérique et la formation d'un complexe Rho:ARN catalytiquement compétent. En raison de la translocation par « tethered tracking », le complexe Rho:ARN a une organisation « asymétrique » avec une interface « faible » qui n'est pas pontée par le PBS. Lorsque cette interface doit, à son tour, prendre en charge un nouveau nucléotide (pour l’escorter au travers le canal central), elle est plus facilement déstabilisée par une peturbation telle que l’absence d’un groupement ’OH (avec lequel une des sous-unités de l’interface est censée interagir à cette étape ; interaction symbolisée par une flèche rouge). Figure adaptée de (Soares et al., 2014).

Comme nous l’avons vu plus haut, la translocation de Rho le long de l’ARN est sans doute beaucoup plus rapide que celle de l’ARNP le long de l’ADN (Gocheva et al., 2015) et il est probable que l’action de Rho soit cinétiquement limitée au niveau de sa phase initiale d’activation qui est lente in vitro (Walmacq et al., 2004). Une fois que Rho a rattrapé l’ARNP, il doit induire la dissociation du CET suivant un mécanisme qui reste encore aujourd’hui débattu (Peters et al., 2012; Ray-Soni et al., 2016). Les modèles actuels ressemblent fortement à ceux proposés pour la terminaison intrinsèque (page 27), chacun étant décliné en deux versions suivant que Rho forme ou non une interaction constitutive avec l’ARNP (voir paragraphe suivant) :

Figure 29 : Illustration des différents modèles de terminaison de la transcription Rho-dependante. Figure adaptée de (Peters et al., 2011).

Le modèle par « Hybrid Shearing », propose que le facteur Rho entre en contact avec l’ARNP au niveau du canal de sortie de l’ARN où il prendrait appui pour extraire de force l’ARN et détruire l’hybride ADN:ARN (Figure 29) (Richardson, 2002).

Le modèle par « hyper-translocation » propose que Rho pousse l’ARNP le long de l’ARN. Pour maintenir le registre correct de la bulle de transcription, l’ARNP avancerait également le long de l’ADN mais ce mouvement se ferait sans addition de nucléotide à l’extrémité ’ du transcrit. L’hybride ADN:ARN serait ainsi progressivement réduit jusqu’à provoquer l’effondrement de la bulle de transcription (Figure 29) (Park and Roberts, 2006).

Le modèle « allostérique » propose que le contact entre Rho et l’ARNP provoque des modifications allostériques telles que l’ouverture des pinces β/β’ qui conduisent à la déstabilisation du CET (Figure 29) (Dutta et al., 2011).

Des données expérimentales obtenues in vitro (Epshtein et al., 2010) et in vivo (Mooney et al., 2009a) suggèrent que Rho pourrait former une interaction constitutive avec l’ARNP, du moins dans le contexte d’un CET (Figure 29, panneau de droite). Par exemple, la pré-incubation de CET artificiellement immobilisés sur billes magnétiques (au sein desquels le transcrit naissant est encore trop court pour dépasser du canal secondaire) avec un mutant inactif de Rho semble suffisante pour empêcher la terminaison Rho-dépendante lorsque ces CET, après lavage des billes magnétiques (pour éliminer ce qui n’y est pas fixé), sont ensuite incubés avec des rNTPs et Rho sauvage (Epshtein et al., 2010). De plus, des expériences d’immunoprécipitation de la chromatine (ChiP-array) ont révélé des distributions similaires de Rho et de l’ARNP le long du génome d’E. coli, ce qui n’est pas le cas des cofacteurs NusA ou NusG et supporte l’idée d’une interaction Rho:ARNP constitutive (Mooney et al., 2009a). D’autres études, in vitro, plus récentes contestent cette hypothèse (Kalyani et al., 2011; Koslover et al., 2012). On peut remarquer qu’à ce jour aucune équipe (la nôtre comprise) n’a pu détecter d’interaction stable entre Rho et l’ARNP d’E. coli. Cette interaction, si elle existe, requière donc la configuration particulière adoptée par l’ARNP au sein du CET ou, peut-être, la participation d’un cofacteur qui reste à ce jour inconnu.

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