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CHAPITRE II. SYNTHÈSE DE NOUVEAUX TENSIOACTIFS HYBRIDES F–H

2. Synthèse des fragments moléculaires hybrides F–H

2.4 Etude de la voie de synthèse D : alternative à la voie C

3.1.1 Tensioactifs à chaîne fluorée F 6

Pour construire nos tensioactifs hybrides F–H finaux (cf. Schéma II-22), nous avons choisi dans un premier temps de greffer des réactifs commerciaux PEG propargylés sur nos blocs hybrides azotures F6H6N3 et F6H8N3 obtenus en section 2.4. Deux longueurs différentes de chaînes PEG ont été utilisées pour le greffage afin d’en évaluer l’influence sur les propriétés physico-chimiques des agrégats formés par ces tensioactifs. Ceci fera l’objet d’une étude complète en Chapitre III.

Ces réactifs PEGylés clickables ont une masse molaire moyenne entre 750 et 2000 g/mol, un nombre d’unités PEG (p), égal à 17 et 42. Ils ont été greffés sur les blocs hybrides

F6H6N3 et F6H8N3 via une réaction de cycloaddition azoture-alcyne catalysée au cuivre (I), variante de la réaction de cycloaddition de Huisgen en 1,3-dipolaire. Cette réaction de chimie click catalysée au cuivre (I) a été rapportée pour la première fois par les travaux de Meldal et al. et Sharpless et al. au début des années 2000107–109. Elle offre de multiples possibilités de fonctionalisation, permettant de construire aisément des architectures moléculaires complexes à partir de fragments moléculaires d’une grande diversité (polymères, sucres, peptides)110. Elle est d’autant plus intéressante qu’elle est facile à mettre en œuvre dans des conditions douces et des solvants variés comme le DMF, THF, tBuOH ou encore l’eau.

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La chimie click permet également d’obtenir de meilleurs rendements de divers analogues macromoléculaires, via la formation d’une jonction chimiosélective 1,4-triazole entre les blocs azoture et propargyle, contrairement à la version classique de cycloaddition de Huisgen qui apporte une racémisation en 1,2,3-triazole 1,4 et 1,5-disubstitués, en plus d’être réalisable seulement à des hautes températures (cf. Schéma II-23)109,111,112.

Schéma II-23. Comparaison des méthodes et régiosélectivité des cycloadditions : (A) cycloaddition classique de Huisgen en 1,3-dipolaire ; (B) cycloaddition azoture-alcyne catalysée au cuivre (I). R et R’ sont des

fonctions chimiques.

La jonction 1,4-triazole est une fonction plébiscitée dans de nombreuses applications biomédicales et pharmacologiques, notamment en tant que bioisostère de liens peptidiques (i.e. mimant l’activité d’une autre entité chimique), ou encore d’outil de synthèse pour l’élaboration de nouvelles classes de pharmacophores en chimie médicinale113.

En ce qui concerne le mécanisme de la réaction catalytique (cf. Schéma II-24), le catalyseur au cuivre utilisé peut être généré à partir de sels de cuivre (I) préformés ou in situ à partir de sels de cuivre (II) avec un agent réducteur comme l’ascorbate de sodium qui est le plus commun.

Le cycle catalytique peut être défini selon les étapes suivantes114 :

– (i) la formation in situ d’une liaison σ entre le cuivre et l’alcyne ;

– (ii) l’intervention d’un second atome de cuivre, qui se coordine par une liaison π au dérivé d’alcyne de cuivre formé, formant un complexe catalytique intermédiaire – (iii) l’introduction du dérivé d’azoture qui vient se coordiner de manière réversible

sur le précédent complexe catalytique Δ CuI cat. Isomère 1,4 seul Isomère 1,5 Isomère 1,4 A. B.

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– (iv) l’élimination des atomes de cuivre qui seront ré-impliqués dans le cycle suivant et la formation du dérivé de triazole régiosélectif

Schéma II-24. Cycle catalytique de formation du 1,2,3-triazole 1,4-disubstitué. R et R’ sont des fonctions chimiques. Ce schéma est inspiré des travaux de Worell et al114.

Toutefois, pour s’affranchir des risques possibles de dégradation oxydative pendant le cycle catalytique de la réaction, nous avons préféré utiliser le sulfate de cuivre (II), plus stable, plutôt que le cuivre (I) préformé comme catalyseur de la réaction, couplé au réducteur d’ascorbate de sodium (cf. Schéma II-25)115.

Schéma II-25. Formation 1,2,3-triazole 1,4-disubstitué entre les blocs hybrides F–H F6H6N3 et F6H8N3 et le réactif propargyl PEG-OMe commercial.

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Les composés hybrides 14 ou 8 sont ainsi mis en contact dans un mélange THF/eau (1:1, v/v) avec le propargyl PEG-OMe commercial de taille désirée (1 équiv.) et le sulfate de cuivre pentahydraté CuSO4.5 H2O en quantité catalytique (0,3 équiv.). La réaction est conduite sous atmosphère d’argon pour s’affranchir de possibles réactions secondaires oxydatives. En parallèle, l’ascorbate de sodium est ajouté au mélange pour réduire le cuivre (II) en cuivre (I). La cycloaddition est ensuite conduite à température ambiante et à l’abri de la lumière pendant 24 h.

Nous obtenons ainsi 4 tensioactifs hybrides F–H différents 15–18 appelés dans l’ordre

F6H6PEG750, F6H6PEG2000, F6H8PEG750 et F6H8PEG2000. Ceux-ci ont des rendements de

synthèse très satisfaisants entre 73 % et 84 % après purification sur chromatographie d’exclusion stérique (Sephadex®LH-20, 100 % MeOH) et lyophilisation des échantillons.

La formation sélective de l’hétérocycle disubstitué 1,4-triazole est confirmée par RMN 1H et RMN 2D (HSQC 2D), puisque nous observons un singulet à 7,67 ppm correspondant au proton du triazole. Le greffage du PEG commercial est confirmé, puisque nous observons les signaux des motifs éthylène glycol sur le spectre RMN 1H des molécules finales (cf. Schéma II-26).

Schéma II-26. Spectre RMN 1H de F6H6PEG750. En orange, les signaux relatifs au greffage du PEG commercial.

a

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Les masses molaires moyennes en nombre 𝑀̅̅̅̅ 𝑛 et en poids 𝑀̅̅̅̅̅ de chaque tensioactif 𝑤 hybride F–H ont pu être déterminées via la spectrométrie Maldi-TOF/SM. Un exemple est donné en Figure II-1. L’indice de polydispersité (PDI), rendant compte de la distribution des longueurs de chaînes PEG a également été déterminé pour chaque tensioactif PEGylé (cf. Matériel et Méthodes).

Leur PDI étant très proche de 1, cela signifie que la distribution des longueurs de chaînes PEG pour chaque molécule est uniforme (17 motifs d’oxyde d’éthylène pour la série PEG750 et 42 motifs pour la série PEG2000). En corroborant la RMN 1H avec le nombre total de protons contenu dans un motif éthylène glycol, le nombre de motifs PEG moyen a pu être confirmé pour chaque tensioactif hybride F–H.

Figure II-1. Spectre Maldi-TOF/M du tensioactif hybride F–H F6H6PEG2000. Chaque pic est espacé de 44 g/mol correspondant à une unité d’éthylène glycol.

Ainsi, nous obtenons pour la série F6 des rendements globaux raisonnables en partant de la Boc-L-sérine entre 17 % et 20 %, mettant également en évidence la bonne reproductibilité et modularité de cette synthèse multi-étapes.

La solubilité des molécules dans l’eau a également été vérifiée pour la suite des analyses physico-chimiques. Celle-ci a été délimitée en test préliminaire en diluant

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graduellement une concentration initiale en tensioactif à 100 g/L exagérément haute. Les échantillons sont rapidement agités à la main et observés à l’œil nu pour détecter un excès de précipité. On constate qu’en dessous de 100 g/L, on observe des solutions translucides instantanément où aucun précipité pour la série F6 n’est détecté au cours du temps. Il se forme une mousse épaisse et stable pendant quelques heures.