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Chapitre 4 Formation des Marnes Bleues : synthèse bibliographique

4. Formation des Marnes Bleues

4.2.1. Teneur en carbonate des marnes de la formation des Marnes Bleues

Le faciès marneux le plus « représentatif » de la formation contient en moyenne entre 25 % et 35 % de carbonates (Fig. 4.7, Bréhéret, 1997). Dans le détail, certains niveaux de l’Aptien sont beaucoup riches.

C’est notamment le cas des niveaux de calcaires délités (le Niveaux Blanc, le Faisceau Clansayésien), qui contiennent de 60 à 70 % de carbonates. Le faisceau Fromaget est composé de plus de 80 % de carbonates, avec toutefois une contribution de ciment diagenètique non négligeable (Bréhéret, 1997). L’intervalle le plus pauvre en carbonate est le Faisceau Goguel et ses marnes encaissantes (Bréhéret, 1997)

Les carbonates contenus dans les marnes sont très majoritairement de la calcite, peu magnésienne, provenant principalement de tests planctoniques (coccolithes, nannoconidés, calcisphères et foraminifères planctoniques), et parfois d’organismes benthiques (foraminifères, bivalves, ostracodes) (Bréhéret, 1997). Si les sédiments sont enrichis en calcaire lors de leur dépôt, il y a tout de même une proportion de calcite diagenètique découlant de précipitation précoce, ou de pression-dissolution durant l’enfouissement (Bréhéret, 1997). Rarement, de l’aragonite est décrite dans certains fragments de squelettes de mollusques bivalves ou d’ammonites (Bréhéret, 1997).

4.2.2. Teneur en quartz des marnes de la formation des Marnes Bleues

Les niveaux présentant une fraction quartzeuse plus importante sont le Faisceau Nolan (Fig . 4.7), qui a une origine détritique terrigène avérée (Friès, 1987 ; Bréhéret, 1997 ; Dauphin, 2002), et l’intervalle comprenant le Faisceau Fromaget et ses marnes sous-jacentes (phénomène de dissolution de l’opale des radiolaires, Bréhéret, 1997).

Le Faisceau Goguel affiche une teneur de quartz faible (12 % de la fraction insoluble, Bréhéret, 1997). Cela est d’autant plus étonnant que ses horizons sont souvent interlités avec des turbidites gréseuses (Friès, 1987 ; Bréhéret, 1997 ; Friès et Parize, 2003). Ces horizons noirs se seraient donc déposés au cours de périodes calmes, durant lesquelles le bassin était probablement peu alimenté (Bréhéret, 1997).

4.2.3. Le cortège argileux des séries aptiennes de la formation des Marnes Bleues

Selon les études, la composition moyenne des minéraux argileux de l’Aptien des MB varie. Dans le domaine vocontien, il est observé :

- Selon Deconinck (1984), un cortège argileux composé de 30 % à 40 % d’illite, de 20 % à 25 % de kaolinite, de 15 % à 25 % d’interstratifié illite-smectite et de maximum 15 % de smectite et chlorite.

- Une majorité d’illite et de smectite (entre 25 % et 50 % chacune), de légères variations de kaolinite (< 10 %) et d’interstratifié (< 10 %), ainsi que très peu de chlorite (excepté dans les zones les plus proches du front de chevauchement alpin) par Bréhéret (1997).

- Dans le Gargasien de la coupe de Serre-Chaitieu (Ghirardi et al., 2014), une majorité d’interstratifié illite-smectite (30 % à 65 %) et d’illite (10 % à 45 %), avec une minorité de la kaolinite (< 15%) et de la chlorite (< 10 %). Il s’agit d’interstratifié de type R0 avec plus de 50 % des couches qui sont composées de feuillets de smectite.

Comme on peut le constater, le contenu argileux de l’Aptien des MB varie énormément. A partir des travaux de Deconinck (1984), le cortège argileux des MB a souvent été interprété comme étant majoritairement hérité du continent. Il est donc possible d’interpréter les différents assemblages argileux comme étant le message sédimentaire détritique des bassins versants et de la marge en amont du bassin profond. Toutefois, avant de pouvoir interpréter la composition minéralogique des argiles des MB, il convient de s’affranchir de certains phénomènes pouvant perturber ce message sédimentaire. Dans le domaine subalpin, la difficulté avec l’interprétation du cortège argileux vient de la différenciation des argiles provenant du continent (héritées) de celles étant le résultat de transformations durant la diagenèse.

4.2.4. Influence de la diagenèse :

Dans le Bassin Subalpin, la diagénèse d’enfouissement conduit généralement à la transformation de smectite en illite et en chlorite, via des minéraux argileux interstratifiés (Deconinck et Debrabant, 1985). Ce phénomène est surtout observé dans les parties les plus internes du domaine subalpin, là où les gradients géothermiques liés à l’orogenèse alpine étaient élevés. En effet, la mise en place des différentes nappes alpines a pu entrainer une surcharge tectonique, avec pour conséquence une augmentation des conditions de température et de pression dans les séries sous-jacentes (Deconinck et Debrabant, 1985).

Il est donc observé logiquement une augmentation des teneurs en illite, et en chlorite dans une moindre mesure, quand on descend chronologiquement dans la série pélagique du Bassin du Sud-Est. Ces effets diagénétiques sont surtout perceptibles dans les séries du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur (Deconinck, 1984 ; Deconinck et Debrabant, 1985 ; Deconinck, 1987). De même, de fortes teneurs en chlorite ne peuvent pas être expliquées par une origine détritique (Deconinck, 1984 ; Levert et Ferry, 1988). En effet, les conditions d’apport terrigène faible et de climat chaud durant l’Aptien ne sont pas cohérentes avec une grande quantité de chlorite détritique exportée dans le bassin profond (Levert et Ferry, 1988). Il est également constaté des anomalies positives de la teneur en chlorite et en kaolinite le long d’accidents structuraux (faille d’Aygues, faille de Nîmes, faille d’Eygalayes, Levert et Ferry, 1988). Ces anomalies pourraient correspondre à des transformations hydrothermales précoces affectant la smectite sédimentaire (Levert et Ferry, 1988).

Cependant, les transformations diagénétiques des argiles dans les marnes de la formation des MB sont faibles (Deconinck, 1987). En effet, la smectite contenue dans les marnes est moyennement cristallisée,

ce qui indique qu’elle a peu été affectée par la diagénèse (Deconinck, 1987). Ce faible enfouissement présumé est également cohérent avec la quasi absence d’interstratifié irrégulier de type R1 (Deconinck, 1984 ; Ghirardi et al., 2014). Le faible degré d’enfouissement des séries aptiennes du Bassin Vocontien est également confirmé par des données de Rock Eval (420°C à 430°C, Bréhéret, 1997). De plus, les sédiments aptiens ont été enfouis à trop faible profondeur pour débuter le processus de transformation de la smectite en illite (voir Girardi et al., 2014).

Il est important de préciser que dans le domaine subalpin, la transformation des argiles durant la diagenèse d’enfouissement dépend également de la lithologie des séries.

4.2.5. Influence de la lithologie :

Différents travaux ont mis en évidence un contrôle lithologique sur les assemblages argileux dans les séries sédimentaires du Bassin Subalpin (Deconinck, 1984 ; Deconinck et al., 1985 ; Deconinck et Debrabant, 1985). L’évolution des smectites est différente en fonction de la lithologie. Ainsi, dans les marnes, la smectite se transforme préférentiellement en illite, alors que dans les calcaires, elle se transforme préférentiellement en chlorite. Dans les deux cas, la transformation des smectites se fait via des interstratifiés 10-14 (illite-smectite ou chlorite-smectite). Durant la diagénèse d’enfouissement, en fonction de la lithologie (calcaire ou marne), il y a une différence de nature des ions en concentration dans les eaux interstitielles du sédiment (Deconinck et al., 1985).

Cependant, les travaux de Deconinck abordent la distribution des argiles à l’échelle du bassin sur une longue période de temps : du Jurassique supérieur au Crétacé moyen. Les travaux de Tribovillard (1989) sur les alternances de bandes sombres et de bandes claires sur une coupe de Saint-André-de-Rosans (Gargasien, Fig. 4.2) montrent qu’il y a une anti-corrélation entre les teneurs en smectite et en chlorite.

La chlorite proviendrait de la transformation des smectites, bien que l’on soit situé dans des marnes. Pour expliquer ce phénomène contraire aux observations grandes échelles de Deconinck, il propose que le confinement du Bassin Vocontien influence la recristallisation des minéraux argileux dans les premiers stades de la diagénèse (Tribovillard, 1989).

En tenant compte du front alpin et des grands accidents structuraux affectant le bassin, il est admis que la diagénèse joue donc un rôle secondaire sur la nature du cortège argileux des séries aptiennes de la formation des MB. L’évolution de la smectite et des autres minéraux argileux reflète donc un véritable message sédimentaire détritique (Deconinck, 1987 ; Bréhéret, 1997 ; Ghirardi, 2014).

4.2.6. Cas spécifiques

Il a été observé deux cas spécifiques dans la minéralogie des argiles des MB. Bréhéret (1997) évoque un possible biais sur l’interprétation des smectites. En effet, les smectites de l’Aptien ne peuvent pas toutes être héritées car elles sont hétérogènes. Elles sont composées de montmorillonites et de

beideillites, et une partie de ces smectites seraient néoformées et/ou transformées (Bréhéret, 1997). De plus, des travaux sur le Gargasien de la coupe de Vergons (Hide-Prat, 1985) ont permis de mettre en évidence dans le groupe des smectites : 1) des nontronites (riche en Fe3+), dont la formation est probablement associée à des circulations hydrothermales et ; 2) de très rares surcroissances. Toutefois, ces évidences de néoformation et de transformation de smectite sont très rares, et localisées uniquement sur une coupe (Hide-Prat, 1985). Une autre particularité peut affecter la teneur de smectite dans le cortège argileux. Effectivement, si la teneur de smectite représente plus de 75% des argiles, alors il est fort probable qu’elle soit d’origine volcanique (Dauphin, 2002). De même, une teneur entre 50% et 75% de smectites dans le cortège argileux indique une contribution volcanique importante. Il s’agit en réalité des niveaux de bentonite décrit par Dauphin (2002).

Quand on se rapproche des bordures du bassin, il est décrit de la glauconie (Bréhéret, 1997). Les niveaux riches en glauconie sont le prolongement proximal des niveaux organiques distaux (Bréhéret, 1997). Il est observé une corrélation fine entre les bancs riches en glauconie et ceux riches en matière organique. La pétrologie permet également d’affirmer que cette glauconie est d’origine autochtone (Bréhéret, 1997). Bréhéret (1997) propose une possible relation entre les smectites néoformées et/ou transformées (voir paragraphe précédent) et les glauconies autochtones, sans toutefois pouvoir l’affirmer (voir Bréhéret, 1997). Les glauconies sont principalement présentes dans la partie albienne des MB.

4.2.7. Le message sédimentaire détritique

Affranchi de l’effet majeur de la diagénèse (et du contrôle lithologique qui en découle), le cortège argileux peut être interprété comme étant le message sédimentaire détritique des zones sources, c’est-à- dire des bassins versants sur les continents proches. Le message sédimentaire argileux, à l’image de tous les dépôts sédimentaires, est donc dépendant des trois facteurs suivants : le climat, l’eustatisme et la tectonique.

Tout d’abord, la nature du cortège argileux des MB (et plus globalement de Crétacé inférieur et moyen) est marquée par une abondance relative des smectites, kaolinites et illites, par rapport aux chlorites. Cet assemblage est caractéristique d’un climat chaud et humide pour la période de l’Aptien, avec cependant une humidité saisonnière, dû à la présence de smectite (Millot, 1964 ; Deconinck et al., 1985). Trois méga-séquences longues durées (I, II et III) sont interprétées entre le Jurassique supérieur et le Crétacé moyen (Deconinck, 1984). A partir de ces observations, il a été proposé un modèle d’évolution du message sédimentaire argileux dans le bassin subalpin pour une méga-séquence type (Fig. 4.8, Deconinck, 1984 ; Deconinck et al., 1985). Les sédiments aptiens des MB correspondraient au début de la méga-séquence III, contenant trois stades (Deconinck et al., 1985) :

1) Le premier stade correspond à une période d’activité tectonique sur le continent et la marge, qui peut être couplée ou non à une période de régression marine (Deconinck et al., 1985). Dans le

cas de l’Aptien du Bassin Subalpin, il s’agit uniquement d’une activité tectonique (nombreuses failles syn-sédimentaires dans le bassin). En amont du bassin profond, sur le continent, cette activité tectonique se traduit par un rajeunissement des reliefs (Fig. 4.8), et par l’érosion de

roches anciennes (exportation d’illite dans le cas du Bassin Vocontien) et des sols les plus en amont du bassin versant (exportation de kaolinite, formée dans des sols fortement hydrolysés, Millot, 1964). En conséquence, dans la série pélagique aptienne des MB, il est constaté une augmentation nette de la proportion d’illite et de kaolinite (Deconinck et al., 1984). Durant ce stade, la sédimentation est principalement terrigène le long de la marge et dans le bassin, avec notamment l’apparition des dépôts gravitaires quartzeux (Friès, 1987).

2) Le second stade correspond à une période intermédiaire, durant laquelle les reliefs se stabilisent. Sur le continent, une pédogenèse active s’installe et l’exportation de kaolinite devient proportionnellement plus importante par rapport à celle de l’illite (Deconinck et al., 1985). 3) La méga-séquence se termine par une période de stabilité tectonique. Sur le continent, les

bassins versants tendent vers la pénéplénation, ce qui a pour effet d’en diminuer le drainage (Deconinck et al., 1985). De ce fait, cela va favoriser le développement et l’exportation des smectites au détriment des kaolinites. Ce processus peut également être provoqué et/ou couplé avec une transgression marine importante (Deconinck et al., 1985). De plus, le transport de la smectite est également favorisé par la sédimentation différentielle des minéraux argileux. La smectite, du fait de ses propriétés physiques (petite taille, plus grande flottabilité, temps de floculation plus long comparé aux autres minéraux argileux), va sédimenter plus loin dans le bassin que la kaolinite et autres minéraux argileux primaires (voir Deconinck et al., 1985 pour plus de détails). La sédimentation différentielle est certes un phénomène important dans le Bassin Subalpin (Deconinck, 1984), mais elle ne peut pas être à l’origine de variation majeure dans la composition du cortège argileux. Dans la méga-séquence III, cette période de quiescence tectonique correspond au Cénomanien (Deconinck et al., 1985).

Le modèle des méga-séquences établit par Deconinck (1984) permet donc d’expliquer l’importance relative des illites et des kaolinites par rapport aux smectites dans l’Aptien des Marnes Bleues. Cet assemblage argileux serait la conséquence d’une intense période d’activité tectonique datée du début de l’Aptien. Quand la diagénèse d’enfouissement à un effet nul à modéré sur la nature des minéraux argileux, l’enregistrement sédimentaire des argiles dans le bassin dépend, par ordre d’importance (Deconinck et al., 1985) : 1) de l’activité tectonique sur le/les continents voisins et sur les marges ; 2) de l’eustatisme ; et 3) des conditions climatiques dans les bassins versants qui alimentent le bassin.

Figure 4.8 : Modèle d’évolution du message sédimentaire argileux au cours d’une méga-séquence

dans le Bassin du Sud-Est (Deconinck, 1984 ; Deconinck et al., 1985)

Même si ce modèle est appliqué sur une grande période (Aptien à Cénomanien dans ce cas, ∼25 Ma), l’expression de ces différents facteurs peut également être observée à plus haute résolution dans l’enregistrement sédimentaire (voir Deconinck et al., 1992). On peut notamment le constater grâce à des travaux réalisés sur la coupe de Serre-Chaitieu (Ghirardi et al., 2014), basés sur l’interprétation des variations verticales du cortège argileux d’une partie de l’Aptien (couplée à des mesures de susceptibilité magnétique et de gamma ray spectral). Dans ce cas d’étude, les idées proposées par Deconinck (1984 ; 1992) et Deconinck et al. (1985) sont utilisées afin de mettre en évidence des variations climatiques et eustatiques dans le domaine vocontien (voir Ghirardi et al., 2014 pour plus de détails). L’autre « limite » des travaux de Deconinck (1984) est le pas d’échantillonnage. Le but de ces travaux étant d’observer des variations sur une grande période de temps (Jurassique supérieur – Crétacé moyen), les séries aptiennes ne sont pas échantillonnées finement. Un échantillonnage précis des MB a été réalisé par Bréhéret (1997). Il est constaté que les faciès les plus riches en smectites sont corrélés avec les niveaux organiques (Fig. 4.7), cependant, à l’échelle décimétrique, les horizons les plus riches en MO ne sont

pas obligatoirement liés à une forte teneur en smectite (Bréhéret, 1997).

4.2.8. Conclusion partie minéralogie des séries aptiennes de la formation des Marnes Bleues

En résumé, la formation des MB est composée d’environ 30 % à 50 % d’argiles, de 25 % à 35 % de carbonates et d’une fraction non négligeable de quartz (Bréhéret, 1997). Ces teneurs varient de façon importante en fonction des différentes lithologies observées (faisceaux carbonatés, bancs turbiditiques, niveaux organiques). Les assemblages argileux de l’Aptien sont dominés par des illites et dans des proportions variables de smectites et d’interstratifiés I-S (Deconinck, 1984 ; Bréhéret, 1997 ; Ghirardi et al., 2014). Il est également observé la présence de chlorite et de kaolinite, mais dans des proportions

plus faibles (< 15%). Le cortège argileux, bien que présentant parfois localement une empreinte diagénétique (Levert et Ferry, 1988), peut être considéré comme étant le message sédimentaire détritique enregistré dans le Bassin Vocontien (Deconinck, 1984 ; Deconinck et al., 1985 ; Bréhéret, 1997 ; Ghirardi et al., 2014). Les sources sédimentaires sont approximativement les mêmes que celles décrites dans les TN (voir Fig. 3.9B dans le chapitre sur les Terres Noires), c’est à dire les zones émergées péri-

vocontiennes (Deconinck, 1984). Ainsi, la composition minéralogique de la fraction fine peut être interprétée comme indicateur d’instabilité tectonique et de variations eustatiques et climatiques dans le Bassin Vocontien et dans les zones péri-vocontiennes (Deconinck, 1984 ; Deconinck et al., 1985 ; Ghirardi et al., 2014).

4.3 Contenu organique des sédiments aptiens de la formation des Marnes Bleues 4.3.1. Généralités

Dans la formation des MB, il est connu de nombreux intervalles contenant des horizons sombres, décrit dans la littérature comme étant couches noires, voire même « black shales » (Friès et Beaudoin, 1986 ; Friès, 1987 ; Bréhéret, 1994 ; Bréhéret, 1997 ; Dauphin, 2002). Ces intervalles, non homogènes, représentent environ 30% de la formation des Marnes Bleues (Bréhéret, 1997). Il s’agit d’alternances de couches noires, parfois laminées, avec des couches plus claires et bioturbées (Bréhéret, 1997). Les horizons noirs ne représentent que 5% de la formation, et sur le terrain, ils sont organisés sous la forme de doublet ou triplet (Fig. 4.9, Bréhéret, 1997 ; Dauphin, 2002). Ces couches noires sont connues pour avoir une bonne continuité latérale dans le Bassin Vocontien (Bréhéret, 1997).

Figure 4.9 : Les niveaux organiques étudiés dans le cadre de ce travail. La stratigraphie de chaque coupe est disponible dans la littérature (voir Fig. 4.2 pour la localisation des coupes).

Les seules données de Rock Eval « exploitables » (COT, Tmax, IH et IO) dans la bibliographie sont disponibles dans les travaux de Bréhéret (1997) (Fig. 4.10). Ces travaux consistent en une analyse Rock Eval de plusieurs centaines d’échantillons de la formation des MB, aussi bien sur des marnes encaissantes (grises) que sur des horizons organiques (sombres à noirs). On observe tout d’abord que des faibles COT (carbone organique total) correspondent à des faibles IH (indice hydrogène) (TOC < 1 wt% ; IH < 50 mgHC/gCOT), et qu’une augmentation du COT correspond souvent à une

augmentation du IH (Bréhéret, 1997). A partir des résultats Rock Eval (Fig. 4.10), il est possible de discriminer les sédiments des MB en fonction des paramètres de l’IH et de l’IO (indice oxygène). Trois catégories ont été proposées par Bréhéret (1997) :

1) Des sédiments contenants de la MO résiduelle ou recyclée en faible quantité (COT < 0,5 wt%, parfois jusqu’à 1 wt%), avec des IH et IO très faibles (IH < 50 mgHC/gCOT ; IO < 50 mgCO2/gCOT).

2) Des sédiments contenant de la MO de type III, d’origine continentale et/ou marine dégradée. Le contenu organique et les IH de ces sédiments restent faibles (COT < 1wt% ; IH < 60 mgHC/gCOT), les IO peuvent atteindre 130 mgCO2/gCOT.

3) Des échantillons contenants de la MO de type II-III ou II, moins altérée, d’origine marine et/ou terrestre. Ils sont plus riches en MO (COT de 1-2 wt%, et plus), ont un IH plus élevé (IH > 100 mgHC/gCOT) et un IO faible (IO < 50 mgCO2/gCOT). Ces sédiments correspondent aux niveaux organiques proposés par Bréhéret (1997).

Dans la catégorie des niveaux organiques de la formation des MB, il est possible de différencier deux faciès (Bréhéret, 1997).

Tout d’abord, il est décrit les horizons ou couches noirs (COT ∼1-2 wt% ; IH compris entre 100 à 300 mgHC/gCOT) qui sont en fait des marnes sombres, peu laminées, et légèrement fissiles (Figs. 4.9, 4.10). Ces marnes contiennent très peu de pelotes fécales, leur microfaune est relativement pauvre, et leur aspect homogène indique une microbioturbation importante (Bréhéret, 1997). La quantité relativement plus faible de MO, comparée au faciès suivant, peut être expliquée par : 1) une production planctonique plus faible ; 2) une dilution par le détritisme plus importante ; et/ou, 3) une dégradation plus poussée des composés organiques. Ces indices laissent penser que ces horizons noirs se sont déposés dans des conditions suboxiques (Bréhéret, 1997). Dans les séries aptiennes de la fosse vocontienne, il s’agit du Faisceau Fallot, du Niveau Jacob et du Niveau Kilian (Bréhéret, 1997).

Il est également observé des faciès beaucoup plus noirs, laminés, et très fissiles. Ces faciès, dit de « schiste en carton » (Bréhéret, 1997), correspondent aux « black shales » dans les MB (Faisceau Goguel dans l’Aptien, niveaux Paquier et Breistroffer dans l’Albien) (Bréhéret, 1997 ; Dauphin, 2002). Ces niveaux organiques sont plus riches en MO (COT > 2-3 wt%) et ont des IH (250 à 650 mgHC/gCOT)

plus élevés que les autres niveaux organiques des MB (Fig. 4.10, Bréhéret, 1997). Ils contiennent une MO principalement marine et bien préservée. De plus, ils sont caractérisés par une absence de faune benthique, ce qui pourrait indiquer des conditions de dépôt anoxique (Bréhéret, 1997). Cependant, les conditions anoxiques n’étaient pas pérennes durant le dépôt de ces niveaux. En effet, l’étude des lamines millimétriques dans le niveau Paquier (Albien inférieur) révèle des alternances de périodes anoxiques et suboxiques (Bréhéret, 1997).

Hors des zones d’influence des nappes alpines, la faible maturité thermique des échantillons (Tmax entre 420 et 440 °C) n’altère pas les résultats du Rock Eval (Bréhéret, 1997). On peut ainsi constater l’influence de la proximité du chevauchement alpin entre des coupes lointaines (Serre-Chaitieu et Pré- Guitard, Tmax ∼ 430 °C, MO immature à début de fenêtre à huile, Fig. 4.10) et une coupe proche (Gaubert, Tmax ∼ 450 °C, fenêtre à huile, Fig. 4.10). On peut également observer des variations de Tmax au sein d’une même coupe (Pré-Guitard par exemple) qui peuvent être expliquées par (Espitalié et al., 1985) : 1) des différences de typologie, et donc d’origine, de la matière organique (type II vs type III) ; et/ou 2) un effet de matrice minérale qui peut être important dans les sédiments pauvres en matière