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Chapitre 4 Formation des Marnes Bleues : synthèse bibliographique

4. Formation des Marnes Bleues

4.3.3. Modèles de formation des niveaux organiques

Comme on peut le constater, il existe de nombreux niveaux enrichis en MO dans la série aptienne à début albienne de la formation des MB. Ces niveaux montrent cependant des différences en contenu organique (COT compris entre 1-2 wt%, COT > 2wt% pour les niveaux Goguel et Paquier) et en typologie de la MO (type II, mixte II-III et III) (Bréhéret, 1994 ; 1997). Cette variété se retrouve également dans les processus de formation de ces niveaux enrichis (Fig. 4.11A, s4.11B).

Deux modèles de formation à haute fréquence ont été proposés pour les niveaux organiques des MB (Figs. 4.11A, 11B). Bien que ces modèles ne portent pas les mêmes noms d’une étude à l’autre (Bréhéret,

1994 ; Erbacher et. al, 1998 ; Friedrich et al., 2003 ; Herrle et al., 2003 ; Heimhofer et al., 2006 ; Herrle et al., 2010), ils mettent en avant les mêmes facteurs :

- Le modèle « productivité » (Fig. 4.11A): l’enrichissement en MO des sédiments profonds est la conséquence d’une importante productivité primaire des eaux de surface, associée à un haut niveau marin relatif. Une augmentation de la MO exportée entraine une consommation accrue de l’oxygène dans le fond du bassin, via la dégradation microbienne. Un appauvrissement en oxygène des eaux de fond mène de ce fait à une meilleure préservation de la MO. Les conditions climatiques chaudes et arides induisent une forte évaporation (taux d’évaporation > taux de précipitation), notamment sur les domaines de plate-forme continentale (cas de la Téthys de l’ouest), ainsi que la formation de niveaux condensés dans le bassin profond (faibles apports détritiques). Ces conditions permettent d’augmenter la salinité de l’eau de surface, et donc de provoquer un plongement de ces eaux oxygénées vers le fond du bassin et vers l’est de la Téthys. Les eaux profondes sont donc renouvelées de façon permanente. Donc, dans le cas de ce modèle, la productivité primaire permet à elle seule de consommer une grosse partie de l’oxygène dissous dans le fond du bassin, et au final, de favoriser la préservation de la MO.

- Le modèle « détritique » (Fig. 4.11B): une augmentation des apports continentaux d’eau douce

et un bas niveau marin relatif permettent d’améliorer la préservation de la MO dans le Bassin Vocontien. En effet, des conditions chaudes et humides (taux de précipitation > taux de d’évaporation) sur les marges continentales de la Téthys de l’ouest restreignent la formation des courants océaniques plongeants, et, de ce fait, le renouvellement des eaux profondes. De plus, le Bassin Vocontien étant un appendice de la Téthys à l’époque, une baisse du niveau marin relatif provoque un effet de seuil dans le bassin, amplifiant le phénomène de stagnation des eaux profondes. Cette stratification des eaux entraine des conditions dysoxiques dans le fond du bassin. Dans ce modèle, la préservation de la MO à la base d’une colonne d’eau dysoxique est donc la conséquence d’apports détritiques plus importants dans le bassin.

Figure 4.10 : A) Modèle « productivité » favorisant la formation d’un niveau organique ; B) Modèle « détritique » favorisant la formation d’un niveau organique. Ces modèles sont modifiés d’après

Le facteur important dans ces deux modèles est donc le rapport entre les taux de précipitation et les taux d’évaporation sur les plate-formes ouest de la Téthys. Le Bassin Vocontien étant situé à l’époque entre la ceinture climatique aride et la ceinture climatique humide de l’hémisphère Nord (Friedrich et al., 2003), les conditions climatiques ont donc pu osciller. Ainsi, les fortes périodes d’humidité ont pu être la conséquence d’un régime de mousson intense sur les terres émergées proches du Bassin Vocontien (Friedrich et al., 2003 ; Herrle et al., 2003 ; Heimhofer et al., 2006). Étonnamment, la relation entre ces modèles et la typologie de la MO est plus compliquée. En effet, on pourrait penser que les sédiments formés dans le modèle « productivité » soient enrichis en matière organique marine (type II), et que ceux formés dans le modèle « détritique » soient enrichis en matière organique terrestre (type III) (voir

Figs. 4.11A, 11B). Ces modèles sont cohérents pour les niveaux Jacob et Kilian (type III, modèle « détritique ») et pour le Niveau Noir (MO marine dégradée, modèle « productivité », Herrle et al., 2010), au contraire des horizons du Faisceau Fallot. En effet, les horizons FA 3 et FA 4 se sont formés selon le modèle « détritique » mais ils sont caractérisés par de la MO respectivement de type II et de type II-III (Friedrich et al., 2003). De même, les horizons FA 2’ et FA 2’’, dont la MO est de type III, se seraient formés selon le modèle « productivité » (Friedrich et al., 2003).

Le cas du Faisceau Goguel est un peu particulier. En effet, il correspond à l’OAE 1a dans le domaine vocontien (Bréhéret,1994 ; 1997). Un modèle de formation de l’OAE 1a a été proposé (Westermann et al., 2013). Sans entrer dans les nombreux détails existants dans la littérature, l’OAE 1a débute par une augmentation importante du CO2 dans l’atmosphère, à la suite d’un épanchement basaltique important (plateau océanique d’Ontong-Java). L’effet de serre va provoquer une augmentation du niveau marin mondial et un réchauffement climatique (climat plus chaud et humide). De ce fait, la productivité primaire des eaux de surface va augmenter, ainsi que les apports d’eau douce dans les bassins. Dans le fond des bassins, des conditions anoxiques vont se développer (Westermann et al., 2013). L’OAE 1a se termine par le double effet de séquestration de CO2 et de rejet d’O2, induit par la productivité primaire des océans. Par conséquent, il est tout à fait possible que plusieurs mécanismes (productivité primaire, stratification des eaux, haut niveau marin) favorisent la formation des horizons organiques du Faisceau Goguel. En somme, le Faisceau Goguel correspond au paroxysme du modèle « productivité » (Figs. 4.11A, 11B), car la productivité primaire a guidé une longue période d’anoxie dans la Téthys (Weissert, 1990; Föllmi, 1995, Sanfourche and Baudin, 2001; Westermann et al., 2013).

Le Niveau Paquier correspond quant à lui au paroxysme du modèle « détritique » (Bréhéret, 1994, Herrle et al., 2003, Ferry, 2017). Les conditions anoxiques dans le fond du bassin étaient la conséquence d’un climat très chaud et humide, impliquant de forts apports d’eau douce continentale et de MO terrestre (MO continentale décrite par Tribovillard et Gorin, 1991). En plus de favoriser une stratification des eaux, ces fortes arrivées d’eau douce ont également favorisé la productivité primaire

par l’apport de nutriments. C’est la raison pour laquelle la MO observée dans le Niveau Paquier est marine, avec une composante terrestre non négligeable (Tribovillard et Gorin, 1991 ; Herrle et al., 2003).

4.4. Dépôts gravitaires aptiens de la formation des Marnes Bleues 4.4.1. Généralités

Les marnes aptiennes de la formation des MB contiennent de nombreux sédiments gravitaires (Fig. 4.12). Ces derniers ont été décrits et cartographiés dans de nombreuses études (Beaudoin et Friès, 1985 ; Friès, 1987 ; Parize, 1988 ; Rubino, 1989). Ces travaux sont synthétisés dans la publication de Friès et Parize (2003).

La pente du Bassin Vocontien enregistre de nombreux phénomènes gravitaires durant le Crétacé inférieur. Ces phénomènes sont la conséquence d’apports détritiques importants et de déstabilisations de pente dans le domaine oriental du Bassin Vocontien. Les dépôts gravitaires sont composés de slumps argileux, de coulées de débris, de quelques turbidites sableuses et grès massifs (Fig. 4.12, Friès et Parize, 2003). Les grès massifs sont souvent associés à des sills et dykes sableux (Parize et al., 2007 ; Friès et Parize, 2003 ; Monnier et al., 2015). Les dépôts gravitaires peuvent représenter plus de 90% des sédiments de certaines coupes (coupe de La Chaudière et du Ravin des Pennes par exemple) situées dans le centre des paléo-vallées sous-marines. Au contraire, les dépôts gravitaires représentent moins de 10% des sédiments dans les parties les plus éloignées des paléo-vallées (coupe de Serre-Chaitieu). Comme expliqué précédemment (voir contexte structural), la morphologie de la marge et des paléo-vallées sous- marines était contrôlée par de la tectonique et de l’halocinèse syn-sédimentaire (Friès et Parize, 2003). L’empilement vertical des dépôts gravitaires durant tout le Crétacé inférieur indique une source sédimentaire commune et continue durant cette période. Ces séries gravitaires correspondent à des dépôts érosifs dans des chenaux confinés plutôt que des complexes de chenaux-levées et lobes classiques (Friès et Parize, 2003).

4.4.2. Les sédiments gravitaires aptiens de la formation des Marne Bleues

Dans la formation des MB, il est distingué deux groupes dans les dépôts gravitaires (Friès et Parize, 2003) : 1) les sédiments issus de déplacement de masse (« mass transport complex ») ; et 2) les sédiments issus d’écoulement gravitaire sableux (« sandy-gravity flow »).

Les sédiments déposés à partir d’un déplacement en masse (« mass transport complex ») sont principalement composés de slumps marno-sableux et/ou calcaréo-marneux, et de quelques coulées de débris contenant des blocs de plusieurs centaines de mètres de long et de plusieurs dizaines de mètres de haut (Fig. 4.12, Friès et Parize, 2003). Les niveaux de slumps sont corrélables sur plusieurs dizaines de kilomètres à travers la pente vocontienne. Le processus de formation de ces dépôts va du « slumping » à l’écoulement cohésif de débris (Friès et Parize, 2003). Chacun des niveaux de slumps couvrent plusieurs centaines de kilomètres carrés. L’épaisseur des slumps et des coulées de débris diminue vers

le bas de la pente, bien que des variations syn-sédimentaires provoquées par des failles sont observées (Friès et Parize, 2003). Très souvent, les slumps et coulées de débris de l’Aptien sont couverts d’un banc gréseux de quelques cm à 1 m, contenant des lamines parallèles et des rides de courants. Ces grès ont une base érosive qui affiche des traces de bioturbations et des figures d’érosion (« sole marks »). A l’endroit où se forme l’écoulement de débris ou le « slumping », un vannage de sédiments sableux est également provoqué. Cela a pour conséquence de former un nuage turbulent au-dessus de l’écoulement de débris. Les sédiments gréseux couvrants les slumps et les coulées de débris sont donc interprétés comme étant la conséquence de ce nuage turbulent (Friès et Parize, 2003).

Les sédiments déposés à partir d’écoulement gravitaire sableux (« sandy-gravity flow ») peuvent également être divisés en deux catégories (Fig. 4.12, Rubino, 1989, Friès et Parize, 2003) : 1) les turbidites sableuses (turbidites sensu Bouma, 1962) ; et, 2) les grès massifs. Dans les deux cas, les grès sont composés de 60-70% de quartz, de 20-30% de glauconie détritique, de restes de débris de coquilles carbonatés ou siliceuses, de feldspaths, de micas détritiques, et de rares fragments de tourmaline et de zircon (Aboussouan, 1963 ; Rubino, 1981, Parize, 1988). La teneur en argile de ces grès est négligeable, et la taille des particules qui les composent est située entre 100 et 300 microns.

Les turbidites sableuses sont des turbidites sensu Bouma (1962). Elles présentent une base érosives (« sole marks ») et de rares intraclastes marneux. La base de ces ensembles turbiditiques est concave vers le sommet. Les ensembles turbiditiques ont une épaisseur comprise entre un mètre et une dizaine de mètres. L’épaisseur des ensembles turbiditiques diminue vers l’aval (Rubino, 1989 ; Friès et Parize, 2003). Les chenaux remplis par ces turbidites font quelques centaines de mètres de large au maximum. Les différents bancs qui composent ces ensembles turbiditiques sont épais de quelques centimètres à plusieurs mètres (Rubino, 1989 ; Friès et Parize, 2003). Ces turbidites sont composées des membres Ta à Te définis par Bouma (1962). Cependant, le membre Ta affiche rarement un granoclassement normal et il représente souvent moins de la moitié des bancs sableux (Friès et Parize, 2003). Les membres Tb, Tc et Td sont souvent convolutes.

Il existe 5 ensembles turbiditiques répertoriés dans la formation des Marnes Bleues (Friès et Parize, 2003). Les ensembles P1 et P2 (Fig. 4.12) sont d’épaisseur métrique et correspondent à des turbidites

fines (Bréhéret, 1997 ; Friès et Parize, 2003). L’ensemble P1 est interlité avec les horizons organiques du Faisceau Goguel, et l’ensemble P2 est interlité avec le Faisceau Fallot (Fig. 4.12, Friès et Parize, 2003). Ces deux ensembles s’étendent sur une longueur de 80 km le long de la marge. Les paquets turbiditiques T1a et T1b s’étendent respectivement de 40 à 80 km sur la marge vocontienne, formant un ensemble qui peut être épais jusqu’à 20 m (Friès et Parize, 2003). Cet ensemble comporte des bancs sableux de plus en plus fins à granoclassement positif, localement associés avec des grès massifs sous- jacents (Rubino, 1989). L’ensemble turbiditique le plus épais est le T2 (Fig. 4.12), qui peut atteindre 40

m d’épaisseur (Friès et Parize, 2003). L’ensemble T2 est seulement présent dans l’aire de Bourdeaux, sur une longueur estimée à environ 15 km. Il s’agit de bancs individuels d’une épaisseur comprise entre 1 et 5 m. L’ensemble T3, épais de 15 m, est présent au sommet des grès massifs T3 (Fig. 4.12, Friès et Parize, 2003). Cet ensemble turbiditique s’est déposé sur environ 40 km au travers de la pente vocontienne.

Les grès massifs représentent 90 à 99% des sédiments gréseux de l’Aptien dans la formation des MB (Friès et Parize, 2003). De ce fait, ils sont donc beaucoup plus épais que les dépôts turbiditiques. La texture des sables dans les corps sableux est uniforme, verticalement et horizontalement. De même, il est décrit très peu de structures sédimentaires dans ces grès massifs (Rubino, 1989, Friès et Parize, 2003). Ces grès sont composés de sables fins à moyens. Dans les parties supérieures des ensembles sableux, il est observé de rares structures sédimentaires (laminations parallèles, rides de courant), déformés par de la liquéfaction et des structures d’échappement d’eau (Friès et Parize, 2003). On peut également y trouver des galets calcaires et des nodules à ciment siliceux. Ces ensembles sableux massifs peuvent inciser l’ancienne pente vocontienne jusqu’à 40 m, dans des chenaux qui ont une largeur comprise entre 200 et 400 m (Friès et Parize, 2003). Tous les chenaux contenant les grès massifs sont érosifs et parfois, ils peuvent être recouverts en leurs sommets par les turbidites sensu Bouma (1962) décrites précédemment.

Figure 4.12 : Position des dépôts gravitaires et des séquences stratigraphiques dans l’Aptien de la

formation des Marnes Bleues (modifiée d’après Friès et Parize, 2003, avec les interprétations de Rubino, 1989 ; com. pers.).

Il existe 4 ensembles de grès massifs (Fig. 4.12). Il s’agit des ensembles T1a et T1b, en relation avec les

turbidites sensu Bouma (1962), et des ensembles T3 et T4 (Friès et Parize, 2003). Les grès massifs se sont mis en place via des courants de haute densité (Rubino, 1989 ; Friès et Parize, 2003). Ces corps sableux auraient pour origine un vannage important de la plate-forme continentale (Rubino, 1989). L’homogénéité de la texture dans les grès, et l’absence de dépôts plus fins, seraient la conséquence de la resédimentation de sables stockés plus en amont sur la plate-forme continentale, et donc préalablement triés. Des dykes et sills sableux sont observés à l’intérieur et autour des grès massifs de la formation des MB (Friès et Parize, 2003 ; Parize et al 2007 ; Monnier et al., 2015).

4.4.3. Modèle de dépôts des sédiments gravitaires sur la pente vocontienne

La pente vocontienne enregistre essentiellement des dépôts pélagiques puisque les sédiments sableux ne représentent que 10% de la formation des MB (Friès et Parize, 2003). La nature des écoulements évolue assez peu le long de la pente, ce qui démontre que c’est bien la nature du sédiment qui contrôle le type de sédiments gravitaires observés. Il y a eu de nombreux glissements gravitaires à cause de la présence de vases argilo-calcaires sur cette ancienne pente. Selon différentes classifications (voir Friès et Parize, 2003), l’ancienne marge aptienne du vocontien correspondait à un « mud-complex », avec de brefs épisodes sableux correspondant à un « sand-rich system » (dépôts gravitaires T1, T2 et T3, Fig. 4.12). Les sédiments déposés à partir d’un déplacement en masse (« mass transport complex ») sont le résultat de déstabilisation de la partie supérieure de la pente vocontienne. C’est pour cela que ces dépôts sont relativement fins (Friès et Parize, 2003). Au contraire, les intercalations sableuses indiquent un changement majeur de source sédimentaire. Les sables, stockés en amont, ont été transportés dans le bassin profond par un vannage et une érosion importante de la plate-forme continentale.

Dans le détail, il est possible de différencier ces dépôts sableux en fonction de l’efficacité des courants qui ont permis leurs dépôts (travaux de Mutti, 1979 ; voir Friès et Parize, 2003). Les turbidites sensu Bouma (1962) (P1, P2, T1b notamment) correspondent à des courants hautement efficaces. Elles occupent surtout les parties supérieures du remplissage des chenaux, et elles se sont déposées sur de plus grandes distances. Au contraire, les grès massifs correspondent à des courants de faible efficacité. Ces dépôts, très érosifs, sont présents dans la partie inférieure des chenaux et ils sont moins étendus le long de la pente vocontienne.

Le modèle de dépôt des turbidites dans le bassin vocontien diffère des modèles classiques, car ces derniers sont établis dans des bassins compressifs. Dans le cas du sud-est de la France, les déstabilisations de la pente et les épisodes d’apports détritiques sont contrôlés par la tectonique (via des séismes notamment) pour la partie distale du bassin ; et par des variations eustatiques dans la partie proximale du bassin vocontien (Rubino, 1989). La répartition verticale des sédiments gravitaires est en

relation avec les séquences stratigraphiques définies dans le bassin (Rubino, 1989 ; Friès et Parize, 2003). Cette répartition est discutée dans la section suivante.

4.5. Cyclicité stratigraphique de l’Aptien de la Formation des Marnes Bleues 4.5.1 Généralités

Les principaux travaux de détermination des séquences stratigraphiques dans la formation des MB ont été réalisées par Rubino (1989) et Friès et Parize (2003). A ces travaux s’ajoutent ceux de Tribovillard (1989), Bréhéret (1994), Dauphin (2002), et Ghirardi et al. (2014), sur la cyclicité astronomique des rubanements de couleurs (clair vs sombre) dans les marnes. L’Aptien de la formation des MB a été découpé en 5 séquences stratigraphiques de 3ième ordre (Rubino, 1989, communication personnelle ; Friès et Parize, 2003, voir cette dernière publication pour plus de détails sur la nomenclature utilisée) : les séquences Ap1(1) et Ap1(2) (regroupées en une seule séquence Ap1 par Friès et Parize, 2003), suivies des séquences Ap2, Ap3 et Ap4 (Fig. 4.12). Il y a cependant des différences notables dans l’interprétation de certains niveaux et intervalles. Il est possible de présenter un modèle relativement cohérent en se basant sur ces deux travaux, qui découlent de nombreuses années d’expériences du terrain.

Afin de découper la formation des MB en séquences stratigraphiques, Rubino (1989) et Friès et Parize (2003) ont utilisé les hiatus biostratigraphiques, les niveaux d’érosions majeurs, les changements de couleurs dans les marnes, les niveaux condensés, les niveaux organiques, et l’occurrence des dépôts gravitaires. Ensuite, chaque surface d’érosion régionale a été interprétée comme une limite de séquence stratigraphique de 3ième ordre (SB, Fig. 4.12). Les différents faisceaux carbonatés ont été interprétés comme étant des prismes progradants de cortège sédimentaire de bas niveau marin (LST, Fig. 4.12). Enfin, les niveaux condensés, correspondant à des changements de couleurs, ainsi que certains niveaux organiques, s’étendent sur les plate-formes adjacentes du bassin. Ces niveaux correspondent à des surfaces d’inondation maximum (MFS, Fig. 4.12). On peut également constater que parmi les cinq principales séquences stratigraphiques de 3ième ordre, les trois dernières sont pauvrement préservées. En effet, les différentes limites de séquence sont progressivement de plus en plus érosives. Cela marque une tendance régressive sur la marge vocontienne, aboutissant à de nombreux glissements et effondrements gravitaires.

Dans cette partie, chacune des séquences stratigraphiques est rapidement présentée, suivi de la description d’une séquence « type » de l’Aptien. Enfin, les différents travaux sur le rubanement des marnes et la cyclostratigraphie seront succinctement abordés.

4.5.2. Séquences stratigraphiques de 3ième ordre : Ap1(1) et Ap1(2)

Cette séquence est divisée en deux séquences par Rubino (1989, com. pers.), mais la plupart des observations restent concordantes avec celles de Friès et Parize (2003).

Dans le bassin profond, la limite inférieure de cette séquence (SB) correspond à un changement important de lithologie, passant des calcaires du Bédoulien à des marnes grises (Ferry et Rubino, 1989). Cette limite est marquée par une érosion majeure à l’échelle du bassin, et par d’importants dépôts gravitaires (« mass transport complex ») (Fig. 4.12, Bréhéret, 1997 ; Friès et Parize, 2003).

Le cortège sédimentaire de bas niveau marin (LST) est constitué du Faisceau Goguel et du Niveau Blanc pour Friès et Parize (2003). Cependant, le faisceau Goguel, qui correspond à l’OAE 1a, est plus souvent interprété comme s’étant déposé durant une période de transgression mondiale (MFS, Fig. 4.12, Rubino, 1989, com. pers. ; Bréhéret, 1994 ; 1997 ; Heimhofer et al., 2004 ; 2006 ; Westermann et al., 2013, Ferry, 2017). De plus, de nombreuses turbidites fines (P1, Fig. 14.2), d’extension très importantes dans

le bassin, sont interlitées dans ce niveau organique (Rubino, 1989 ; Friès et Parize, 2003). Il y a donc une différence d’interprétation concernant le Faisceau Goguel. Il est envisageable que le Faisceau Goguel corresponde à la MFS d’une séquence stratigraphique de 3ième ordre (Ap1(1)), et que la limite de séquence soit située sous le Niveau Blanc (surface érosive également observée sous le Niveau Blanc par Friès et Parize, 2003). Dans ce cas-là, le Niveau Blanc correspondrait au LST de la séquence Ap1 (2).

Le cortège transgressif (TST) correspond à l’intervalle de marnes entre le Niveau Blanc et le changement de couleurs qui apparaît dans les marnes (Niveau Noir). Ce changement de couleur est visible à l’affleurement puisque les marnes grises passent au noir (Rubino, 1989 ; Bréhéret, 1997 ; Friès et Parize, 2003).

La surface d’inondation maximale (MFS) de la séquence Ap1(2) correspond à l’apparition de ce Niveau Noir (Fig. 4.12). Ces marnes noires, qui débordent sur la plate-forme, contiennent de nombreuses ammonites et seraient légèrement plus riches en MO (Rubino, 1989).