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5.3 Coordination entre posture et mouvements

5.3.3 Influence des contraintes posturales sur la contribution segmentale au COP

5.3.3.3 Tendances inter-sujets

L’ANOVA à 3 facteurs effectuée sur les descripteurs de contribution moyenne semblent confirmer cette tendance. Tout d’abord, le facteur condition posturale est par lui-même significatif (F3,18 = 31.48; p < 0.05⇤⇤⇤) quel que soit le mode d’archet et la coordonnée spatiale. La figure 5.14(a) montre l’effet de ce facteur, sous forme de pente augmentant à mesure que se renforce la difficulté de la contrainte posturale. Les tests post-hoc LSD réalisés sur ce facteur montrent que les conditions d’immobilisation physique sont significativement différentes de la situation normale.

L’ANOVA nous révèle également un effet croisé robuste entre les facteurs mode d’archet et condition posturale (F3,18 = 6.83; p < 0.05⇤⇤). En effet, comme on peut l’observer sur la figure 5.14(b), les ratios de contribution moyens au COP paraissent plus importants en mode d’archet legato qu’en mode détaché,

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Figure 5.13 – Valeurs moyennes du descripteur de contribution segmentale au COP, en fonction des facteurs mode d’archet (détaché/legato), condition posturale (N/SM/SC/SCH ) et coordonnée spatiale (X/Y ). Ces contributions moyennes intra-sujets sont présentées : (a) Sur la coordonnée X. (b) Sur la coordonnée Y.

pour les situations naturelles et d’immobilisation physique. Cela est confirmé par les tests post-hocs LSD où seule la situation d’immobilisation mentale n’est pas significativement différente entre les deux modes d’archet.

Enfin, l’interaction des 3 facteurs [Posture-Mode-Coordonnée] s’avère très significative (F3,18 = 9.03; p < 0.05⇤⇤⇤). L’observation de cette triple interaction figure 5.14(c), révèle en effet que les ra-tios de contribution moyens augmentent bien avec la contrainte posturale pour les 2 coordonnées (X,Y), mais que cette tendance ne diffère selon le mode d’archet que pour la cordonnée X. Les tests post-hocs LSD confirment bien le phénomène, avec des différences entre modes d’archet toutes significatives par condition posturale selon la dimension X, et pas selon la dimension Y.

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Figure 5.14 – ANOVA sur les valeurs moyennes du descripteur de contribution segmentale au COP. Cette ANOVA contient 3 facteurs et est effectuée par mesures répétées sur le plan des 7 violoncellistes. (a)Effet du facteur Posture. (b) Effet du croisement des facteurs [Posture-Mode]. (c) Effet de l’interaction entre les 3 facteurs [Posture-Mode-Coordonnée]. La ligne pointillée (valeur 1) correspond à l’égalité des contributions au COP entre les gestes instrumentaux et ancillaires.

5.3.3.4 Discussion

Le premier résultat essentiel porte sur la significativité du facteur condition posturale. Il démontre que pour l’ensemble des violoncellistes, la contribution au COP du tronc par rapport au geste effecteur n’a fait qu’augmenter avec la contrainte. Si les violoncellistes ne jouaient qu’avec leur bras droit, la contribution au COP des segments composant la chaîne focale (bras droit et archet) serait égale ou supérieure à celle des segments composant la chaîne posturale (buste, cou et tête). On observerait alors dans la figure 5.14(a) une égalité ou diminution du rapport entre Cancillaire et Cinstrumental, ce qui se traduirait pas une courbe plate ou décroissante. La croissance progressive de cette courbe le long des contraintes est donc très intéressante. Elle caractériserait le fait que plus on empêche l’expression naturelle des mouvements posturaux, plus ceux-ci se manifestent au final, ce qui suggère qu’ils sont indispensables au jeu des

5.3. Coordination entre posture et mouvements 132 violoncellistes. Il semble ainsi difficile de jouer sans le soutien des périodicités naturelles des segments du tronc.

Le second résultat important concerne la significativité du facteur mode d’archet. Il démontre que le mode legato sollicite plus les mouvements ancillaires du tronc que le mode détaché. En croisant les facteurs mode d’archet et condition posturale (figure5.14(b)), on obtient les plus grandes différences significatives d’une part entre les deux contraintes d’immobilisation physique, et d’autre part entre modes d’archet pour la situation d’immobilisation physique complète (SCH). Cela signifierait donc que la tête est un élément du tronc particulièrement fondamental, pour le soutien des longs coups d’archet du mode legato. Enfin, le troisième résultat intéressant rend compte de la significativité du facteur dimension spatiale par rapport aux modes d’archet, au travers des conditions posturales. Il démontre que les différences de contribution segmentale observées entre modes d’archet ne concernent que la dimension spatiale X, ce qui est logique puisqu’il s’agit en effet de la direction principale dans laquelle les violoncellistes effectuent leur tiré/poussé d’archet. Si l’on se focalise maintenant sur cette dimension X (figure5.14(c)) et qu’on regarde les évolutions du descripteur de contribution par rapport à l’équi-contribution ancillaire/instrumental (ratio=1), deux interprétations différentes sont possibles en fonction du mode d’archet :

Mode d’archet détaché En situation de jeu naturelle (N), la contribution instrumentale est plus grande que celle de l’ancillaire, car le descripteur de ratio moyen (équation5.6) est plus petit que 1. Avec les contraintes, ce ratio augmente progressivement jusqu’à atteindre puis même dépasser 1 dans les situations d’immobilisation physiques (SC et SCH). Grâce aux premières analyses de la section5.3.2.3, nous pouvons supposer que cela est dû à l’augmentation des fréquences d’oscillation de la tête qui se synchronisent puis dépassent celles des coups d’archet détachés. La minerve obligerait ainsi la tête à osciller encore plus vite, ce qui en entraînant le buste avec elle, générerait un déséquilibre corporel plus grand. En effet, la période d’oscillation propre d’un corps rigide est proportionnelle à la racine carrée de son moment d’inertie, qui lui-même est proportionnel à la masse et aux dimensions physiques de ce corps. En situation d’immobilisation physique, le buste serait donc contraint d’osciller au même rythme que les coups détachés d’archet, ce qui transmettrait des moments de force plus grands à la plateforme, et élargirait en conséquence les aires de déplacements globales du COP (cf figure5.4). Ces hypothèses sont confortées par les violoncellistes eux-mêmes, qui témoignent d’une plus grande difficulté ressentie dans ce contexte. Certains parlent d’être “en mode survie, comme un seul bloc”, ou d’“impression d’emballement, à cause de l’inertie faisant osciller tout le corps”... D’autres décrivent cela comme un “sentiment d’enfermement permettant moins de maîtrise, comme dans un couloir”, entraînant une nécessité de “compenser en respirant mieux par le ventre”... Mode d’archet legato En situation de jeu naturelle (N), la contribution ancillaire est plus grande que celle de l’instrumental, car le descripteur de ratio moyen (équation5.6) est plus grand que 1. Avec les contraintes, ce ratio augmente, et ce d’autant plus fortement dans les situations d’immobilisation physiques (SC et SCH). Grâce aux premières analyses de la section5.3.2.4, nous pouvons supposer que cela est dû à l’augmentation des fréquences d’oscillation de la tête, qui se découplent de plus en plus de celles des longs coups d’archet legatos. Contrainte par la minerve, les oscillations plus rapides de la tête entrainerait le buste avec elle, mais selon un déséquilibre moins grand qu’en mode détaché. En effet, les périodicités plus lentes des coups d’archet legato résulteraient en un couplage avec le tronc moins fort que pour le mode détaché, et donc aussi en des aires de déplacement COP un peu moins grandes (cf figure 5.4). Ces hypothèses sont confortées par les violoncellistes eux-mêmes, qui parlent de mode d’archet “plus facile à gérer sous la contrainte”, avec “moins d’efforts à faire”, ou encore d’un “bras droit qui compense bien avec la respiration”.

Chapitre 6

Mouvements, rythme et phrasé musical

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