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Technologies numériques et éditeurs

Dans le document Le livre, de l'imprimé au numérique (Page 30-32)

Les technologies numériques conduisent les éditeurs scientifiques et techniques à repenser leur travail et, pour certains, à s’orienter vers une diffusion en ligne, les tirages imprimés restant toujours possibles à titre ponctuel. Certaines

universités diffusent désormais des manuels «sur mesure» composés d’un choix de chapitres et d’articles sélectionnés dans une base de données, auxquels s’ajoutent les commentaires des professeurs. Pour un séminaire, un très petit tirage peut être fait à la demande, à partir de documents transmis par voie électronique à un

imprimeur. Quant aux revues spécialisées, certaines optent pour une publication en ligne complétée par un partenariat avec une société spécialisée se chargeant des impressions à la demande.

Enseignante-chercheuse à l’École pratique des hautes études (EPHE, Paris-Sorbonne), Marie-Joseph Pierre écrit en février 2003: «Il me paraît évident que la publication des articles et ouvrages au moins scientifiques se fera de plus en plus sous forme numérique, ce qui permettra aux chercheurs d’avoir accès à d’énormes banques de données, constamment et immédiatement évolutives, permettant en outre le contact direct et le dialogue entre les auteurs. Nos organismes de tutelle, comme le CNRS [Centre national de la recherche scientifique] par exemple, ont déjà commencé à contraindre les chercheurs à publier sous ce mode, et incitent fortement les laboratoires à diffuser ainsi leurs recherches pour qu’elles soient rapidement disponibles. Nos rapports d’activité à deux et à quatre ans – ces énormes dossiers peineux résumant nos labeurs – devraient prochainement se faire sous cette forme. Le papier ne disparaîtra pas pour autant, et je crois même que la consommation ne diminuera pas... Car lorsqu'on veut travailler sur un texte, le livre est beaucoup plus maniable. Je m’aperçois dans mon domaine que les revues qui ont commencé récemment sous forme numérique commencent à être aussi imprimées et diffusées sur papier dignement relié. Le passage de l’un à l’autre peut permettre des révisions et du recul, et cela me paraît très intéressant.»

Infographiste, Marc Autret a derrière lui dix ans de journalisme multi-tâches et d’hyperformation dans le domaine de l’édition, du multimédia et du droit d’auteur. Il explique en décembre 2006: «C’est un "socle" irremplaçable pour mes activités d’aujourd’hui, qui en sont le prolongement technique. Je suis un "artisan" de

l’information et je travaille essentiellement avec des éditeurs. Ils sont tellement en retard, tellement étrangers à la révolution numérique, que j’ai du pain sur la planche pour pas mal d’années. Aujourd’hui je me concentre sur le conseil,

l’infographie, la typographie, le pré-presse et le webdesign, mais je sens que la part du logiciel va grandir. Des secteurs comme l’animation 3D, l’automatisation des tâches de production, l’intégration multi-supports, la base de données et toutes les technologies issues de XML [eXtensible Markup Language] vont s’ouvrir naturellement. Les éditeurs ont besoin de ces outils, soit pour mieux produire, soit pour mieux communiquer. C’est là que je vois l’évolution, ou plutôt

l’intensification, de mon travail.»

Comment Marc voit-il l'avenir de l'ebook? «Sans vouloir faire dans la divination, je suis convaincu que l’e-book (ou "ebook": impossible de trancher!) a un grand avenir dans tous les secteurs de la non-fiction. Je parle ici de livre numérique en termes de "logiciel", pas en terme de support physique dédié (les conjectures étant plus incertaines sur ce dernier point). Les éditeurs de guides, d’encyclopédies et d’ouvrages informatifs en général considèrent encore l’e-book comme une déclinaison très secondaire du livre imprimé, sans doute parce que le modèle commercial et la sécurité de cette exploitation ne leur semblent pas tout à fait stabilisés

aujourd’hui. Mais c’est une question de temps. Les e-books non commerciaux émergent déjà un peu partout et opèrent d’une certaine façon un défrichage des possibles. Il y a au moins deux axes qui émergent: (a) une interface de lecture/consultation de plus en plus attractive et fonctionnelle (navigation, recherche, restructuration à la volée, annotations de l’utilisateur, quizz interactif...); (b) une intégration multimédia (vidéo, son, infographie animée, base de données, etc.) désormais fortement couplée au web. Aucun livre physique n’offre de telles fonctionnalités. J’imagine donc l’e-book de demain comme une sorte de wiki cristallisé, empaqueté dans un format. Quelle sera alors sa valeur propre? Celle d’un livre: l’unité et la qualité du travail éditorial!»

Concepteur du projet @folio, un projet de tablette de lecture nomade, Pierre Schweitzer explique en décembre 2006: «La lecture numérique dépasse de loin, de très loin même, la seule question du "livre" ou de la presse. Le livre et le journal restent et resteront encore, pour longtemps, des supports de lecture techniquement indépassables pour les contenus de valeur ou pour ceux dépassant un seuil critique de diffusion. Bien que leur modèle économique puisse encore évoluer (comme pour les "gratuits" la presse grand public), je ne vois pas de

bouleversement radical à l’échelle d’une seule génération. Au-delà de cette génération, l’avenir nous le dira. On verra bien. Pour autant, d’autres types de contenus se développent sur les réseaux. Internet défie l’imprimé sur ce terrain- là: celui de la diffusion en réseau (dématérialisée = coût marginal nul) des

oeuvres et des savoirs. Là où l’imprimé ne parvient pas à équilibrer ses coûts. Là où de nouveaux acteurs peuvent venir prendre leur place.

Or, dans ce domaine nouveau, les équilibres économiques et les logiques d’adoption sont radicalement différents de ceux que l’on connaît dans l’empire du papier - voir par exemple l’évolution des systèmes de validation pour les archives ouvertes dans la publication scientifique ou les modèles économiques émergents de la presse en ligne. Il est donc vain, dangereux même, de vouloir transformer au forceps l’écologie du papier - on la ruinerait à vouloir le faire! À la marge, certains contenus très spécifiques, certaines niches éditoriales, pourraient être

transformées - l’encyclopédie ou la publication scientifique le sont déjà: de la même façon, les guides pratiques, les livres d’actualité quasi-jetables et quelques autres segments qui envahissent les tables des librairies pourraient l’être, pour le plus grand bonheur des libraires. Mais il n’y a là rien de massif ou brutal selon moi: nos habitudes de lecture ne seront pas bouleversées du jour au lendemain, elles font partie de nos habitudes culturelles, elles évoluent

lentement, au fur et à mesure de leur adoption (= acceptation) par les générations nouvelles.»

Dans le document Le livre, de l'imprimé au numérique (Page 30-32)