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2.4 Prévention des risques et suivi des glaciers

2.4.3 Techniques de suivi opérationnel

L’étude menée sur le glacier d’Argentière par Christian Vincent et al. [Vinc 09] donne un bon exemple des techniques de suivi opérationnel utilisées dans le domaine de la glaciologie. Au niveau de la figure 2.20, on pourra retrouver les courbes correspondantes à l’ensemble des mesures réalisées, c.a.d. mesures de la topographie sous-glaciaire, mesures d’épaisseur de glace, des fluctuations de longueur, du bilan de masse et la vitesse d’écoulement. La topographie sous-glaciaire est mesurée en réalisant des sondages sismiques et des forages. Dans le cas du site d’Argentière, ces mesures ont été réalisées selon plusieurs profils (voir plan de la figure 2.20-(a)). L’épaisseur est déterminée grâce à la connaissance de la to-pographie sous-glaciaire et à la mesure de l’altitude par des méthodes géodésiques. Les fluctuations de longueurs sont déduites à partir de cartes géographiques d’époque (pour le début du XXème) et à partir de photographies aériennes depuis les années 1950. Le bilan de masse annuel et la vitesse d’écoulement annuelle sont obtenus à l’aide de balises d’ablation dont le principe de mesure est schématisé sur la figure 2.21. Les balises sont positionnées le long des profils transversaux présentés sur la carte de la figure 2.20-(a). Pour compléter les mesures de bilan de masse, des balises sont aussi placées à d’autres positions pour mieux échantillonner le glacier et déduire un bilan de masse de surface. Les vitesses d’écoulement sont déduites du déplacement des balises. Ce déplacement est déterminé par des levés topographiques à l’aide de théodolites avant 2000. Depuis 2000, le positionnement des balises est obtenu par GPS différentiel.

En France, le suivi annuel des glaciers sur plusieurs dizaines d’années, à l’instar du gla-cier d’Argentière, ne concerne qu’une minorité de glagla-ciers. Ainsi, le service d’observation GLACIOCLIM, piloté par le LGGE, suit 5 glaciers dans les Alpes françaises : Saint-Sorlin (Savoie), Argentière (Haute-Savoie), Gébroulaz (Savoie), Sarennes (Isère) et Mer de Glace

(a) Positions des trois profils transversaux de mesure sur le glacier (à gauche) et comparaison entre

les épaisseurs de glace mesurées en 1976 et 2003 au niveau des ces trois sections (à droite).

(b) Évolutions de l’altitude de la surface (ligne pointillée) et la vitesse

d’écoulement (ligne continue) pour les trois profils transversaux (gra-phiques du milieu)). Courbe du bilan de masse (graphique du haut) et courbe de la fluctuation de longeur (graphique du bas).

Figure2.20 – Exemple de suivi d’un glacier sur 50 ans (EDF puis le LGGE à partir de

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(a) Principe de la mesure. (b) Photo d’une balise sur le glacier d’Argentière. Figure 2.21 – Mesure du bilan de masse annuel (accumulation de neige et ablation de

glace) et de la vitesse d’écoulement annuelle d’un glacier avec des balises d’ablation. (a) Schéma d’après Etienne Berthier [Bert 05a]. (b) Photo de juillet 2009.

(Haute-Savoie). L’objectif ici est de mesurer et comprendre l’évolution des glaciers en lien avec les fluctuations climatiques. Le faible nombre de glaciers suivis se justifie par les lourds moyens humains et financiers qu’exigent un suivi rapproché : déplacements sur le terrain 2 à 4 fois par an, difficultés d’accès, etc. Cependant, lorsqu’un glacier représente un risque, un suivi est mis en place de façon ponctuelle. C’est, par exemple, le cas du glacier de Taconnaz pour lequel le risque d’avalanches causées par les chutes de séracs exige un suivi constant. A partir de 2001, un réseau de mesures a été déployé pour suivre ce glacier : mesure de vitesse mensuelle et du bilan de masse avec des balises, et estimation de la position de la barre de séracs à partir des levés topographiques effectuées avec des théodolites [Meur 06]. L’utilisation d’outils photogrammétriques (clichés photographiques pris depuis un hélicoptère et clichés pris avec un appareil photo grand public) pour estimer le volume des blocs de glace de la barre de séracs a également été entreprise. Ce travail a été réalisé dans le cadre du stage de fin d’étude de Renaud Blanc [Blan 03].

Les données de télédétection, comme, par exemple, les images satellitaires et les MNT, sont de plus en plus utilisées pour suivre des glaciers puisqu’elles permettent de réaliser des mesures sur l’ensemble des glaciers présents dans un massif et non sur quelques gla-ciers. Au cours des années 1990, période de l’essor de la télédétection satellitaire, on a constaté des développements méthodologiques spécifiques à ce nouveau type de données. Le travaux entrepris ont montré que la télédétection satellitaire fournissait de bons résul-tats tout en restant un outil complémentaire aux mesures terrain. Ces travaux ont étudié l’utilisation de plusieurs MNT, synthétisés à intervalle de temps différent, pour déduire la perte d’épaisseur des glaciers [Bert 04]. On trouve également des travaux qui proposent d’utiliser des images satellitaires optiques pour déterminer l’altitude de la ligne d’équilibre et le bilan de masse [Raba 05]. Les images satellitaires optiques et radar donnent aussi la possibilité de mesurer des champs de déplacement sur toute la surface du glacier. Ce point sera développé dans la sous-partie suivante. Ce tour d’horizon rapide sur les techniques de

télédétection est bien évidement non exhaustif. On pourra se référer au livre de Andreas Kääb qui résume bien toutes les techniques de télédétection possibles pour suivre les gla-ciers [Kaab 04].

Plus récemment, au cours des années 2000, la communauté des glaciologues s’est inté-ressée à l’utilisation des appareils photo numériques grand public pour suivre les glaciers. Un examen de la littérature montre que l’utilisation de cet instrument de télédétection proximal est encore marginale vis-à-vis de la télédétection spatiale. Dans les années 1980, quelques travaux ont débuté avec des appareils photo argentiques dont les prises de vues étaient numérisées. En 2004, l’étude de Javier González Corripio a montré qu’il était pos-sible d’estimer l’albédo9 des glaciers du Mont Blanc à partir d’un MNT et de clichés argentiques numérisés [Corr 04]. La plupart des autres travaux concernent la mesure du déplacement des glaciers et font l’objet d’un développement dans la sous-partie suivante.