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La technique, produit de l’unité d’une logique de développement

Dans le document La démocratie technique (Page 41-49)

And you assume you got something to offer Secrets shiny and new But how much of you is repetition Sixto Rodriguez, Cold Fact, « Crucify your mind »

Nous examinons dans ce chapitre que ce signifie d’affirmer que la technique est une activité du vivant et, plus particulièrement, ce qu’est l’exosomatisation, c'est-à-dire l’affirmation que les objets techniques sont des prolongements du corps humain (I). Nous montrons comment cette thèse s’articule avec celle de l’autonomie de la technique dont nous distinguons les différents sens. C’est à l’autonomie de la technique définie comme théorie de la technique que l’évolutionnisme, plus précisément un certain évolutionnisme et un certain usage de l’évolutionnisme, se rapporte (II). Soutenu dans une version radicale, que nous examinons chez Ernst Kapp, l’évolutionnisme technique conduit à concevoir les objets techniques comme des projections des êtres humains déterminées par leur structure anatomo-physiologique et par lesquelles ils phagocytent et incorporent toute chose. La technique n’est, en ce cas, même plus relation à la nature : elle n’est que pure expression de nous-mêmes (III). Une version moins radicale de ce propos, celle d’Arnold Gehlen, permet de souligner que toute prise en compte insuffisante des éléments culturels du développement technique reconduit à un déterminisme ou à une téléologie, et que la question de l’augmentation des capacités humaines ne doit pas être confondue avec une appréhension des techniques qui permet de comprendre comment elles reconfigurent le champ de l’activité humaine. Plus de technique ne signifie pas plus de liberté parce que la technique ne peut être pleinement analysée en étant décrite simplement comme un moyen pour une fin (IV).

I. L’ANCRAGE BIOLOGIQUE DE LA TECHNIQUE

I. 1. Critique de la technique comme activité rationnelle : antériorité

chronologique et biologique

I. 1. 1. La thèse de la différence anthropologique

La thèse de la différence anthropologique consiste à affirmer que l’humain est un être d’anti-nature dont toute l’humanité réside dans sa capacité à s’arracher à l’ordre de l’animalité1. L’activité technique occuperait un rôle décisif dans cette rupture puisque la technique caractériserait l’être humain et le distinguerait des animaux en ce qu’elle relèverait d’un projet intentionnel et rationnel. Ainsi comprise, la technique ne serait que le corollaire de la science et la théorie serait toujours première relativement à la pratique. L’objet technique serait conçu, entièrement pensé, avant d’être réalisé. D’Aristote, considérant la poïésis comme le résultat de l’activité de la partie rationnelle de l’âme2, à Marx distinguant « le plus mauvais architecte » de l’abeille par la réalisation préalable de son produit techniques dans son esprit3, la technique est considérée comme précédée de sa théorisation.

Cette confusion entre « l’antériorité logique » et « l’antériorité chronologique4 » selon laquelle les machines seraient des « théorèmes solidifiés », simple application d’un « savoir conscient5 », ne résiste toutefois pas à l’examen des faits. Considérant les relations entre les sciences et les techniques, Jean-Marc Lévy-Leblond6 rappelle que ces deux domaines sont longtemps restés séparés et, si l’on se doute que les premiers silex ne furent pas le résultat d’un traité sur l’usage de la percussion, les techniques ne tiraient pas non plus profit des sciences en cette époque ultérieure et préoccupée par l’accroissement de ses connaissances que fut l’Antiquité grecque, où l’artisan et le philosophe de la nature ne s’occupaient pas d’objets de même noblesse.

1 Il faut toutefois remarquer que la division entre les thèses de la différence anthropologique ainsi décrites et celles de l’ancrage biologique de la technique ne recouvre pas la division entre discontinuité et continuité de l’animal à l’humain. Il est parfaitement possible de situer la technique dans un cadre anthropologique où elle constitue le moyen naturel par lequel l’humain s’adapte à son environnement et de considérer qu’il se révèle par là qualitativement différent des autres animaux. On se reportera ci-dessous à I.2.2. L’être humain et ses prolongements techniques.

2 Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 4, trad. Tricot, Paris, Vrin, 1990.

3 Karl Marx, Le Capital, livre I, section III, chap. 7, § 1, Paris, Gallimard, 2008, p. 276.

4 Georges Canguilhem, « Machine et organisme », in La connaissance de la vie, 2nde éd. revue et augmentée, Paris, Vrin, 1992, p. 129-164 : p. 155.

5 Ibid., p. 130.

6 Jean-Marc Lévy-Leblond, « La Techno-science étouffera-t-elle la science ? », conférence dans le cadre du cycle Démocratie, Science et Progrès, Café des sciences et de la société du Sicoval, 2000, texte disponible à l’adresse suivante : http://www.agrobiosciences.org/IMG/pdf/cafe_science_levy.pdf

Certes, arithmétique et géométrie par exemple, furent absolument essentielles pour tenir les registres des récoltes ou pour pratiquer l’arpentage ; mais il ne s’agissait en rien d’une activité spéculative basée sur des formules précises. Le rapprochement entre sciences et techniques fut en réalité tardif et les sciences ne commencèrent véritablement à déboucher sur des applications techniques qu’au début du XIXe siècle avec le thermodynamisme, l’électromagnétisme, la chimie ou les télécommunications. Auparavant, et depuis la révolution galiléenne, c’était les techniques et le long processus d’accumulation empirique de connaissances et de savoir-faire qui fournissaient aux sciences les bases de leur découverte : Galilée formula la mécanique simple à partir des observations qu’il lui fut donné de faire dans les arsenaux de Venise7.

I. 1. 2. La technique comme activité du vivant

L’antériorité chronologique de la technique sur la science est solidaire de son antériorité biologique : la technique est une activité du vivant. La théorisation du résultat de l’activité technique qui peut la suivre, sous la forme d’un corpus scientifique, ne doit pas masquer l’origine première qui est celle de cette activité, c'est-à-dire son origine vitale. Cette thèse, fortement rappelée par Canguilhem dans son article « Machine et organisme8 », réinsère l’activité technique dans l’ordre du vivant, comme processus naturel qui ne constitue pas une rupture et ne fait pas de l’humain un être d’anti-nature nécessairement source de déséquilibres pour son environnement9. Loin d’être « l’application d’un savoir10 », et d’un savoir réservé à l’être humain, les activités techniques sont des « comportements […] du vivant11 », le « phénomène biologique12 » par lequel il interagit avec son milieu afin d’y assurer son existence.

C’est également ce qu’affirme Bergson, dont l’emploi du terme « intelligence » pour désigner la faculté technique humaine ne doit pas induire en erreur. Si la résistance opposée par la matière à l’élan vital a conduit à la séparation des tendances dont celui-ci est porteur en instinct – qui culmine chez les hyménoptères – et en intelligence – chez l’être humain, point culminant de l’évolution des vertébrés –, tous deux sont des façons dont la vie poursuit son mouvement13. L’intelligence fabricatrice, par son action sur la

7 Ibid.

8 Georges Canguilhem, op. cit.

9 Sans que cela implique que l’activité humaine ne soit jamais à l’origine de ruptures des équilibres. Voir plus loin dans ce même chapitre et Georges Canguilhem, « La question de l’écologie », 2nde éd. revue et augmentée, in François Dagognet, Considérations sur l’idée de nature. [Suivi de] La question de l’écologie, Paris, Vrin, 2000, p. 183-191.

10 Georges Canguilhem, « Machine et organisme », op. cit., p. 159.

11 Ibid., p. 162.

12 Ibid., p. 163.

13 On se reportera à Henri Bergson, L’évolution créatrice, Paris, Presses universitaires de France, 1998, plus particulièrement au chapitre 2.

matière, continue le mouvement de création biologiquement inscrit en l’humain. Ce dernier est cet être qui produit naturellement de l’artifice, qui prolonge son action par des artefacts, qui assure sa (sur)vie en comblant son déficit en force, en vitesse ou en organes spécialisés (tels que des griffes, des pinces ou des crocs), non pas par une activité intellectuelle, mais par le profit qu’il tire de sa non-spécialisation, celle dont sa main, organe des organes, est à la fois le symbole et la pièce centrale.

L’article de Canguilhem ne commence toutefois pas par cette thèse de « l’antériorité chronologique et biologique14 » de la technique mais par celle de l’impossibilité d’opposer mécanisme et finalité, impossibilité qu’il met en évidence lorsqu’il conteste l’identification du vivant et du mécanique. Du point de vue du statut des productions techniques, l’enchaînement de ces deux thèses n’est pas indifférent : puisque mécanisme et finalité ne s’opposent pas et puisque la technique est une activité du vivant, alors outils et machines doivent être considérés, et considérés tous deux, comme faisant partie du mouvement même de la vie. Si naturel et artificiel doivent se voir identifiés, ce ne saurait être à la manière dite cartésienne que Canguilhem nomme « anthropomorphisme technologique15 » : celui-ci consiste à expliquer le vivant sur le modèle du mécanique, autrement dit comme un ensemble mécanique dont nous avons organisé la finalité (car tel est l’échec de Descartes : n’avoir pas pu échapper à cette notion de finalité) pour qu’elle se produise, non en suivant un commandement (c’est là ce que Canguilhem nomme « anthropomorphisme politique16 ») mais par la seule organisation de ses parties et par la seule vertu du principe de causalité. En quoi y a-t-il là anthropomorphisme ? Comme le précise la note 45 de l’article, l’anthropomorphe est ce qui se distingue du vivant, ce qui est artificiel, ce qui a un but défini. Le vivant en effet, et c’est le paradoxe que rapporte Canguilhem, répond à des finalités bien moins rigides que ne doivent le faire les productions mécaniques, en témoigne la vicariance de fonctions des organes. Expliquer le vivant selon le modèle d’une production hautement finalisée est une attitude anthropomorphe tant elle prétend rendre compte du biologique selon les cadres de ce que les humains sont capables de fabriquer.

Ce n’est donc pas le vivant qui doit être conçu comme un ensemble mécanique, mais nos artefacts qui doivent être replacés dans l’ordre du vivant, rapportés au phénomène biologique dont ils sont issus. Le changement technique se prête aisément à une lecture en termes de technoévolution, une évolution dans laquelle les filiations techniques sont semblables aux lignées phylogénétiques des êtres vivants. La technique peut ainsi se voir dotée de son propre courant vital – chaque objet technique constituant un individu avec des organes qui apparaissent ou disparaissent – ou constituer un

14 Georges Canguilhem, ibid., p. 155.

15 Ibid., p. 146.

prolongement du corps humain – les objets techniques en constituant alors des organes17. Cette seconde approche reçoit le nom d’exosomatisation.

I. 2. L’exosomatisation

I. 2. 1. L’être humain, produit de sa main

Leroi-Gourhan propose dans son ouvrage célèbre Le geste et la parole une anthropologie évolutive qui accorde à la technique une place centrale dans l’étude de l’évolution de la lignée humaine. La thèse de l’auteur dans le premier tome, Technique et langage, est bien connue et nous ne la rappellerons que brièvement : Leroi-Gourhan rompt avec une tradition qui faisait du développement cervical de l’être humain le moteur spécifique de l’évolution de l’espèce. Désormais, le développement cellulaire du cerveau n’est plus une cause, mais une conséquence des contraintes mécaniques engendrées par la station verticale permanente. Ce critère, essentiel à la définition de l’humanité, a toutefois été tardivement et difficilement reconnu : « Nous étions préparés à tout admettre sauf d’avoir débuté par les pieds18 », et nous aurions plus facilement accepté de faire entrer dans la catégorie homo un quadrupède au cerveau proche du nôtre qu’un bipède au faible volume cervical19. Pourtant, la station verticale permanente est ce qui libère la main de son rôle d’organe locomoteur et, ainsi, la bouche de son rôle d’organe de préhension. Deux conséquences simultanées en découlent puisque, premièrement, le déplacement du trou occipital de l’arrière vers le bas entraîne la modification de la forme et de la disposition de la boîte crânienne, permettant l’accroissement cellulaire du volume du cerveau ; et que, deuxièmement, la mâchoire et la dentition s’allègent, pharynx et larynx, à l’arrière-gorge, devenant disponibles pour le langage.

Pensée et parole sont alors à comprendre comme des conséquences de l’évolution, laquelle entraîne également la fabrication d’outils puisque les actions de la main et celle de la face sont coordonnées par le même système neuro-moteur : elles « recour[ent] dans le cerveau au même équipement fondamental20 ». Présence du langage et présence de la technique sont ainsi concomitantes, ce que traduit la notion de chaîne opératoire, séquence de gestes qui transforment la matière en quelque chose d’utilisable21. Ces séquences de fabrication d’un objet s’organisent selon ce que Leroi-Gourhan nomme une

17 Voir Xavier Guchet, Les sens de l’évolution technique, Paris, Éditions Léo Scheer, 2005 ; voir le chapitre 2 du présent travail : « II.3.1. L’approche technologique et la notion d’intention ».

18 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole (I) - Technique et langage. 105 dessins de l’auteur, Paris, Albin Michel, 1964, p. 97.

19 Ibid., p. 42 : « […] il y a dix ans à peine on aurait presque plus facilement accepté un quadrupède à cerveau déjà humain qu’un bipède aussi en retrait cérébralement que l’Australopithèque. ».

20 Ibid., p. 162.

« véritable syntaxe22 », dans un processus similaire à celui que mobilise le langage. L’organisation de la technique reflète des dispositions intellectuelles et le geste incarne la structuration du processus mental : la même logique est donc à l’œuvre pour utiliser la main et la parole23. Il est alors possible, en voyant les outils, de comprendre la logique de pensée qui a présidé à leur fabrication puisque les outils sont la concrétisation du mode de réflexion. Cette notion de syntaxe permet également à Leroi-Gourhan de rendre compte du double aspect de chaque chaîne opératoire, celui de la fixité et celui de la souplesse. Les séries opératoires ont la possibilité d’être reproduites et transmises en même temps qu’elles peuvent être adaptées à des situations différentes et donc modifiées et développées, permettant ainsi innovation et découvertes.

I. 2. 2. L’être humain et ses prolongements techniques

Ces éléments de présentation sont nécessaires pour comprendre le statut de la technique et de son développement dans la théorie de Leroi-Gourhan. Ce qu’il propose est une théorie de l’hominisation qui ne s’appuie pas sur une rupture avec la nature et le reste du règne animal24, tout en soulignant ce qui fait la spécificité de l’être humain : la complexité de ses techniques et des sociétés qu’il développe. Répondant à l’objection implicite de la présence de techniques chez d’autres espèces du règne animal, notamment chez les grands singes, Leroi-Gourhan rappelle que l’utilisation de signaux aussi bien que d’outils nécessite un stimulus extérieur et disparaît sitôt que celui-ci cesse25. Chez l’humain, en revanche, les signes du langage et les procédés de fabrication préexistent à l’usage et perdurent au-delà. Le concept et l’outil jouissent tous deux d’une permanence, et d’une permanence semblable26. Il y a ainsi disponibilité des symboles humains par opposition au caractère déterminé des signaux animaux. Les signaux animaux répondent à une forme de causalité, là où les symboles humains se caractérisent par une disponibilité qui permet leur libre adaptation au contexte.

L’être humain est ainsi cet être naturel qui produit, par un processus naturel, de l’artificiel. La technique se situe dans la continuité de l’évolution naturelle : elle prolonge le corps humain, ce corps non spécialisé qui a besoin d’extérioriser l’action des dents et des ongles :

22 Ibid., p. 164.

23 Pour un point sur les connaissances actuelles relativement aux développements des capacités cognitives chez les homininés, on pourra se reporter à Sophie A. De Beaune, « L’émergence des capacités cognitives chez l’homme », in René Treuil (dir.), L’archéologie cognitive, Maison des Sciences de l’Homme, 2011, p. 39-90, <halshs-00730326>.

24 En ce sens, il fait partie des « continuistes », ainsi que les nomme Jean-Yves Goffi dans sa Philosophie de la technique, Paris, Presses universitaires de France, 1988.

25 Cette dernière affirmation a depuis été invalidée par les progrès de l’éthologie animale.

Toute adaptation de la main des premiers Anthropiens en outil proprement dit n’aurait créé qu’un groupe de Mammifères hautement adaptés à des actions restreintes et non pas l’homme, dont l’inadaptation physique (et mentale) est le trait générique significatif : tortue lorsqu’il se retire sous un toit, crabe lorsqu’il prolonge sa main par une pince, cheval quand il devient cavalier, il redevient chaque fois disponible, sa mémoire transportée dans les livres, sa force multipliée dans le bœuf, son poing amélioré dans le marteau27.

Le développement technique, et sa conséquence que constitue le développement particulier des sociétés humaines, ne sont que la continuité de l’évolution qui a mené l’humain vers l’état biologique que nous connaissons encore aujourd'hui (bipédie, main libre, face courte et fort volume cérébral). Les objets techniques sont des « exsudations28 » du corps humain. Cette extériorisation commence avec l’outil, se poursuit avec la force motrice (celle des animaux, de l’eau ou du vent), avant de concerner le cerveau moteur lui-même, permettant ainsi aux machines de fonctionner automatiquement29. Autrement dit, les étapes de l’évolution technique sont des étapes « biologiques30 » qui consistent à amplifier les différentes fonctions de notre organisme, au point que l’espèce humaine se trouve légèrement modifiée à chaque fois qu’elle utilise un nouvel objet technique.

Que l’on affirme que la technique est dotée de son propre courant vital ou, comme c’est plus souvent le cas, qu’elle est extériorisation d’un courant vital qui a conduit à l’être humain et se prolonge au-delà de lui, on affirme alors que technique et vivant partagent une nature commune. Nous reviendrons sur l’usage heuristique que l’on peut faire de cette affirmation pour comprendre le mode de fonctionnement des objets techniques et les liens entre ceux-ci qui se manifestent dans le changement technique. En-dehors de cet usage raisonné de la notion d’évolutionnisme, la référence à l’ordre du vivant est régulièrement mobilisée pour fonder l’affirmation que le changement technique suit un chemin auxquels président les normes propres au courant vital et ainsi le naturaliser. La nature n’est en ce cas pas à comprendre comme ce dont on peut connaître les règles et comme ce sur quoi on peut agir ; elle n’est pas une objectivation de l’objet qui permet de mettre temporairement de côté la notion d’intentionnalité pour examiner le seul enchaînement des objets techniques. Le discours de naturalisation a au contraire pour objectif d’affirmer l’inexistence d’un véritable sujet du changement technique et la totale autonomie de ce dernier.

27 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole (II) - La mémoire et les rythmes. 48 dessins de l’auteur, Paris, Albin Michel, 1965, p. 48.

28 Ibid., p. 40.

29 Ibid., p. 52.

II. DE LAUTONOMIE DE LA TECHNIQUE EN GÉNÉRAL ET DE LÉVOLUTIONNISME TECHNIQUE EN PARTICULIER

II. 1. Les thèses de l’autonomie de la technique

II. 1. 1. L’autonomie de la technique comme perspective heuristique

La notion d’autonomie exerce une influence puissante sur la pensée de la technique, tant le réel possède pour lui le poids de l’évidence face à des possibles qui ne peuvent opposer que la force de leur argumentation. Le changement technique a des allures de mouvement indépendant qui se dirige vers toujours plus d’efficacité et de complexité. Il est certain que nous pouvons aujourd'hui faire des choses que nos prédécesseurs n’osaient même pas rêver : nous soignons plus de maladies, nous nous déplaçons plus vite, nous quittons la Terre pour l’espace. Nous payons certes cela d’un certain nombre de maux, mais ils ne paraissent pas remettre en cause ce fait : la technique progresse, même si ce progrès n’est pas nécessairement un progrès égal pour tous et selon tous les aspects de nos vies. Surtout, ce progrès semble inéluctable : l’avion ne trouve-t-il pas son origine dans le rêve et la folie d’Icare ? La question de l’autonomie de la

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